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Calcul Rapide

Valentin Buat-Ménard [1]

Avant propos et remerciements

Cet article se veut être complémentaire de l’article de Gilles Bourdenet (professeur à Pfulgrisheim et formateur à l’IUFM de Strasbourg). Les progressions proposées ont été inspirées par le travail de François Drouin (formateur à l’IUFM de Lorraine). Je remercie ce dernier de m’avoir initié, entre autres, aux joies du calcul rapide.

Introduction

J’appelle Calcul Rapide (CR) une activité systématique de 5 à 10 minutes en début de cours, où l’élève se voit proposer quatre calculs de type calcul mental ou calcul réfléchi. Cette activité « journalière » permet de « développer le calcul mental » (ce qui est une exigence forte des programmes), de familiariser l’élève avec les nombres dans leurs différents registres, ou encore de développer son esprit critique par l’analyse d’erreurs. Au-delà de cet argumentaire de fond déjà discuté dans l’article de G. Bourdenet, je m’intéresse ici à deux apports essentiels du CR : cette activité rituelle permet de réconcilier certains élèves avec les mathématiques ; le CR permet d’envisager une autre organisation des apprentissages.

Une activité rituelle

En primaire les élèves pratiquent des activités de questions / réponses avec ou sans ardoises. Bâti sur ce mode ludique, le CR rencontre rapidement l’adhésion des élèves.
Je découpe une séance type en trois phases : CR – correction d’exercice – thème « principal ». Le cours est varié sur la forme et le fond, et il n’est pas rare qu’en début d’année, les élèves s’étonnent de la vitesse à laquelle passe le cours. De plus, le CR constitue un repère de début d’heure : l’élève entre en classe, sort sa feuille de calcul et il est immédiatement mis en activité. Comme on ne se focalise pas tout de suite sur le travail à la maison, l’élève ne se sent pas jugé d’emblée. En particulier, lorsqu’il est en difficulté, il n’est pas mis face à son échec préalablement à toute
chose.

En tant qu’activité rituelle, le CR est un outil pour mettre l’élève en confiance si l’on respecte deux principes : l’élève doit pouvoir participer à l’exercice (il doit y avoir au moins un calcul accessible à tous) ; le statut de l’erreur doit tenir une place centrale dans la correction. L’enseignant doit encourager l’essai et analyser ensuite les erreurs significatives. Il soulève implicitement l’intérêt de l’erreur dans l’apprentissage et permet de la dédramatiser.

Le CR permet de réconcilier les élèves les plus en difficultés avec les mathématiques en leur donnant une image plus accessible de cette matière. Je citerais l’exemple d’une classe de Quatrième avec un bon tiers d’élèves en difficultés en mathématiques. Au bout d’un mois ce sont majoritairement ces élèves qui animent le CR. Un d’eux, M, était en échec total en début d’année, assis au premier rang totalement passif. Au fur et à mesure, M se mit à participer au CR. Il faisait
beaucoup d’erreurs, mais comme on prêtait attention à ses réponses il s’obstina. Au mois de novembre M proposait une réponse à chaque calcul et savait par exemple développer et réduire des expressions littérales. M n’est plus « nul en maths » à ses yeux et à ceux de la classe même s’il reste encore passif pendant d’autres parties de la séance.

Calcul rapide et progression spiralée

Contrairement aux préjugés, le CR n’empêche pas de « boucler le programme » s’il est utilisé dans un cadre bien défini. Voyons d’abord à quoi peut servir le CR :
 Introduire une notion (exemples : multiplication de fractions en Sixième, multiplication de relatifs et puissances en Quatrième, racines carrés en Troisième [2], etc.).
 S’exercer : une partie des exercices d’entraînement peut être traitée en CR sur une période. Comme le souligne G. Bourdenet, cette forme d’exercices est souvent plus efficace qu’une seule longue séance de calcul sur un seul thème.
 Corriger : le CR peut être utilisé comme un outil de remédiation après une évaluation.
 Réinvestir : le retour régulier d’une notion tout au long de l’année permet de consolider son acquisition. Grâce au CR on peut réveiller une notion avant de la réutiliser en thème principal (exemple : revenir sur les équations de la quatrième proportionnelle avant le chapitre sur Thalès).

Une progression spiralée s’attache à faire revenir régulièrement l’élève sur une notion en étalant son apprentissage tout au long de l’année scolaire. Le CR s’inscrit dans cette logique. Il est par exemple très avantageux de traiter une grande partie du calcul fractionnaire, du calcul littéral, des puissances ou des racines carrées sous cette forme en évitant ainsi des chapitres lourds et souvent indigestes pour les élèves qui doivent assimiler en même temps une notion nouvelle et toutes les techniques de calculs qui vont avec.

Analysons par période une progression spiralée s’appuyant sur le CR pour une classe de Quatrième :

Première période :

Calcul rapide Thème principal
Calculs type 2 × 3/4 ; 2 + 3/4 ; 2/3 × 3/4 ;
6/5 + 2 ; 2/5 + 3 ; 2/6 + 3/6 (pas de
dénominateurs différents).

