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Calcul mental, jeu et TICE

Au travers d’une balade numérique de la maternelle au collège, mon intention était
de présenter les liens que j’essaye de tisser entre d’une part le calcul mental avec le
jeu et d’autre part le calcul mental avec les TICE. Un éclairage théorique sur le jeu
et le calcul mental a été suivi d’une présentation de sites, logiciels et jeux. Liste bien
entendu non exhaustive qui, concernant les jeux, met l’accent sur le CRDP de
Franche-Comté qui fait un travail remarquable dans le domaine de l’édition autour
du thème des jeux mathématiques.

TICE et jeux sont des outils pédagogiques qui ont en commun la particularité de nous
rapprocher des nombres et du monde extérieur à l’école. L’intérêt suscité par les
TICE et les jeux permet, d’une part, d’apporter une touche de plaisir dans la pratique
des maths dans le cadre scolaire et, d’autre part, de répondre en partie à la
sempiternelle question : « À quoi servent les maths ? ».

Le jeu : de quoi parle-t-on ?

Le « jeu » n’est pas simple à caractériser. On relève cependant les paramètres
communs suivants :
 il ouvre une parenthèse dans le temps et l’espace ;
 il correspond à une activité réglée ;
 il nécessite une prise de décision. Ce point est fondamental. On ne peut pas
jouer en étant passif et le jeu aide les enfants à passer du statut de spectateur à
celui d’acteur ;
 il contient souvent une part de hasard, d’incertitude ;
 il est une activité sans but clairement défini, qualifiée parfois de frivole ;
 il renvoie souvent à la notion de défi sous diverses formes. On pense souvent
au défi face aux autres , c’est le joueur qui veut gagner contre ses
partenaires , mais le défi peut aussi être individuel : « je veux trouver, je veux
me prouver… », levier qu’il faut utiliser sans en abuser ;
 il est pratiqué librement. On ne joue pas contraint ou forcé ! Dans le cadre
scolaire, cela peut poser problème. Lorsque le professeur apporte un jeu dans
sa classe, il ne sollicite pas l’accord explicite de tous ses élèves. Est-ce un réel
problème ? Pas nécessairement, mais il est important pour l’enseignant d’en
avoir conscience et de trouver le cas échéant les arguments pour convaincre
d’éventuels réticences ou refus. Il s’agit, en fait, de trouver un point d’équilibre
entre la liberté de chaque élève, un peu remise en question, et un accord tacite
collectif qui va se substituer à ces accords individuels.

Quelques mots sur le jeu mathématique. Les paramètres précédents restent valables
dans l’univers du jeu mathématique. De plus, il faut qu’une partie ou la totalité des objets qui interviennent dans le jeu soient des objets mathématiques. Par exemple,
des nombres ou des formes géométriques. Cette condition est nécessaire mais non
suffisante : il faut aussi utiliser ou transformer ces objets avec des concepts eux-mêmes
mathématiques. Dans le domaine numérique, les nombres peuvent être
classés, rangés, comparés, transformés avec des opérations… En géométrie, les
formes serviront à paver pour occuper un territoire ou seront déplacées pour définir
de nouvelles formes en liaison éventuelle avec la notion de périmètre ou d’aire…

Le calcul mental : de quoi parle-t-on ?

Le calcul mental est identifié comme une des clés de la réussite en mathématiques.
Il permet d’accéder aux sens : des nombres, des opérations, des ordres de grandeur
et d’entretenir une relation suivie et personnalisée avec le nombre.

Pour le grand public, le calcul mental renvoie à l’école de la IIIe République et à ses
élèves en blouse grise brandissant fièrement leurs résultats sur une ardoise ! Pourtant
la pratique du calcul mental en classe a bien changé. La recherche en didactique est
à l’origine d’une évolution des programmes qui, désormais, distinguent clairement le
calcul mental automatisé et le calcul mental réfléchi. Le premier définit ce qui, dans
la mémoire, est directement accessible, induisant lorsqu’on le pratique une réponse
immédiate, sans effort. Le second demande au contraire réflexion et choix de
procédures. Le premier est constitué d’un socle stable, souvent acquis dans l’enfance
puis progressivement enrichi, tandis que le calcul réfléchi est évolutif. Ces deux
types de calcul mental réunis forment, pour chaque individu, une sorte de partition
modulable.

