JN 2009 — Rouen

Conférence d’Antoine Valabrègue Enseigner en gardant le moral

Antoine VALABRÈGUE

Les mathématiciens ne sont pas là pour compter, mais pour rendre des comptes.
C’est quoi penser, si ce n’est se coltiner à de l’inconnu ?

Qu’est ce qu’être intelligent si ce n’est être ravi d’avoir tort ? Qu’est ce qu’un crétin ? Le contraire

 

Introduction

Je suis très heureux de pouvoir faire cette conférence, où je vais tenter de vous proposer la quintessence des positions que j’ai élaborées au fil des années à l’aube d’une carrière qui prendra fin en 2011. C’est avec une véritable émotion que j’espère ne pas trop vous ennuyer et que je souhaite que les débats soient riches.

Heureux, car après avoir été considéré par des gens comme Paul Louis Hennequin comme « le fer de lance » de l’APMEP dans les années 80 ; et avoir passé des centaines d’heures au service de notre association, j’étais un peu parti ailleurs en m’investissant quand même dans l’éducation au sens général, devant ce qu’il conviendrait de qualifier de trop grand conservatisme de la direction.

Et je viens d’ouvrir un chantier pour mettre à la disposition des 16-25 ans des repères essentiels pour affronter le monde d’aujourd’hui, sous forme de livres dans un premier temps.

Monde qui n’est plus le même après la crise. Et je ne peux m’empêcher de sourire en pensant à un article paru en mars 2008 dans le nouvel Observateur, vantant la haute qualité des mathématiques financières de Nicole El Karaoui, juste avant le grand krach.

Ceci étant, ce n’est pas drôle parce que cela attaque vraiment la crédibilité des savoirs et décrédibilise la science sans conscience.

Je remercie François Dusson qui a pris le risque de me demander d‘intervenir.

Je dédie cette conférence à Henri Bareil, qui n’aurait probablement pas été d’accord sur tout, mais aurait certainement apprécié !

Je reviens donc vers mon terrain d’origine, que je n’ai jamais quitté dans la vie quotidienne, pour tenter de glisser quelques pistes, tant au niveau de la pratique de la classe que des contenus d’enseignement et ainsi espérer faire bouger les lignes, à un moment où l’on a l’impression qu’il n’y a plus un seul ministre qui ait envie de transformer l’Éducation Nationale.

J’ai le sentiment ainsi de prolonger la réflexion que j’avais faite « dans une lettre ouverte aux jeunes collègues » publiée chez Hachette dans les années 90, intitulée « gérer la classe et gérer des contenus ». Mais aussi la réflexion sur le scientisme, publiée dans le début des années 80 dans le bulletin de l’APMEP, celle sur les dispositifs facilitant la déduction dans la logique de l’IREM de Poitiers et avec l’aide des systèmes experts, et celle sur « à quoi servent les maths » demandée par le dispositif de prospective l’horizon du siècle en cours par Thierry Gaudin, ingénieur X mines.

Je signale à toutes fins utiles que j’ai connu deux périodes dans ma carrière, l’une en collège où je travaillais en équipe et où mes anciens élèves se souviennent trente ans après des programmes sur HP sur l’alunissage, loin des mathématiques du concret, on en conviendra, et une deuxième période en lycée sans travail en équipe où la créativité a fortement diminuée.

Une rentrée idéale

En général je commence l’année en disant cela :

  • Si vous réussissez c’est grâce à vous, si vous échouez, c’est de ma responsabilité.
    Cela ne veut pas dire que je suis coupable, mais juste que je n’ai pas trouvé le point d’appui pour vous faire progresser à partir de là où vous en êtes.
  • À quoi servent les maths ? Bien entendu à rien, c’est pour cela qu’on en fait. A quoi servent la musique, le sport, la peinture, l’anglais etc. ? À se faire plaisir, à communiquer avec d’autres humains. On ne peut faire véritablement des maths que si l’on y prend plaisir.

