La politisation des programmes ?

Rappelez-vous, le 15 septembre 2003 la commission Thélot a été installée pour établir un constat sur l’état de notre « École » et pour formuler des propositions sur son avenir. En décembre de cette même année une grande vague de consultations dans les établissements, les associations, les villes fut menée pour recueillir les avis et les propositions des usagers : élèves, enseignants, parents. Nous retrouvons tout cela dans le miroir du débat (www.debatnational.education.fr).

Un an plus tard, nous pouvions lire dans le monde du 16/12/04 : « L’attente des parents est forte, il est temps d’y faire droit » et le 13/01/05 François Fillon affirmait sur le monde.fr : « Pour améliorer la gestion et l’organisation de l’Éducation Nationale, il importe de se fixer des objectifs et de vérifier régulièrement s’ils sont atteints. Nous nous sommes par exemple fixé l’objectif de transmettre à tous les élèves un socle commun de connaissances et de compétences fondamentales ». La loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’Ecole paraissait au J.O. du 24-4-2005 avec la création du Haut Conseil de l’Education. En plus des missions de l’ancien Conseil National des Programmes ce H.C.E. est chargé de définir ce socle commun de connaissances et de compétences fondamentales.

Vu de loin, tout ce processus pourrait paraître normal, voire démocratique ! Mais intéressons-nous à la composition du H.C.E. (cf. B.O. n°40 du 3-11-2005). Les neuf membres sont presque tous nommés par les présidents de la République, de l’Assemblée Nationale et du Sénat. En clair, cette instance permet désormais d’installer un contrôle par le pouvoir politique en place jamais égalé dans l’histoire de notre école. C’est la première fois que les programmes scolaires dépendront à ce point du pouvoir politique, au détriment du professionnalisme des enseignants et du pluralisme des acteurs du système éducatif. Voudrait-on prétendre que l’on crie au loup alors que l’on ne perçoit même pas la queue d’un renard ? L’Assemblée Nationale vient de réhabiliter le colonialisme et nul n’ignore les enjeux que cela représente dans la conception des programmes d’histoire. Ce qui est choquant n’est pas la réhabilitation en tant que telle, mais le fait que l’Assemblée Nationale en donne une interprétation officielle qui doit de par la loi s’imposer aux enseignants et aux chercheurs. Une première en démocratie ! A partir de là, toutes les dérives sont imaginables : y aura-t-il une histoire officielle du Zéro : celle de D. Guedj ou bien celle de C. Seife ou alors celle d’un chercheur ayant la brillante idée d’amalgamer son interprétation avec un courant politique ? Devra-t-on enseigner l’histoire du calcul différentiel du point de vue newtonien lorsqu’un gouvernement libéral sera au pouvoir puis selon le point de vue leibnizien lorsqu’il s’agira d’un gouvernement social-démocrate ?

Depuis de nombreuses années, l’APMEP demande la création de « groupes de suivi des programmes », a fortiori dans une période où ils ne sont plus en adéquation avec des horaires qui diminuent. Ces groupes auraient pour mission : d’être à l’écoute des enseignants, par le biais notamment des associations représentatives des professeurs, et pour les mathématiques des IREM, d’évaluer, sur le terrain, les programmes de chaque classe, de rendre publiques leurs conclusions, de faire des propositions visant à l’amélioration de notre enseignement.

Au-delà du système éducatif, les programmes scolaires ne laissent pas indifférente l’opinion publique et l’on peut s’en réjouir. Car par ambition, d’aucuns réclament de nouveaux contenus et veulent renforcer certaines parties et d’autres par réalisme ou paupérisme demandent des allégements et protestent sur la présence de certaines parties. Mais il reste que l’élaboration des programmes scolaires concerne bien au-delà de l’école la transmission culturelle de génération en génération « le passé, le présent et le possible » comme le dit Jérôme Bruner [1].

Sachant que certains élèves éprouvent des difficultés en mathématiques, n’avons-nous pas à craindre que le H.C.E. réduise le socle commun de connaissances aux « calculs élémentaires » et pour caricaturer à la règle de trois, unique notion commune générationnelle germant spontanément à l’esprit de nos politiques. Dans ces conditions, il sera incontestablement plus facile de faire correspondre objectifs et résultats. Mais la demande forte des parents sera-t-elle satisfaite ?

Nonobstant, il faut garder à l’esprit que quelle que soit son origine sociale, tout élève doit avoir accès gratuitement et librement aux connaissances qui lui permettront de devenir un adulte responsable, apte à prendre toute décision en connaissance de cause et à obtenir un métier en fonction de ses capacités.

Espérons que la définition du socle commun et des futurs programmes élaborés par le H.C.E. sera en adéquation avec ce principe fondateur de l’APMEP et souhaitons que l’on ne voie même pas la queue d’une souris poindre.

Notes

[1Jérôme Bruner, L’éducation, entrée dans la culture. Les problèmes de l’école à la lumière de la psychologie culturelle, Retz, 1996

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