La distinction entre ces deux types de calcul mental est importante car elle détermine
des activités très différentes. Par exemple, 12 + 8, 23 + 10, 147 + 100, 5 x 8,
16 x 100 devraient relever pour un élève de fin de primaire du calcul automatisé. En
revanche, 6 x 15, 11 x 13 ou 2,7 + 12,6 appartiennent, à la lecture des programmes
du cycle 3, au domaine du calcul mental réfléchi bien qu’un élève précoce pourra
aussi automatiser 6 x 15 en fin de primaire. Le calcul mental réfléchi se rapproche
de la résolution de problèmes, un des piliers des programmes du primaire et du
collège. Il utilise le calcul mental automatisé qu’il enrichit au fur et à mesure de la
pratique. En se développant, la partie automatisée libère un espace de réflexion
utilisable par la partie réfléchie.

Et l’association calcul mental et jeu ?

De nombreux jeux numériques utilisent ces deux formes de calcul mental. Mais
souvent le ressort ludique d’un jeu de calcul se situe dans un autre registre, celui du
calcul mental à l’envers [1] : un nombre cible qu’il faut essayer de fabriquer en
utilisant des nombres donnés. Pour atteindre la cible, le joueur dispose du calcul
mental direct (automatisé et réfléchi) mais aussi du principe de décomposition des
nombres. Pour fabriquer 63, on peut faire 7 x 9 mais aussi 21 x 3, 6 x 10 + 3,
7 x 10 - 7, 8 x 8 - 1, 5 x 12 + 3, 5 x 13 - 2, … Ces différentes réponses donnent une
idée de la richesse du registre de la décomposition des nombres. Richesse liée à la
quantité mais aussi à la qualité des procédures : comme on le fait pour un objet
mystérieux, retourné dans tous les sens pour mieux l’appréhender, la décomposition
donne au nombre et, ce faisant, au concept de nombre, de l’épaisseur et de la
consistance. De la même façon qu’en maternelle, le comptage d’une collection
d’objets suivi de décompositions-recompositions du nombre obtenu donne du sens
au principe de cardinalité, le calcul à l’envers donne, en primaire et au collège, du
sens aux opérations utilisées.

Pourquoi ? En maternelle, le dénombrement par comptage est un acte rituel qui peut
se pratiquer à la frontière du sens alors que l’acte de décomposition du nombre
obtenu est un choix réfléchi par l’enfant. En clair, l’enfant est acteur et ne peut plus
jouer les « automaths ». En complément du comptage, l’utilisation de collections-témoins
(doigts, dés, cartes, …) et la pratique de décomposition d’une collection en
sous-collections va aider l’élève de maternelle à accéder au concept de nombre.
Après avoir compté une collection de six objets identiques, c’est l’enfant qui doit
déterminer que 6, c’est aussi 3 et 3 ou 2 et 4 ou 1 et 5. En fin de primaire et au
collège, le calcul mental direct peut aussi se pratiquer à la frontière du sens alors
qu’un calcul à l’envers implique des choix. Le fait d’avoir à choisir les nombres et
les opérations pour atteindre le nombre-cible est fondamental. C’est à la fois le
ressort ludique et la construction du sens. Une pratique régulière du calcul mental à
l’envers donnera plus d’aisance en calcul mental réfléchi. Cela se traduira par une
meilleure connaissance des décompositions additives et multiplicatives qui pourront
même s’automatiser avec le temps. L’exercice du calcul à l’envers est déterminant
car le principe de décomposition n’est pas naturel. Il doit être travaillé. Sa mise en
application régulière, notamment par le jeu, va permettre de développer des
procédures plus complexes en calcul mental réfléchi. Il améliore la relation aux
nombres et il permet une construction plus solide du sens des opérations, des
propriétés des opérations ainsi que des ordres de grandeur. Les bienfaits ultérieurs
sont multiples : calculs et simplification de fractions, pourcentages, calculs avec les
relatifs, calcul littéral, …