Lorsque je suis de mauvaise humeur ou face à un élève récalcitrant il m’est arrivé de dire « à quoi cela sert, la vie ? » Ce qui a le mérite de très vite clore le débat et de poser quand même une petite question pas simple à mon contradicteur.

Bien entendu, à l’élève qui est très récalcitrant, je vais avoir tendance à dire en aparté :« j’entends que pour toi cela n’a ni sens ni intérêt et j’en suis désolé car tu te prives réellement d’un accès à la curiosité. Mais, bien entendu, on peut vivre sans mathématiques. »

Si j’ai un public réceptif, je dis : «  les maths sont une langue qui tente de comprendre les lois de l’univers. » (Il est fascinant que tout récemment la conjoncture de Riemann sur la fonction Zeta vienne de voir une vérification concrète au niveau de la physique des particules.)

Interlude

Mon sentiment c’est qu’on a glisse petit à petit au fil des années d’une discipline pour penser à une discipline de service.

Ce qui me renvoie à des rares regrets que j’ai eus dans ma vie. Juste avant de réduire mon investissement dans l’APMEP, j’avais proposé au doyen Legrand un séminaire à destination de l’inspection générale.
J’avais trois volontaires. Je n’ai pas donné suite. (C’était l ‘époque où je m’étais formé sérieusement à la PNL (Programmation neuro-linguistique) et je voulais en montrer la portée).

Revenons à notre dialogue avec les élèves

  • D’où deux questions ou préoccupations : je ne peux vous aider que si vous tentez de me donner des informations précises sur votre situation de compréhension, de travail d’écoute etc.… si vous ne trichez pas en quelque sorte.
  • Vous pouvez aussi avoir du mal à me les fournir. On peut, si vous le souhaitez, voir cela ensemble. Par contre si vous vous obstinez à me fournir de fausses informations, c’est qu’inconsciemment, ou non d’ailleurs, vous souhaitez rester dans cette position de râler sur votre rapport aux mathématiques.
  • Il peut être utile de vous interroger ; pourquoi ? Cela relève sans doute du rapport que vous entretenez avec votre famille ou avec vous-même. Parce qu’à priori, si vous êtes contents d’être en vie, vous auriez plutôt envie de faire plaisir à ceux qui vous élèvent et vous entretiennent jusqu’à ce que vous deveniez adultes. Donc il est possible que vous ayez un vrai mécontentement et qu’il s’exerce de façon inappropriée contre moi qui ne suis jamais intervenu dans votre histoire. Ce mécontentement, il me paraît important qu’il soit réglé dans un autre cadre.
  • Donc, si vous acceptez l’idée a priori que je ne suis pas là pour vous embêter, il paraît souhaitable de tout faire pour me faciliter la tâche. En contrepartie, vous verrez que vous ferez des progrès et vous serez plutôt content de vous. Ce qui n’est pas plus mal d’ailleurs ?
  • Maintenant, vous pouvez être pris d’un autre doute. Je vais afficher ma « nullité » au prof, il va me juger, me condamner, se moquer de moi etc., donc ce n’est pas la peine.

Je répondrai ceci : il n’est pas exclu que je tienne des propos qui ne vous plaisent pas (du genre : cela fait dix fois que je répète sans succès la même chose que vous me dites comprendre, mais en fait vous n’apprenez pas et je suis désemparé). Mais de grâce, de grâce, dites-le moi, je m’excuserai platement. Et vous, peut-être, déciderez-vous de faire quelque chose pour mieux mémoriser, par exemple (on peut aussi voir cela en dehors des cours !)

Interlude
Je trouve tout à fait « dommage » que les procédés efficaces pour remotiver les élèves, soient toujours aussi peu considérés par l’Institution.

  • Vous pouvez aussi avoir peur d’être «  affiché » par les autres !
    C’est un véritable problème, que j’ai du mal à traiter, car le poids de la solidarité par l’échec traverse beaucoup les adolescents. Je dirais simplement ceci : si vous voulez un chouia faire l’expérience, avec moi, d’aller vers l’âge adulte ( que je décris comme l’autorisation qu’on se donne de dire oui, non ou peut-être selon les circonstances) alors s’il vous plaît, ayez le courage de sortir de la fascination du regard de l’autre !

