Bulletin Vert n°465
bulletin spécial Journées Nationales
Caen 2006

Le discours du président de l’APMEP

 

 

Le thème de ces journées étant mathématiques à la mode de…, je me suis essayé à remplir les pointillés.

Commençons par…

Mathématiques à la mode de nos élèves passés, actuels et futurs

Les mathématiques ont de moins en moins la cote auprès de trop nombreux lycéens. Il y a une quinzaine d’années, mon établissement (800 élèves) comptait 2 terminales C et une terminale D. L’année dernière, il ne restait plus que 2 terminales S dont 11 élèves ayant choisi la spécialité mathématiques. Cette année, ils ne sont plus que 7. Je sais que d’autres établissements rencontrent le même problème.

Au niveau national, le pourcentage d’élèves choisissant la spécialité mathématiques parmi les élèves de série S SVT passe de 41% en 1995 à 29% en 2004, soit une diminution de 12% en 9 ans ! Rappelons que 1995 est l’année où les séries C, D et E ont disparues au profit des séries S.

Quelles sont les raisons de cette désertion ? Elles sont sûrement multiples. Le fait que 6h00 + 2h00 de maths ne correspondent pas, pédagogiquement, à 8h00 de cours n’y est pas étranger. Le fait que les élèves aient perdu 1 heure en première et 1h30 en terminales a sûrement compté aussi. Mais les résultats du baccalauréat S de juin peuvent nous en fournir une autre. Avec un taux de réussite de 84,8%, la moyenne en mathématiques serait d’environ 8 sur 20 alors que celles des autres disciplines scientifiques dépassent 11 sur 20 ! Bien que ces chiffres soient approximatifs, le différentiel entre la moyenne de mathématiques et celles des autres disciplines scientifiques est malheureusement significatif. Et les élèves et leurs parents ont très vite compris que leur intérêt à court terme, était de choisir physique ou SVT comme spécialité. Si nous ne faisons rien à brève échéance pour enrayer cette désaffection, cela pourrait signifier la disparition de la spécialité mathématiques, par manque de candidats. C’est d’autant plus grave que la plupart des professeurs de matières scientifiques de l’enseignement supérieur s’accorde pour dire que les difficultés rencontrées par leurs trop rares étudiants proviennent de leurs lacunes en mathématiques.

Passons aux…

Mathématiques à la mode de nos dirigeants

Avoir du temps permettrait d’améliorer la situation. Or, nous ne pouvons enseigner avec suffisamment de sérieux et de profondeur certains programmes, par manque de temps. Il faut donc augmenter significativement le nombre d’heures de mathématiques, notamment pour ceux qui prennent la spécialité maths en séries S, mais aussi récupérer les heures perdues, comme en série STG.

Lorsque nous rencontrons des conseillers de notre ministre pour lui faire part de nos propositions, leur premier réflexe est d’en calculer le coût. Si elles n’engagent que peu de moyens, elles sont jugées intéressantes et on nous promet d’y réfléchir. Dans le cas contraire, elles sont tout de suite écartées, car trop chères. Il va sans dire que les augmentations d’horaires de mathématiques en S, en STG notamment, ne sont pas à l’ordre du jour.

Lorsqu’un projet intéressant est jugé trop cher, cela peut signifier qu’il existe un coût normal. A combien nos politiques estiment-ils le coût normal de l’éducation nationale ?

Mais cela peut aussi vouloir dire que l’on n’a pas les moyens. La France, un des 10 pays les plus riches au monde n’aurait-elle pas les moyens d’une politique éducative ambitieuse ? Ou ne voudrait-elle pas s’en donner les moyens ?

En tout état de cause, on cherche des solutions à moindre coût, ce qui ne peut se faire qu’au détriment de la pédagogie, et donc des élèves.

Constatant que certaines heures dans certaines matières, comme les mathématiques, ont du mal à être assurées, par manque de professeurs, le ministère a trouvé la parade : le CAPES avec mention complémentaire. Le décret est paru au journal officiel du 10 Août 2005. Le principe en est le suivant : un candidat au métier d’enseignant peut demander à subir une épreuve complémentaire facultative. Pour pouvoir prétendre à la mention complémentaire en mathématiques par exemple, il faut passer le certificat d’aptitude en sections physique et chimie, SVT ou … en EPS ! Les bénéficiaires de cette mention pourront alors se voir confier un service partiel d’enseignement en mathématiques.

S’il existe certaines affinités entre les mathématiques et les deux autres sciences, j’avoue ne pas bien voir le rapport entre l’EPS et notre matière.

D’autre part, pourquoi n’a-t-on prévu de mentions complémentaires que pour trois matières. Qu’est-ce qui a prévalu au choix de ces mentions complémentaires ? Y aurait-il des disciplines essentielles et d’autres complémentaires ?