Équations type 7x = 9 ; x /5 = 3 ; x + 3 = 7 ;
2x + 3 = 6 ; x /5 = 3/4 ; (2x + 3)/3 = 5 .

Inverse et division de fractions.

Équation quatrième proportionnelle

4/x = 5/6 (utilisation de l’inverse).

Équations type x /7 + 5 = 9

(différentes méthodes).

Priorités opératoires (sans relatifs).

Introduction des puissances de 2 et 3.

Travail sur les carrés : Encadrement de racines, carrés parfaits.

Équations x² + 4 = 5 ; (2x)² + 6 = 8 .

Tracés de triangles rectangles.

Premiers calculs littéraux

Pourcentages sans recours à l’équation.

Équations type 7x = 1 ; inverse d’un nombre positif.

Caractérisation des parallélogrammes,

Premières démonstrations.

Proportionnalité (Problèmes et graphes).

Méthodes vues dans les classes précédentes.

Égalité de proportions \(\iff\) Égalité de fractions.

Calcul de coefficients.

_ Pythagore : propriété directe.

Vacances Toussaint

Pendant cette période, les calculs se font sans nombres relatifs afin de ne pas ajouter de difficultés supplémentaires pour les calculs fractionnaires, les équations et le calcul littéral.

Les règles de calculs sur les fractions sont revues en insistant sur les opérations mêlant fractions et entiers pour revenir sur le sens de la fraction. Il faut travailler le changement de registre : 2 × 3/4 c’est 2 fois 3 quarts et donc 6 quarts. 6/5 : 2 c’est 6 cinquièmes divisé par 2 et donc 3 cinquièmes. On peut traiter 2 + 3/4 à l’aide d’une représentation géométrique des fractions. Ces calculs fractionnaires sont réinvestis pour les pourcentages dans le thème principal (prendre les 5% c’est × 5/100).

Les équations sont évoquées très tôt dans l’année pour introduire la
notion d’inverse et elles seront utilisées dans tous les autres chapitres (proportionnalité – Pythagore – etc.).

Après l’introduction de la notion d’inverse, l’entraînement et l’application aux divisions de fractions se feront en CR. Équations et divisions de fractions seront réinvesties lors des équations de quatrième proportionnelle en soutien du chapitre sur la proportionnalité.

Les priorités opératoires sont ensuite revues en prévision de la deuxième période.

On en profite pour introduire la notion de puissance, le carré sera d’ailleurs très vite utilisé pour la propriété directe de Pythagore. Le théorème de Pythagore est en effet étudié en deux étapes toujours dans la logique d’étaler les apprentissages. Lors de l’étude de Pythagore, il est très intéressant de travailler sur la notion de racine carrée en CR. Afin de donner aux élèves un recul sur les calculs effectués, on peut leur apprendre à encadrer des racines carrées pour trouver un ordre de grandeur. De plus, le traitement des équations type Pythagore peut aider l’élève à décloisonner sa représentation de l’objet « équation » en lui faisant comprendre que x² + 4 = 5 se traite comme AB² + 4 = 5.

On peut envisager d’utiliser le CR pour faire des tracés de triangle rectangle. On dépasse le cadre du « calcul » au sens strict du terme, mais on reste dans l’esprit du CR.

Deuxième période :

Calcul rapide Thème principal
Premiers calculs littéraux :

réductions avec des monômes de degré < 3.

Développements simples (idem).

Additions et soustractions de deux entiers relatifs.

Multiplications de relatifs et priorités.

Puissances de nombres relatifs.

Calculs divers avec des nombres relatifs.

Puissances.

Calcul algébrique (initiation) :

Simple distributivité (approche géométrique).

Programmes de calculs et calculs de périmètres et d’aires.

Théorème des milieux.

Puissances d’exposants négatifs.

Puissances de 10 – changement de registre.

Première rencontre avec l’écriture scientifique.

Vacances de Noël

Le calcul littéral, introduit juste avant les vacances, est repris en thème principal sur des problèmes concrets pendant que le CR en traite l’aspect technique.

On s’attaque aux relatifs en revenant d’abord sur les additions et soustractions. La multiplication de relatifs est découverte, puis entièrement traitée en CR. On veillera bien sûr à formaliser par une trace écrite la règle des signes ainsi découverte. Pendant cette période, on revient régulièrement sur les notions vues depuis le début d’année (fractions, puissances, développements simples, priorités), en les traitant cette fois avec les nombres relatifs.

Les puissances d’exposants positifs ayant déjà été abordées en première période, on introduit les exposants négatifs en thème principal, avant d’étudier toutes les puissances de 10. On veillera à remettre régulièrement des puissances d’exposants négatifs d’autres nombres que 10 en CR pour éviter les confusions du type : \(2^{-3} = 0,002\).

Troisième période :

Calcul rapide Thème principal
Additions de fractions : vers les additions
avec dénominateurs différents.

Fractions et priorités : calculs type brevet.