Reste la question des notes. Je vais vous faire un aveu : c’est une question qui dépasse mon pouvoir. On pourrait donc imaginer deux types de notes. L’une relative à votre attitude, à vos progrès et l’autre relative au système. De toute façon, en seconde, je ne note pas forcément pareil quelqu’un qui se destine à une première STG, S ou L.

Aujourd’hui je suis convaincu que le résolutoire utilisé par le dispositif d’André Antibi devrait pouvoir régler cette question pour que nous puissions passer à autre chose.

À part cela, je suis tenu en tant que fonctionnaire de faire le programme, tout le programme. Quels que soient les élèves que j’ai en face de moi. Donc selon les difficultés rencontrées, je proposerai des exercices et des conseils différents.
 Maintenant, j’aimerais que chacun note sur un papier la fois la plus récente où il a pris plaisir à comprendre les maths ou à résoudre un problème…

Voilà quel pourrait être un discours de rentrée scolaire dans un lycée lambda et une classe de seconde. (Vous pouvez l’adapter, bien entendu, quel que soit le niveau).

Interlude

Il me revient tout d’un coup une anecdote avec mon prof de golf qui me disait récemment : Pourquoi tu recommences un coup raté ? Il faut l’oublier, il faudrait seulement recommencer les coups réussis, car le cerveau les enregistre petit à petit.

 

La confrontation à la réalité

Certes ce n’est pas parce qu’on pose un cadre que tout rentre dans le cadre.
Mais ceci est un cadre à partir duquel vous pouvez demander à vos élèves s’ils ont quelque chose à y redire. A partir duquel vous pouvez affronter les inévitables aléas, vous coltiner avec le chaos, donc Penser et panser !

Par exemple, que répondriez-vous au quart de la classe qui vous affirme « je n’ai jamais fait d’espace en premier cycle ? »(Personnellement, je leur dis d’écrire à leur professeur et qu’on va faire avec, mais intérieurement je pense : jusqu’à quel point ? Et surtout je n’ai pas le temps de vérifier qu’ils le font.)

Que faites-vous quand un tiers des élèves de seconde (option SES ou MPI) ne sait pas la simple distributivité et quand c’est la troisième fois que vous revenez dessus ?

Jusqu’à quel point dois-je répondre à une question d’un élève ?

Si les élèves ne sont pas entraînés à apprendre des règles, comment les évaluer ?

Jusqu’où vais-je me mobiliser pour que ce qui n’est pas acquis, le devienne ?

En d’autre termes, à partir de quand vais-je décider que le fait de répondre pour la dixième fois à ce qu’est la pente d’une droite va finir par desservir ceux qui le savent et produire ainsi des effets pervers.

Plus généralement, qu’est ce qui est vraiment en mon pouvoir ?

Car se mettre de mauvaise humeur pour des états de fait qui ne sont pas de ma responsabilité est une incohérence majeure qu’il me paraît nécessaire de traiter en contactant la relativité des choses, sans tomber dans la mélancolie.

J’indiquerais ici que la cohérence se situe dans une approche du tout, la rationalité dans une approche des parties.

Il est important, que vous évaluiez la proportion de ceux qui sont et qui ne sont pas opposés au cadre proposé.

Vous pourrez faire remarquer que vous êtes désolé de n’avoir pas persuadé tout le monde, mais que vous êtes patient. Par contre, même si ce cadre n’est pas accepté par tout le monde, il servira de référence et donc de monde de fonctionnement à toute la classe, car il n’y aucun groupe au monde qui ne fonctionne sans règles. Ici les règles peuvent être revisitées par tout un chacun, parce qu’elles obéissent à un principe simple : le résolutoire.

Qu’est ce que le résolutoire, si ce n’est l’attitude qui consiste à chercher des solutions à des préoccupations et non pas à perpétuer l’idée qu’il n’y en a pas.
Une des clés du résolutoire est d’engendrer de l’étonnement.

