Bulletin Vert n°514
mai — juin 2015

Éditorial du Bulletin 514

Un effet boomerang bien probable

La nouvelle est officielle, elle est parue au BO : au baccalauréat 2018, les calculatrices devront être équipées d’une diode. Allumée, elle garantira que la machine fonctionne en mode « examen », c’est-à-dire sans possibilité pour l’utilisateur d’accéder à ses données et programmes.

On pourrait seulement y voir tout le bénéfice potentiel d’une telle mesure pour les fabricants de calculatrices : elle signifie, ni plus ni moins, un renouvellement de la quasi-totalité du parc en lycée.

Mais à y regarder de plus près, tout n’est pas si simple. Pour un très grand nombre d’élèves de Terminale, c’est essentiellement en tant qu’antisèches que les calculatrices sont utilisées. La plupart en ignore le fonctionnement. Les capacités actuelles des machines permettent de stocker une grande partie du cours de l’année. Quelques calculs numériques complètent le tableau. Voilà à quoi servent les calculatrices… Même le calcul formel ne fait plus recette, soupçonné de donner des résultats que les profs n’acceptent pas (allez savoir pourquoi !).

Si l’accès aux données « personnelles » (le plus souvent récupérées sur Internet) n’est plus possible, une calculette « quatre opérations » peut presque faire l’affaire (celles-là n’ont pas de mémoire, et seront évidemment autorisées). Je ne serai pas surpris que le bac 2018 soit celui de la raréfaction des calculatrices. Et je ne suis pas si sûr que les fabricants de ces machines soient aussi bénéficiaires qu’il n’y paraît à première vue.

Évidemment, il était difficile de continuer ainsi : de nombreux enseignants de maths, mais aussi de physique, ou de toutes les disciplines dans lesquelles l’utilisation d’une calculatrice est autorisée, de nombreux parents, dénoncent depuis longtemps ce détournement connu et accepté des calculatrices. Dans de nombreux pays, des mesures similaires à celles du BO sont en cours. Il n’y a pas beaucoup d’autres parades, sinon l’interdiction pure et simple comme c’est le cas dans les concours des écoles de management.

Une autre réponse pourrait être que tous les documents (et pourquoi pas l’accès à Internet) soient autorisés lors des examens. Cette « égalisation » des conditions conduirait-elle à une égalité devant l’épreuve ? Cela n’est vraiment pas évident. L’utilisation raisonnée de ressources est un art difficile dont je crains fort qu’il ne soit pas réellement indépendant du capital social et culturel. À moins que les élèves en fassent l’apprentissage à l’école ! Mais cela demande alors un bouleversement en profondeur des méthodes d’enseignement et des contenus enseignés.

Allons encore un peu plus loin. Le mode « examen » pour les calculatrices autorisées au baccalauréat risque bien d’être le point de départ de nombreux changements assez radicaux. Nous vivions jusqu’à présent sur un compromis tacite : on demandait à l’élève d’acheter une calculatrice pour faire des maths en classe et il l’acceptait d’autant plus facilement qu’il pourrait dans un avenir proche utiliser sa machine pour stocker tout ce dont il aurait besoin pour ses DS ou ses examens. L’apprentissage de fonctionnalités avancées de l’outil n’étant pas un objectif du programme et n’étant pas évalué en examen, il n’est aujourd’hui que bien peu pris en charge dans les classes.

Mais demain, à quoi pourra bien servir une calculatrice que l’on ne connaît que très superficiellement ? À quoi sert d’apprendre à mieux la connaître si cette connaissance n’est pas valorisée ? Sans une réelle prise en charge en classe des savoir-faire que cela suppose, sans une évaluation effective de ces nouvelles compétences, la calculatrice risque bien de disparaître totalement des examens et rapidement du cours de maths lui-même. Il sera difficile de motiver les familles à acheter un objet « qui ne sert à rien ». Si le prof l’exige vraiment, les vieux modèles suffiront et le Bon Coin restera un bon moyen pour s’en procurer.

Il serait regrettable de voir les calculatrices disparaître peu ou prou des classes. Elles sont encore un instrument commode, efficace pour expérimenter des mathématiques et donc pour en faire, et, pour l’heure, il est un peu illusoire de penser à leur remplacement rapide par des tablettes (dont l’utilisation pédagogique suppose aussi d’autres façons de travailler…).

Je ne suis pas bien sûr que le législateur ait mesuré toutes les conséquences possibles du changement du statut des calculatrices aux examens.

C’est sûrement à des associations comme la nôtre d’en prévoir les effets et d’y répondre.

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