JN 2002 — Rennes

Le discours d’ouverture
du président de l’APMEP

 

 

L’une des ambitions des mathématiques est de comprendre et décrire le réel pour mieux agir sur lui en s’appuyant sur des images du réel. Images et mathématiques sont donc étroitement liées et le thème de ces journées « Image des mathématiques, mathématiques des images » nous plonge au cœur des mathématiques qui se font, qui s’enseignent et la façon dont elles sont perçues.

Le rapport aux mathématiques est étrange. Ce besoin, si fréquent, qu’ont les gens de se situer par rapport à elles est révélateur de la place particulière qu’elles occupent et de l’image qu’ils se font d’elles. Cette image est aujourd’hui d’autant plus dégradée qu’elle est victime de la perte de confiance pour la science.

Pour attirer l’attention sur la crise des vocations scientifiques et technologiques, pas moins de dix associations et sociétés savantes de chercheurs et enseignants de sciences de tous ordres et toutes disciplines viennent de diffuser à la presse un communiqué commun, jetant ainsi une ombre sur la fête de la science. Elles alertent que le vivier des jeunes scientifiques sera bientôt insuffisant pour couvrir les besoins croissants de la nation en techniciens, ingénieurs, chercheurs, professeurs de sciences et que l’enseignement de sciences en sera affaibli. La discrétion de cet événement ne doit pas masquer son importance. La très rare mobilisation de la quasi-totalité de la communauté scientifique montre la gravité du problème et l’importance de l’enjeu pour la nation. Pour que la science et la technologie contribuent au développement et au rayonnement du pays, la recherche et l’enseignement des sciences doivent être une priorité nationale.

La communauté scientifique doit donc agir pour améliorer l’image de la science et de la technologie, pour rétablir la confiance que celles-ci devraient inspirer et pour convaincre de l’importance de l’enjeu.. Les mathématiciens doivent agir pour améliorer l’image des mathématiques et convaincre de la nécessité de disposer des moyens pour les enseigner correctement.

C’est à l’école, au collège et au lycée que la plupart des gens fréquentent les mathématiques. Après ils les côtoient sans s’en trop s’en apercevoir. C’est dans l’enfance et l’adolescence que se forge l’image des mathématiques. Les programmes, la façon dont ils sont enseignés, les conditions dans lesquelles ils sont enseignés, les exigences de la discipline, du système scolaire, les compétences développées, sont déterminants pour l’image que l’élève se fera des mathématiques et que l’adulte conservera. Les professeurs des enseignements élémentaires et secondaires sont donc en première ligne pour façonner cette image. Ils n’en sont pas pour autant entièrement responsables. Trop souvent leurs observations restent lettre morte, leurs propositions, leurs revendications, leurs cris d’alarme ne sont pas entendus. Leur responsabilité s’arrête donc où commence la surdité des autres. Par exemple, nos revendications horaires sont mal comprises d’une partie de nos collègues mathématiciens et la pétition de l’APMEP, qui a pourtant recueilli près de 18 000 signatures, n’a pas ému le ministère. Pourtant, comment pourrait-on donner une bonne image des mathématiques alors qu’il faut les enseigner à toute vitesse ? Comment montrer l’intérêt de comprendre, le plaisir de chercher et celui de trouver à des adolescents qui recherchent d’abord des stratégies de passage plutôt que la compréhension des concepts ?

L’image des mathématiques dépend aussi de la façon dont les mathématiciens parlent de leur discipline. Les chercheurs, les enseignants du supérieur, proches des mathématiques contemporaines devraient mieux et plus souvent les faire connaître, comme viennent de la faire conjointement la Société Mathématique de France et la Société de Mathématiques Appliquées et Industrielles par la très intéressante plaquette « l’explosion des mathématiques ». Il est essentiel de montrer au grand public et tout particulièrement aux jeunes, à quel point les mathématiques sont présentes dans notre quotidien. Qui mieux que les chercheurs, avec l’aide éventuelle des médias pourraient le faire ?

Pour donner la meilleure image possible de leur discipline et mieux se faire entendre du public et des différents responsables du pays, les mathématiciens doivent aussi parler d’une même voix. La famille mathématique doit se montrer unie, solidaire. Ses membres doivent mieux s’écouter, se comprendre, se respecter, s’estimer. Hélas, ce n’est pas toujours le cas. Par exemple l’Inspection Générale, juge avec une extrême sévérité les professeurs de mathématiques du secondaire. Elle les accuse, entre autres, de manquer de curiosité, de culture mathématique, de dynamisme, de discernement, de volonté pour s’investir dans l’informatique, dans les dispositifs nouveaux ou dans leur formation. De tels propos ne peuvent qu’altérer inutilement l’image de la discipline sans obtenir des professeurs de mathématiques les évolutions souhaitées. N’aurait-il pas été plus pertinent de prendre en compte les difficultés nouvelles du métier pour encourager et stimuler ? Sans réel dialogue, sans respect, sans confiance entre ses membres la communauté mathématique ne réussira pas à améliorer l’image de la discipline.

Il appartient à la classe politique de fixer les priorités de la nation. Si elle estime que les sciences et les technologies sont nécessaires au développement et au rayonnement du pays, elle doit alors expliquer aux français quel en est l’enjeu et l’effort qu’il convient de faire pour la recherche et la formation scientifique des jeunes. Cela nécessite, entre autres, que le ministre de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche mette en place des dispositifs de nature à susciter davantage de vocations scientifiques. Pour les mathématiques, l’APMEP a un ensemble cohérent de propositions : des horaires corrects, une option sciences en seconde et l’évolution des épreuves de mathématiques au baccalauréat. Quelques actes symboliques manifestant l’intérêt pour les sciences, pour la place et le rôle des mathématiques, pour ceux qui les enseignent sont également nécessaires. Par exemple, la présence aux journées nationales de l’APMEP d’un représentant du ministre et tout particulièrement celle du recteur de l’académie d’accueil.

Les médias grand public pourraient avoir une réelle influence sur l’image des sciences. Plutôt qu’entretenir une image caricaturale des mathématiques, ils devraient s’efforcer de faire mieux connaître les difficultés actuelles de leur enseignement et relayer davantage les légitimes revendications des professeurs comme ils savent si bien le faire pour tant d’autres professions, par exemple : les médecins, les aiguilleurs du ciel, les cheminots, les routiers... Parce que le rôle des médias est déterminant pour l’image, pour convaincre du bien fondé des formations scientifiques, nous devons apprendre à mieux nous faire entendre des journalistes.

Changer l’image des mathématiques et des sciences, convaincre de la nécessité d’une solide formation mathématique, obtenir les moyens d’assurer correctement les formations scientifiques est un projet d’autant plus ambitieux que les obstacles à surmonter sont nombreux. Un tel défi ne pourra être relevé que si tous les protagonistes en ont la volonté, que si tous les scientifiques unissent leurs efforts avec persévérance sans se décourager. Quelques signes laissent cependant espérer une mobilisation des mathématiciens et plus largement des scientifiques. Ce communiqué commun en est un bel exemple mais il n’est que le début d’une longue action qui, je l’espère se poursuivra jusqu’au bout.

 

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