Car il y a toujours des issues à tout problème. Même si certaines sont plus coûteuses et difficiles à mettre en place.

Continuer à dire qu’il n’y a aucune issue c’est affirmer qu’on est mort.

Cela va venir un jour, mais peut-être pas tout de suite.

C’est pour cela que je propose une activité parallèle à la classe baptisée « club du possible ».

Voir mon article sur la séance n°1 du club (http: //lycee.rodin.free.fr)

Ce qui est important en ce début d’année, c’est d’acquérir le plus vite possible un bon état d’esprit. Un bon état d’esprit consiste, d’abord et avant tout, à chercher en toutes circonstances une issue aux questions que l’on se pose.

Cela nécessite un travail de reformulation fréquent sur ce que l’on ressent. Tout simplement parce que ce n’est pas évident du tout d’identifier clairement ce qui se passe.

Je dirais même que c’est tout un apprentissage.

Ce que je propose de faire dans le club du possible c’est d’explorer ce chemin.
Un chemin vers la satisfaction de ce que l’on fait.

Interlude

J’imagine en face de moi un professeur pensant : mais, je n’ai pas été formé à cela, je n’ai pas envie de faire cela non plus, ce n’est pas ce à quoi je pensais en commençant le métier.

Je rétorquerai : vous avez tout à fait raison ; si vous arrivez à vivre et faire faire des maths à des élèves qui ne s’y intéressent pas (le taux d’intérêt aux maths varie de 0 à 20 % pour des élèves de seconde dans la région parisienne), ce que j’ai à dire ne vous touchera guère.

Néanmoins, même si vous ne voulez pas essayer de pratiquer des choses analogues à ce que je tente, vous pouvez toujours estimer que cela serait utile que cette tâche soit accomplie par quelqu’un au moins dans votre établissement. Quelqu’un qu’on pourrait appeler « conseiller en motivation » et qui travaillerait de concert avec le conseiller en orientation (qui entre nous soit dit est passablement désorienté par les temps qui courent de la libre concurrence avec les pays émergents, de la montée du virtuel, des désordres planétaires et de la marchandisation généralisée,..).
Oui mais, ce poste n’existe pas…

« Oui mais »… est un processus infini qui ne débouche jamais sur du résolutoire satisfaisant.

Revenons à nos préoccupations pédagogiques.

  • Ce qui me frappe c’est le nombre de collègues qui cherchent la résolution des difficultés qu’ils rencontrent dans des explications mathématiques censées être de plus en plus performantes.

Pour moi, c’est une voie fatigante et peu productive. Il serait plus utile d’adopter une pédagogie du détour et de détricoter toutes les bonnes ou mauvaises raisons qui font que l’attention se décroche, de faire en sorte que l’élève pose vraiment des questions, ose interrompre le prof (sans crainte de déranger les autres), écrive vraiment, et se connecte à un vrai désir.

Parce que ce qui nous interpelle ce sont bien les réflexions des élèves qui nous laissent pantois et qui nous posent invariablement la question des causes.
Et derrière cette question une autre question etc. ; et le risque pour chacun d’entre nous est de finir, un jour de déprime, par tout envoyer balader ou devenir vraiment sourd à ce qui se dit- ce qui ne fera que renforcer le mal être.

 

C’est quoi : avoir la pêche

C’est être capable de ne pas être déstabilisé par ce qui n’est pas en notre pouvoir.

Aujourd’hui cela pourrait être l’ampleur de la tâche. Je rappelle que Freud disait : il y a trois métiers impossibles : gouverner, enseigner, et psychanalyser !

Le métier est devenu « mission impossible », trop de grands écarts.

Nous devons ne pas dégoûter les bons !

Persuader une partie de plus en plus importante de travailler

Persuader une autre partie de se réorienter.

Il est à peu près clair que se préoccuper uniquement du choix de contenus devient de plus en plus un leurre qui ne réduit pas vraiment l’ampleur du problème.

Avoir la pêche c’est :

Être en bonne harmonie avec soi même, ce que j’appelle l’alignement.

