Bulletin Vert n°503
mars — avril 2013

La fausse position ou comment, longtemps avant l’algèbre, on a posé le faux pour connaître le vrai, des Pharaons aux temps modernes

par Jérôme Gavin et Alain Schärlig

Presses Polytechniques et Universitaires Romandes, décembre 2012
222 p. en 16 × 24, ISBN. 978-2-88074-984-2

 

La fausse position est une méthode de résolution de problèmes du premier degré qui remonte à l’antiquité et qui s’est montrée efficace jusqu’à la diffusion et la popularisation de l’algèbre au début du 17e siècle.

En termes contemporains, il s’agit de résoudre une équation \(f(x) = 0\) ou un système de deux équations \(f(x,y) = 0\), \(g(x,y) = 0\)f et g sont des fonctions affines, en partant d’un nombre \(x_0\) ou d’un couple \((x_0,y_0)\), appelé fausse position. C’est le principe de base d’une méthode itérative d’approximations successives, comme par exemple la méthode de Newton si les valeurs de départ sont assez proches des valeurs recherchées, mais dans le cas affine cela donne la solution exacte en une itération. On peut aussi interpréter le problème comme la recherche du point d’intersection de deux droites et trouver la solution par une construction géométrique.

Dans une mise en bouche sur l’épitaphe attribuée à Diophante, l’auteur précise son projet de situer la fausse position à la fois dans le monde et dans l’histoire en montrant comment on peut la légitimer par le formalisme algébrique contemporain.

La première partie, De nos jours, se limite à un seul chapitre où le vocabulaire et la classification des méthodes sont précisés et où sont traités deux exemples, l’un de calcul d’âges, l’autre d’achats de foulards en soie et en coton.

La deuxième partie, Au cours des siècles, détaille l’histoire de la méthode, de l’antiquité au début du 17e siècle.

  • L’ Égypte ancienne : vers –1550
    le papyrus Rhind, la numération, un exemple de calcul. Babylone avant –1600. : un procédé pour calculer la surface de deux champs à partir de leur rapport.
  • La Chine
    les neuf chapitres
    la rencontre d’une coucourde et d’un melon grimpant le long d’un mur.
  • L’Inde
    addition de quatre fractions.
  • Les grecs tardifs du 3e au 5e
    deux épigrammes, l’une sur les pommes d’Amour, l’autre sur l’âge de Diophante, déjà traitée dans l’introduction.
  • Alcuin, 785
    et ses propositions pour exercer les jeunes dont un problème de dénombrement de cigognes.
  • Le monde arabo-musulman du 12e
    les deux plateaux, le recours à l’algèbre, une démonstration géométrique.
  • Léonard de Pise (Fibonacci) 1202
    une pierre blanche pour la fausse position ; deux procédés : l’analyse et la formule
  • Le maître d’Ombrie, vers 1250
    des problèmes rangés en fonction du genre d’histoire sur le poids d’une coupe, sur un achat de poivre et de safran, sur une répartition de deniers.
  • Deux Byzantins des 14e et 15e
    100 problèmes en désordre.
  • Deux Français
    Barthélemy de Romans, 1471
    Nicolas Chuquet, 1484.
  • Luca Pacioli, 1494
    trois équations à trois inconnues.
  • Trois allemands
    fausse position et signes + et -.
  • Gemma Frisius, 1540
    problèmes à deux ou trois inconnues.
  • Robert Recorde, 1552
    un texte qui utilise à la fois chiffres romains et chiffres arabes.
  • Clavius, 1583.
  • Von Graffenried, 1619
    calculs en croix.

La troisième partie, À l’aube des temps modernes, raconte l’apothéose, puis, dans la seconde moitié du seizième siècle, la fin de la fausse position au profit de l’algèbre.

Une bibliographie d’une centaine de titres rassemble à la fois des éditions originales, des traités d’arithmétique ou de pratique commerciale, des rééditions et traductions contemporaines et des ouvrages de recherche historique.

Un index liste plus de 200 noms propres rencontrés le long de la lecture. Les auteurs n’hésitent d’ailleurs pas à donner des citations originales en égyptien, babylonien, chinois, grec, latin, arabe, allemand, anglais, à les reproduire photographiquement et à les traduire, mais trop rares à mes yeux sont les portraits qui agrémentent le texte ; sans doute n’en existe-t-il plus d’authentiques. Je regrette aussi que les constructions géométriques et le barycentre ne tiennent pas plus de place.

Cet excellent ouvrage qui se veut exhaustif et suit un parcours chronologique comporte fatalement quelques répétitions, mais il intéressera à la fois le lecteur à la recherche d’énoncés curieux ou surannés dans un style qui n’est pas sans rappeler l’école primaire d’avant 1968, le professeur de mathématiques de collège ou de lycée pour en extraire des exemples empruntés à la vie courante et des exercices d’algèbre, mais aussi le professeur d’histoire pour analyser la part des mathématiques dans notre culture, notre commerce et notre vie sociale.

 

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