Quelle sera la formation de ces professeurs ? Je n’ai trouvé nulle part de renseignements là dessus. Si une formation, nécessairement complémentaire elle aussi, est assurée. Elle ne peut se faire qu’au détriment de la matière dite principale, à moins que des heures complémentaires en nombre conséquent soient ajoutées à l’horaire de formation. Or, comme nous venons de le voir, nous n’en n’aurions pas les moyens. Cette formation serait donc inférieure à celle d’un professeur titulaire d’un CAPES dit normal de mathématiques.

Dans tous les cas, le futur enseignant ne recevra pas de formation de qualité en mathématiques. Les compétences en EPS permettront sûrement de compenser les déficits de formation. On croit rêver !

Tout élève, de la maternelle à l’université, a droit à une formation mathématique de qualité assurée par des enseignants correctement formés pour le niveau où ils auront à intervenir.

Les mathématiques sont une discipline exigeante, la formation des professeurs de mathématiques doit donc être en conséquence.

Nous, militants APMEP, nous nous étonnons que les mathématiques puissent être considérées comme une discipline complémentaire. Nous ne pouvons accepter ce dispositif qui n’a qu’un intérêt purement comptable.

Mathématiques à la mode de l’APMEP

C’est celle que je préfère.

L’APMEP va bientôt devenir centenaire. Rappelons les objectifs originels :

L’Association a pour but l’étude des questions intéressant l’enseignement des mathématiques et la défense des intérêts professionnels de ses adhérents. Elle institue ou encourage des réunions, des discussions, des enquêtes sur l’enseignement des mathématiques en France ou à l’étranger. Elle engage ou soutient toute action qui lui paraît propre à améliorer l’enseignement des mathématiques, ou à contribuer à la défense de ses adhérents.

Depuis son origine, l’APMEP est restée fidèle à ses objectifs.

Elle était dans son rôle lorsqu’elle a obtenue la création des IREM. Uniques dans leur genre, enviés à l’étranger, ces Instituts, réunissant sur un pied d’égalité, professeurs du secondaire et universitaires, ont largement contribué à la formation continue des enseignants. Dotés au départ de moyens budgétaires importants, les IREM ont alors admis de très nombreux stagiaires touchant tous les collèges et lycées et quelques bataillons d’instituteurs. Les animateurs étaient, dans leur très grande majorité, membres de l’APMEP.

Depuis quelques temps, les IREM sont soumis à des restrictions budgétaires de plus en plus importantes, entravant ainsi leur fonctionnement. Après la formation initiale, la formation continue est, elle aussi, devenue trop coûteuse, donc en danger.

L’APMEP est dans son rôle lorsqu’elle demande que le gouvernement reconnaisse ces Instituts à leur juste valeur et leur permette de fonctionner normalement.

Une autre innovation importante de l’APMEP est la création de l’option sciences en seconde. Certes, l’existence de cette option n’est pas encore reconnue officiellement, mais elle fonctionne, avec succès, dans quelques académies et est en cours d’évaluation. Je tiens à remercie les membres de l’APMEP à l’origine de cette option et tous les professeurs de mathématiques, de sciences physiques et de SVT qui se lancent dans l’aventure.

L’APMEP, avec le soutien du collectif ActionScience demande la reconnaissance officielle de cette option pluridisciplinaire.

Afin de lutter contre la désaffection pour les études scientifiques, l’APMEP est dans son rôle lorsqu’elle demande la réorganisation des séries S. Cette série doit redevenir une série scientifique, où l’on donnerait aux élèves du temps pour faire des mathématiques convenablement.

L’APMEP est dans son rôle lorsqu’elle demande la création de groupes de suivi des programmes. Si de tels groupes avaient effectivement fonctionné, les professeurs ne seraient pas dans l’intenable situation actuelle et les élèves auraient sûrement plus de plaisir à faire des mathématiques avec des programmes en adéquation avec les horaires.

L’APMEP est dans son rôle lorsqu’elle soutient et participe à de nombreuses activités périscolaires, comme les rallyes mathématiques et les olympiades. De nombreux militants APMEP donnent ainsi une partie de leur temps libre, souvent bénévolement, pour aider les élèves en difficultés et améliorer l’image des mathématiques. Plutôt que de vouloir changer notre statut d’enseignant en nous obligeant à remplacer au pied levé nos collègues absents, ce qui est une absurdité pédagogique, ne vaudrait-il pas mieux que le ministère exprime une reconnaissance officielle à tous ces bénévoles ?

Enfin, le ministère parle souvent de liberté pédagogique. Or, là aussi, l’APMEP est dans son rôle lorsqu’elle demande à ce que cela devienne une réalité.

J’ai l’impression d’avoir déjà dit tout cela lors de précédents discours. Que faut-il faire pour que l’on soient enfin entendus et compris ? Quand écoutera-t-on les professeurs de terrain que nous sommes ?

Messieurs les politiques, étonnez-nous : ne faites plus semblant de trouver intéressantes nos propositions. Prouvez-le !

Je vous souhaite de bonnes journées, … à la mode de Caen.

 

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