Cela passe à mon sens par
* Une clarification de ce qui est essentiel pour nous.

  • Une présentation aux élèves la plus honnête possible de cet essentiel (moi, c’est l’autonomie et la création)
  • Une affirmation publique que cela ne nous dérange pas que tout le monde ne soit pas d’accord. Et une pratique en accord avec cela.
  • Une modestie : afficher son incapacité, sa difficulté à satisfaire tout le monde (dans mon univers, ceux qui veulent des recettes)
  • Un paradoxe : s’occuper quand même de ceux qui ne sont pas intéressés par votre modèle du monde. En l’occurrence pour moi ceux qui veulent des recettes. Il s’agit de le faire en respectant ses propres critères. En leur disant, par exemple, sans mépris, que vous n’avez aucune contrariété à ce qu’ils les collectionnent, mais s’ils veulent être contents il serait sans doute plus profitable de s’associer avec des camarades dans une situation analogue.
  • Envoyer périodiquement des messages de réassurance aux inquiets (ceux qui sont dérangés par votre pédagogie) par exemple en leur disant que dans les contrôles il y aura suffisamment d’exercices classiques avec des méthodes répertoriées pour qu’ils aient une note convenable.
  • Traiter toute mauvaise humeur en temps réel (j’aime bien raconter cette histoire, vraie, d’un gamin de 6 ans qui va tout seul dans sa chambre crier sa mauvaise humeur, cinq minutes avant de revenir souriant dans l’espace commun). Je permets bien sûr aux élèves d’aller évacuer quelques minutes leur mauvaise humeur.
  • Développer une pédagogie de la réussite. Minimiser les échecs, maximiser les réussites.
  • Avoir repéré dans le détail les postures à adopter qui basculent dans la bonne humeur.

Rien de vraiment original, mais ce que je prétends c’est qu’il s’agit là de l’essentiel, se sont véritablement les clés.

Elles nécessitent un peu de travail sur soi, mais cela en vaut vraiment la peine. (Je dirais que deux ans à raison de 2 ou 3h par semaine pourraient constituer une bonne base de départ de connaissance de soi. A l’échelle d’une vie, et pour le gain d’énergie que cela procure ce n’est vraiment pas grand chose).

J’ai été frappé dans les formations d’adultes que j’ai faites du nombre de gens qui estiment indispensable de revenir crevé du boulot ; alors qu’il s’agit simplement de résistances de la réalité à leurs rêves. Et que l’on peut parfaitement apprendre à les réduire.

 

Avoir la pêche,

  • c’est avoir confiance suffisamment en soi pour être à l’écoute des critiques et prendre le risque de les accepter. Cela présuppose une attitude socratique de celui qui aime être étonné.
  • C’est être en contact avec la force de vie à l’intérieur de soi et qui, en toutes circonstances, cherche les conditions les plus favorables.
  • C’est partager avec d’autres collègues ses difficultés.
  • C’est cultiver une attitude impeccable sans négliger les exercices ad hoc.

Une activité ah hoc devrait répondre aux critères suivants :

  • L’activité peut être faite en groupe en répartissant les tâches par exemple, ou individuellement.
  • Le niveau de complexité de l’activité est dépendant du nombre d’étapes nécessaires pour parvenir au résultat. Il est essentiel de l’avoir présent à l’esprit. La plus grande erreur de ces vingt-cinq dernières années c’est d’avoir découpé les activités en micro objectifs qui ne dépassent guère deux étapes.
  • Devant chaque activité, tous les présupposés nécessaires devraient être affichés.
  • Tout le monde doit pouvoir l’aborder, les plus rapides et doués allant vers les généralisations et extensions.
  • L’activité ne devrait jamais être évidente et nécessiter des informations, théorèmes que l’élève n’a pas.

Il serait ainsi grand temps d’élaborer, de créer des parcours d’activités mathématiques dont on pourrait dire qu’ils représentent ce qu’il faudrait avoir assimilé en matière de concepts de principes et de façons de penser pendant chaque cycle. C’était l’idée d’Henri.