Les jeux présentés utilisent ce principe de décomposition : Trio, Mathador,
Numériplay et Multiplay. J’ai apporté un éclairage particulier sur Mathador Flash qui
vient d’être édité par le CRDP de Franche-Comté. La particularité du jeu est
d’attribuer des points en fonction des opérations choisies pour atteindre le nombre-cible.
L’addition et la multiplication qui sont les deux opérations naturelles et
fondatrices de notre système de numération rapportent chacune un point. Par contre,
les deux opérations contraires et moins naturelles rapportent deux points pour la
soustraction et trois points pour la division. Le jeu incite donc à complexifier son
calcul en utilisant, dans la mesure du possible, les opérations contraires afin d’avoir
le maximum de points. Trio est présenté dans Jeux 5 et 6 de l’APMEP. Les autres
jeux sont détaillés sur le site du CRDP de Franche-Comté (http://jeuxmathematiques.
fr).

Et l’association calcul mental et TICE ?

L’échange à l’oral des différentes procédures lors d’une séance de calcul mental
réfléchi permet à chacun de s’enrichir par la découverte d’autres chemins menant à
la solution. C’est une richesse pédagogique majeure. L’ardoise reste un excellent
support pour une pratique de classe. Depuis quelques années, la palette des outils
s’est considérablement étoffée. En plus du rétro-projecteur très répandu, le couple
ordinateur et vidéo-projecteur, la salle multimédia et plus récemment le tableau
interactif offrent des possibilités nouvelles de pratique du calcul mental.
Exercices simples à mettre en place : créer des présentations (type powerpoint ou
oppenoffice) sous forme de séances de 10 questions avec ou sans réponse et les
vidéo-projeter [2]
.
Autres pistes : de nombreux logiciels et sites internet proposent des exercices de
calcul mental. En voici une liste non exhaustive :

Certains peuvent s’utiliser en classe entière avec un ordinateur et un vidéo-projecteur
ou un tableau interactif. La salle multimédia permet un travail individuel ou par
groupe de deux élèves lorsque la salle ne contient qu’une quinzaine de postes. Ces
deux pratiques (classe entière ou salle informatique) sont très complémentaires. La
seconde présente l’avantage de permettre à l’élève de travailler à son rythme dans
son « temps », un des apports majeurs du travail en salle multimédia.

Conclusion

Pour la grande majorité de nos élèves, l’ordinateur est un outil qui permet de jouer
ou de communiquer. L’association ordinateur-jeu est naturelle. Il faut essayer de se
servir de cette liaison et d’y ajouter une nouvelle dimension basée sur les
apprentissages. Installer l’idée pour nos élèves que l’ordinateur, dans le cadre
scolaire et chez soi, est un outil avec lequel on peut apprendre et travailler. C’est
peut-être une question centrale pour la réussite de l’école de demain ? Le calcul
mental est une bonne porte d’entrée pour la pratique de ces deux dimensions : jeu et
TICE. C’est ensuite à chacun de trouver un fonctionnement équilibré et synergique
avec les outils traditionnels pour favoriser les apprentissages des élèves.

<redacteur|auteur=13>

Notes

[1Voir dans le Bulletin 485 l’article du même auteur : Plaidoyer pour une pratique de la
décomposition des nombres et du calcul à l’envers.

[2Voir la toute récente brochure APMEP n° 191, une vraie mine à exploiter sans modération :
Activités mentales et automatismes au collège de l’IREM Clermont Ferrand

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