Retour sur les équations.

Puissances : \(2^3 \times 2^4\) ; \(2^3/2^4\) : vers les règles
de calculs.

Calcul littéral avec des relatifs et toutes puissances.

Suppressions de parenthèses.

Puissances de 10, changement de registre.

Pourcentages (soldes), techniques affinées : multiplication par 130/100 ou 1,30 pour une hausse de 30%.

Conséquence et réciproque de Pythagore.
Triangles rectangles et cercles.

Puissances : opérations.
Retour sur l’écriture scientifique.

Droites concourantes
Vacances de Février

On revient sur les additions de fractions en CR avec le cas des dénominateurs différents, pour finir sur les calculs de fractions type brevet. On notera qu’au final, le chapitre sur les fractions a été entièrement traité en CR.

Le retour sur les pourcentages puis sur le théorème de Pythagore en début de la nouvelle année civile fait un écho au début de l’année scolaire. Les élèves croient être dans du « déjà vu » alors qu’il y a des notions nouvelles. Ceci a pour effet de les mettre en confiance et de les relancer dans une dynamique positive pour la seconde partie de l’année scolaire.

Le retour aux équations n’est pas relié au thème principal, mais il est important car elles n’ont pas été revues depuis longtemps. Le retour au calcul littéral est nécessaire pour les mêmes raisons ; de plus il permet d’appliquer les règles découvertes sur les puissances. On pourra alors faire des développements avec toutes les puissances type \(x^3 (x^4 + 1)\).

Quatrième et cinquième période :

Calcul rapide Thème principal
Équation quatrième proportionnelle.

Division de fractions : utilisation dans les
équations type $7 \over 3x=2 \over 5.

Équations avec des fractions (et des relatifs).

Calcul littéral : double distributivité.
Développements et réductions à tous degrés.

Moyennes pondérées.

Calculs avec des fractions et des relatifs.

Propriété directe de Thalès.

Rencontre avec la double distributivité.

Retour sur les problèmes d’algébrisation.

Distances et tangentes. Problèmes de géométrie.

Statistiques (effectifs et fréquences cumulées).

Graphes, Excel.

Pyramides : perspectives et patrons.

Vacances de pâques
Calcul rapide Thème principal
Équations : toutes !

Fractions et puissances type brevet.

Vitesses ; changement d’unités.

Calcul littéral et équation autour de formules (périmètres ; aires ; volumes).
Problèmes du premier degré.

Translations et parallélogrammes.

Volumes de pyramides et de cônes.

Cosinus.

Inégalités.

Pour la propriété de Thalès, il est évidemment utile de revenir sur les équations de proportionnalité, et on en profitera pour étudier les équations avec des fractions en CR.

Le calcul littéral est ensuite revu au complet après l’introduction du double développement. Jusqu’à la fin de l’année on note que l’on fait majoritairement du réinvestissement en calcul rapide. On introduira encore les moyennes pondérées, les conversions et les calculs de vitesses.

Un autre exemple : Progression de début d’année en classe de sixième.

Calcul rapide Thème principal
Calculer le quart, le dixième, le tiers … d’un entier.

Calculs du type 3 + 1/3 = …/3 et 17/4 = …+ …/4.

× 10, × 100…, : 10, : 100… avec des nombres entiers (que devient le chiffre des unités…).

× 0,1…

Ordre, comparaisons.

Calculs du type les trois quarts de 28.

Calculs de « fractions » de nombres entiers.

Fractions de disques et de rectangles quadrillés représentant l’unité – Travail sur
partie fractionnaire et partie entière.

Tracés de droites parallèles et perpendiculaires.

Fractions décimales -> Partie entière et partie décimale.

Numération de position.

Décimaux et nombres fractionnaires sur une demi-droite graduée.

Tracés de cercles, propriété de l’équidistance des points d’un cercle par rapport au centre.

Vacances Toussaint

Cette première période, fortement inspirée par le travail de François Drouin, vise à acquérir une bonne compréhension des nombres décimaux et fractionnaires en les mettant en relation. On part du nombre fractionnaire en revenant sur ses interprétations géométriques, puis on traite des calculs type 3 + 1/3 = 10/3 dans les deux sens pour deux raisons : il s’agit de préparer le terrain pour le placement d’un nombre fractionnaire sur une demi-droite graduée, mais aussi pour la numération
décimale : 4,5 = 45/10 = 4 + 5/10.

Le calcul rapide outil transversal ?

On peut aisément envisager le CR dans une progression multiple qui implique d’autres matières comme la physique ou la géographie (statistiques). Par exemple dans la progression de quatrième étudiée ici, après concertation, les puissances de 10 ont été abordées avant que l’enseignant de physique en ait besoin. On peut traiter aussi des conversions de type A -> mA pendant que l’enseignant de physique traite le chapitre sur l’électricité.

<redacteur|auteur=500>

Notes

[1Professeur Ambition-Réussite au Collège Lezay-Marnésia

[2Cf. l’article de G. Bourdenet.

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