Mais après 40 ans d’enseignement, je peux dire que la question de l’activité, dans notre cadre actuel n’est pas principale ; que ce qui est primordial c’est de créer un état d’esprit à la recherche, et de faire conscientiser les progrès des élèves.

Au final, garder le moral en toutes circonstances c’est arrêter les causalités qui vous font croire que parce que ceci ou cela vous ne pouvez être que de mauvaise humeur.

Déjà Wittgenstein avait bien vu : la causalité en matière de relations humaines n’a pas de sens.

Contrairement au malheur qui a plein de causes comme chacun sait.

De là à dire que la science est une théorisation du malheur, il y a un pas que je ne franchirais pas.

Même si pour Sonja Lyubomirsky, directrice du laboratoire de psychologie positive de l’université de Californie, après dix-huit années de recherches auxquelles ont participé des centaines d’étudiants et des milliers de patients volontaires a montré que le bonheur dépend pour 40% environ de notre investissement personnel (50% de l’héritabilité et 10% de l’environnement), je crois avec d’autres que la fragilité de ce qui vous rebascule dans la bonne humeur est inexplicable, juste constatable.

(Sur ces questions je vous invite à lire le point de vue universitaire d’un prof d’histoire au départ, Renaud Gaucher : Le Capitalisme Est-il Soluble Dans La Recherche Du Bonheur ?)

Pour mieux faire entendre cette question de la causalité je ferai un petit détour par les deux situations suivantes :

  • Le taux de récidive des condamnés pour délit sexuel oscille entre 1,6 et 2, 2% depuis de nombreuses années.
  • La différence des chromosomes entre ceux du singe et ceux de l’homme est de 1,8%

Quelqu’un dans la salle pourrait me dire : qu’est-ce qu’on peut en déduire ?...

Strictement rien de façon logique, tout dépend du point de vue qu’on prend.
Celui du statisticien qui dit que c’est peu, ou celui du biologiste qui trouve qu’il y a pas beaucoup de différences ou celui de la victime de la récidive ou de l’homme qui se voit très différent du singe.

Avoir la pêche, c’est concilier l’abandon de la toute puissance tout en conservant son appétit de faire bouger les choses en trouvant à chaque occasion la plus petite chose à faire.

Pour des approfondissements, je vous renverrai sur mon site

Rêvons d’une autre école

Et comme on se décarcasse tous les jours dans un cadre qui pourrait être autre, nous allons nous accorder un petit instant de rêve que j’estime réaliste, entre autres parce que je n’ai jamais trouvé personne qui m’ait dit que c’était ou stupide ou irréalisable.

Jusqu’où devrions-nous tenir compte de l’autre ? Je dis bien pratiquement. Quel est le contrat passé par un élève quand il rentre en seconde et prétend faire une filière scientifique ?

Est-ce que le fameux théorème, les élèves finissent en passant dans la classe supérieure par apprendre ce qu’ils n’avaient pas assimilé deux ans auparavant, n’a pas des limites ?

  • Qu’est ce qui fait qu’on garde la structure classe et qu’on n’adopte pas les unités capitalisables ? Y a t-il un seul argument rationnel ?
  • Il serait temps de concevoir des activités ou l’élève peut bénéficier de toute l’aide qu’il souhaite (le cartable électronique scolaire de chez Archos vaut 380 € -on a déjà raté des années avec Thomson et des plans informatiques inconsistants, et, maintenant avec les réseaux qui n’ont pas de maintenance partout. Alors créons des bornes wifi dans tous les établissements (au niveau des ondes, elles sont 10 fois moins fortes qu’un téléphone portable).
  • On pourrait pousser à de nouvelles façons de noter (par exemple donner un bonus à un élève qui s’évalue correctement).
  • Encourager définitivement le travail collectif entre les élèves et entre les profs ; non pas en donnant des sous, quoique… ; mais en structurant le temps autour de cela.
  • On devrait, bien entendu, rééquilibrer les activités enseignantes entre cours moins nombreux et présence au lycée pour un réel encadrement des élèves. Je propose douze heures de cours et 6 heures de présence pour toutes les catégories de professeurs.
  • On devrait permettre aux ou aider les enseignants à évoluer véritablement dans leur carrière. (que les professeurs puissent au cours de leur carrière devenir prof-ressources, prof-motivateurs, prof-soutiens, profs chercheurs, profs médiateurs, etc. dans des proportions à définir.
  • Refonder le bac. Il serait validé par la capacité à affronter des situations nécessitant une démarche à plusieurs étapes de façon individuelle et collective.

