Congrès au Mexique

Le congrès ICME 11 (11ème Congrès International sur l’Enseignement des Mathématiques) s’est déroulé du 6 au 13 juillet 2008 dans la moderne université publique de Monterrey, une grande ville industrielle au nord-est du Mexique.
Ce lieu est symbolique : c’est la première fois que le congrès ICME avait lieu dans un pays émergent, et tous les orateurs issus d’Amérique Latine en ont dit leur fierté durant le congrès.
Grand’messe internationale de l’enseignement des mathématiques, le congrès ICME a lieu tous les quatre ans. En 2000 il était à Tokyo, en 2004 à Copenhague, en 2012 il sera à Séoul.
L’APMEP y envoie traditionnellement un émissaire. Cette présence régulière permet de prendre du recul et de replacer nos problèmes hexagonaux dans un contexte plus vaste, de distinguer ce qu’ils ont d’universel de ce qui est strictement lié au contexte français. On y saisit aussi, au plan mondial, et à travers la diversité des histoires et des situations, des courants de pensée, des lieux de réflexion qui focalisent l’attention des chercheurs, et qui influent sur les évolutions locales. On y mesure enfin la chance de travailler dans un pays développé, en découvrant l’incroyable difficulté des conditions d’enseignement dans certains pays démunis (pour vivre décemment, certains professeurs assurent au Brésil trois services d’enseignement, soit 60 heures par semaine !!)

Il est bien difficile de faire une synthèse de ce foisonnement, mais voici quelques sujets qui m’ont frappée :

Evolution des contenus
Le professeur Semenov, de Russie, a fait un plaidoyer vibrant et dynamique pour que les contenus de l’enseignement secondaire soient adaptés aux nouveaux besoins d’un monde en changement : l’intelligence artificielle, les probabilités, l’étude des systèmes dynamiques, la notion de complexité, la modélisation de problèmes réels, les questions de turbulences, d’instabilité, la question des limites de la mathématisation devraient être des sujets d’étude à l’école. Toutes les formes de raisonnement devraient y être travaillées : la logique classique, mais aussi l’algorithmique, le raisonnement statistique et probabiliste, et l’habitude du contrôle, indispensable pour maîtriser le travail des machines. Il plaide pour que la gamme des problèmes étudiés soit élargie et variée, et puisse manipuler d’autres objets que les nombres, en particulier des objets combinatoires. Il souhaite un travail plus collaboratif, variant les méthodes et utilisant largement les calculatrices ou les ordinateurs pour expérimenter, contrôler, visualiser, s’attaquer à des problèmes plus proches du réel. Il insiste sur la visualisation des objets.
Ces recommandations sont très proches de celles qui furent discutées il y a quelques années par la « Commission Kahane », et obligent à se frotter les yeux pour réexaminer les priorités. On peut supposer qu’il faudra renoncer à quelques sujets d’étude afin d’en aborder de nouveaux si nous voulons que nos jeunes soient mieux armés pour affronter les problèmes du monde. Quelles sont les questions qu’il est devenu urgent d’enseigner ? Quelles sont celles auxquelles on peut renoncer ? De nouveaux programmes vont être écrits à l’occasion de la réforme du lycée en chantier : il faudra sous peu apporter des réponses précises à ces questions.

Attention et intérêt de la communauté des chercheurs pour la population des professeurs de mathématiques
Nous, les professeurs, sommes devenus un sujet de recherche, et je me suis sentie devenir cobaye… La qualification des professeurs est reconnue comme un point clé de la réussite des systèmes d’enseignement et partout, on se penche sur la qualité de leur formation, considérée comme un des leviers fondamentaux permettant d’améliorer les systèmes éducatifs. La formation continue et la mise en place de liens entre les professeurs du secondaire et les universités sont perçues comme des outils essentiels pour promouvoir cette qualité. Deux « groupes de travail » sont consacrés à ce sujet : le groupe 1 « Formation mathématique des enseignants : contenus et pratiques », avec une vision originale des mathématiques utilisées par les enseignants vues comme une « mathématique appliquée » spécifique, et le groupe 2 : « Analyse de dispositifs de formation initiale et continue des enseignants ». Cet intérêt pour les professeurs s’étend à leurs associations et à leurs évolutions de carrière, deux groupes de discussions étaient consacrés à ces sujets.
ICMI (International Commission on Mathematical Instruction) organise régulièrement des études sur les sujets jugés les plus importants du moment : l’étude 15, intitulée « The Professional Education and Development of Teachers of Mathematics » est en cours de publication et a pour sujet la formation des professeurs de mathématiques. Son contenu est pour notre pays d’une brûlante actualité. On peut en juger en lisant la présentation qui en est faite sur le site de la CFEM (http://www.cfem.asso.fr/ICMI15fr.html#5 ) : « L’étude ICMI-15 sur la formation professionnelle des professeurs de mathématiques a pour objectif de permettre aux chercheurs et aux praticiens du monde entier de mieux savoir comment, dans les différents pays du monde, les professeurs de mathématiques sont formés au moment de leur recrutement et comment, durant les premières années d’exercice, leur pratique professionnelle est aménagée. De plus, l’étude ICMI-15 a pour objectif d’aborder le problème de la formation professionnelle - c’est-à-dire d’éclaircir comment la formation issue de l’expérience peut être encadrée aux différents moments de la carrière d’un enseignant et sous différentes modalités. »
Chez nous, l’avenir semble bien sombre : en programmant la disparition des IUFM, la France semble tourner le dos à cette réflexion internationale en renonçant à une formation initiale consistante et équilibrée entre pratique et théorie, et en effaçant 30 ans de travail sur cette question. Quel gâchis !

Le rôle de la technologie s’accroît, et l’importance et la fréquentation des stands des fabricants de calculatrices en étaient une preuve tangible. Michèle Artigue a réfuté ce qu’elle nomme « une fausse dichotomie, simpliste et dangereuse » : l’opposition entre concept et technique qui permet de camoufler les résistances à l’usage de la calculatrice. D’autres ont demandé que soit étudiée la question des compétences développées respectivement par le travail sur papier et par le travail sur ordinateur. D’autres enfin se sont inquiétés de la « fracture numérique », dans les pays où le système d’enseignement public est très démuni, face à un réseau d’écoles privés luxueuses et très bien équipées, inaccessibles et réservées de fait à une caste de privilégiés. Mais aucun pays, aucun système ne reste indifférent au développement des nouvelles technologies. Face à cette modernité envahissante, un professeur de Shanghai a proposé de ne pas opposer « ancien » et « moderne », mais de rechercher l’équilibre et l’harmonie entre ces deux aspects, comme entre le Yin et le Yang ! La Chine fait tranquillement son entrée dans le petit monde de l’enseignement des mathématiques aussi, et je prédis qu’elle sera très présente à Séoul, dans quatre ans.

Rendez-vous à Séoul en 2012, donc….

Pour approfondir ce que je n’ai pu qu’effleurer ici, on pourra lire l’article de Michèle Artigue, présidente actuelle d’ICMI, dans la Gazette des Mathématiciens de juillet 2008, qu’on peut trouver à l’adresse : http://smf.emath.fr/Publications/Gazette/2008/117/smf_gazette_117_49-53.pdf ,
et consulter les sites de la CFEM, d’ICMI, et du congrès ICME 11 (qui se trouvent facilement.)

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