Lettre à Monsieur Jack Lang, Ministre de l’Education Nationale

Monsieur le Ministre,

Lors de nos Journées Nationales à Nice, le recteur de l’Académie de Nice qui vous représentait nous a demandé quelles étaient nos réponses au problème de la baisse des effectifs des étudiants en sciences. Nous tenons à vous les rappeler et à les expliquer.

Bien que les causes semblent multiples et la plupart d’entre elles extérieures au système d’enseignement, l’Education Nationale a le devoir de se préoccuper de ce problème et de tenter d’y remédier.

Nous demandons la création d’une option Sciences en classe de seconde. Celle-ci intégrerait une heure de Mathématiques, une heure de Physique et une heure de Sciences et Vie de la Terre. Elle n’aurait pas de contenu supplémentaire par rapport au programme actuel, mais elle offrirait du temps pour permettre aux élèves qui le souhaitent de mieux comprendre ce qu’est la démarche scientifique. Elle donnerait ainsi davantage de temps pour conjecturer, expérimenter, prendre des initiatives, choisir une méthode adaptée, l’appliquer et juger de la validité des résultats. Elle participerait efficacement à la détermination du choix des élèves pour leur orientation, sans être toutefois indispensable pour accéder à la première S. Ceux qui l’auraient suivie et qui choisiraient cette orientation seraient moins surpris des exigences dans le domaine scientifique ; ceux qui choisiraient une autre orientation où les contenus scientifiques seront plus réduits, auraient une meilleure image de ce que sont les sciences et pourraient mieux profiter des compléments de formation ou d’information dans ce domaine. Nous insistons sur le fait que la classe de seconde est un palier important d’orientation et joue donc un rôle essentiel dans le recrutement de scientifiques. C’est donc en priorité à ce niveau que l’on doit essayer de développer auprès de nos élèves le goût pour les sciences, chose difficile en classe entière malgré nos efforts, à cause de la très grande hétérogénéité des classes de seconde en mathématiques.

Il nous faut préciser que si de les objectifs liés à la recherche et à la démarche scientifique sont présents dans le programme actuel de la classe de seconde, ils sont loin d’être atteints car beaucoup d’élèves se trouvent en difficulté. Il nous semble urgent de rétablir en collège un horaire de 4 heures hebdomadaires de mathématiques minimum pour tous les élèves, en y intégrant des heures en effectif réduit. Une certaine régularité dans la fréquentation des mathématiques et dans le travail est indispensable pour acquérir le minimum d’aisance nécessaire dans la manipulation des formules algébriques et des objets géométriques. Faute de cela, toute intervention d’un calcul ou d’une représentation géométrique ou graphique devient un obstacle y compris dans les autres disciplines utilisatrices de mathématiques : les professeurs de physique sont les premiers à réclamer une formation mathématique plus consistante. Dans le même sens, il faut absolument restituer un horaire de six heures de mathématiques en première et en terminale S pour tous les élèves, en y intégrant des heures en effectif réduit. Les outils nécessaires aux élèves ne sont pas moins importants qu’auparavant et les nouveaux programmes y ajoutent l’étude d’un chapitre de statistiques, indispensable à de futurs scientifiques. Les T.P.E. à ce niveau permettent aux élèves d’utiliser en situation quelques outils dont ils disposent, mais non pas d’en découvrir de nouveaux ni d’assurer que tous les maîtrisent convenablement. Précisons aussi qu’il ne saurait être question de remettre en cause la spécialité de mathématiques en terminale. Celle-ci permet actuellement d’étudier l’arithmétique et la géométrie des transformations. Elle prépare les élèves surtout dans la perspective d’une poursuite d’étude en Mathématiques, notamment en liaison avec l’Informatique.

Nous insistons pour que la filière S soit réellement conçue comme une filière scientifique, et plus généralement pour que chaque filière puisse être une filière d’excellence avec son caractère propre. Ainsi ce qui contribue à faire de la filière S la seule filière généraliste est néfaste pour les élèves qui ont des difficultés dans les disciplines littéraires. Pourquoi rendre obligatoire une seconde langue, alors qu’elle pouvait rester facultative ? Est-il impensable que les élèves qui auront déjà commencé cette seconde langue en reprennent l’étude ultérieurement le jour où elle leur deviendra indispensable ? Pourquoi limiter au français les épreuves anticipées dans la seule filière S ? Alourdir le programme de cette filière, c’est rendre son accès plus difficile pour les scientifiques. Rendre la série S trop généraliste, c’est la présenter comme l’unique filière d’excellence et priver ainsi les autres filières de leurs bons élèves. C’est ainsi que nos élèves de section S s’éparpillent dans toutes sortes d’orientations après le baccalauréat au lieu de poursuivre leurs études dans les voies scientifiques. Il est temps de valoriser chaque filière, et d’utiliser la section S pour ce qu’elle doit être : une filière qui prépare aux études supérieures scientifiques. Ainsi, en restant bien sûrs attachés à une culture générale de qualité pour tous, nous pensons que le caractère trop généraliste de la section S actuelle dessert le recrutement d’étudiants scientifiques.

La formation mathématique, avec sa part de recherche, de créativité, de sens critique, ne sera effective que si les épreuves de baccalauréat prennent ces aspects réellement en compte. La commission présidée par M. Attali a remis un rapport et des propositions concrètes que nous voudrions voir mise en oeuvre à moyen terme. Trois années de préparation sont nécessaires entre l’annonce de l’orientation et la modification des épreuves, il est donc urgent de prendre une décision sur ce sujet.

Voici ce qui nous semble incontournable pour rendre les études scientifiques plus accessibles.

Ces propositions ne sont pas nouvelles, elles ont fait l’objet d’une pétition l’an dernier qui a recueilli plus de 10 000 signatures et que nous avons remis à votre cabinet en juin dernier.

Nous vous prions de recevoir, Monsieur le Ministre l’expression de nos sentiments respectueux et dévoués à une formation mathématique de qualité.

R. BELLOEIL.

Président de l’A.P.M.E.P.

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