 

Rêvons d’une autre APMEP

Et cela sera la transition vers les journées de Paris. Je propose que l’APMEP pour ses cent ans, se recentre profondément.

  1. Cesse de courir derrière l’oligarchie bureaucratique, de rendez-vous en rendez vous (par exemple si quelqu’un du ministère est demandeur de quelque chose, je suggère qu’il se déplace au siège de l’association).
  2. Confronte en profondeur sa conception des maths avec la biologie et la physique.
  3. Soumette ses questions aux philosophes.
  4. Travaille de concert avec des associations de citoyens pour mieux répondre aux attentes de construction d’une société plus coopérative.
  5. Affiche clairement son souhait que le professeur de base ne fasse pas n’importe quoi à n’importe quel prix.
  6. Élabore collectivement, sur une durée de trois ans, une progression des maths -pour le premier et le second cycle - autour de situations problèmes et de hiérarchisation de concepts et que cela devienne le cœur de son activité.
  7. Se donne les moyens d’évaluer et d’échanger sur les pratiques.
  8. Consacre un tiers au moins de ses journées annuelles à faire état de ce qui s’est passé et dit sur ces sujets.

 

En guise de conclusion…

Les matheux ont mangé leur pain blanc. De fer de lance du progrès, ils sont déjà désignés comme boucs émissaires du « bordel ambiant » et bientôt ils seront relayés au musée, si nous ne décidons pas de repenser et notre métier et le rôle d’un enseignement des maths dans la société.

L’APMEP devrait, pourrait être le lieu d’échange de ces interrogations. br><Et de construction de propositions alternatives.

L’APMEP n’a guère d’autre choix pour survivre, pardonnez mon impertinence, si elle ne prend pas à bras le corps et les contenus et la gestion de la classe. Et parvienne à dégager collectivement des mesures réalistes de transition à la hauteur des enjeux actuels :

Moins de toujours plus et plus de mieux être.

Qu’est ce qu’un pédagogue si ce n’est celui qui permet à l’autre de sortir de son état hypnotique. Un état hypnotique c’est un comportement qui permet à chacun de nous de survivre dans des conditions plus ou moins agréables.

Les 4 siècles de croyance au progrès ininterrompu de la maîtrise de l’homme sur la planète sont terminés. L’état hypnotique dans lequel il nous a plongé est brisé dans l’esprit d’un nombre croissant de concitoyens ; au point même que certains en appellent à une séparation de la science et de l’État, c’est dire où nous en sommes arrivés. Mais le pire c’est qu’ils n’ont pas tort.

Les matheux, et cela pourrait être leur chance, ne sont pas sommés de produire des preuves de la validité de leurs modèles. Ils n’ont pas besoin d’être embrigadés dans une économie qui les asservit à devenir des suppôts de la compétition. Parce que les mathématiques sont une discipline contributive au penser, à la création de contenants sans cesses nouveaux créant comme par enchantement des ponts pour la compréhension du monde. Les mathématiques sont une discipline de création de qualités. Les mathématiciens pourraient ainsi être des champions d’une « économie de la contribution », chère à Bernard Stigler.

Mais même si l’APMEP ne suivait pas, nous avons tous intérêt à garder le moral.

Et garder le moral, c’est inlassablement se poser les deux questions fondamentales :

À partir de quand quelque chose devient-il un problème insoluble ?

Comment être dans le résolutoire et mieux nous relier à l’imperceptible qui nous bascule dans la bonne humeur ; gage de plus d’efficience ?

Le débat est lancé…

 

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