Calcul des probabilités
- 9 avril 2008 -
par Joseph Bertrand.
Jacques Gabay, dec.2006.
ISBN : 978-2-87647-128-3, 69 €.
332 p. en 17 × 24.
Reproduction photographique de l’édition originale (Gauthier-Villars, 1889).
Enfant surdoué, Joseph Bertrand (1822-
1900) est autorisé, à l’age de 11 ans, à
suivre des cours à l’École Polytechnique,
est bachelier à 16, et à 17 soutient une
thèse de thermodynamique puis rentre à
l’X ; il est professeur au lycée St-Louis de
41 à 48 (en 44, il est grièvement blessé
dans le premier accident de chemin de fer),
puis à Henri IV en 52 et enfin professeur
d’analyse au Collège de France en 1862. Il
entre à l’Académie des Sciences en 1856.
Outre ses travaux de recherche de géométrie
différentielle et de probabilités, Bertrand publie des traités élémentaires très populaires
d’arithmétique (1849), d’algèbre
(1850), et pour les étudiants un traité en
deux volumes de calcul différentiel et de calcul
intégral (1864-70 réédité lui aussi par
Jacques Gabay), ainsi que Thermodynamique
(1887) et Leçons sur la théorie mathématique
de l’électricité (1890). Il édite en
1853 la Mécanique analytique de Lagrange
et traduit en 1855 l’œuvre de Gauss sur la
méthode des moindres carrés.
L’ouvrage ici analysé a profondément influencé Poincaré, dont le traité Calcul des probabilités paru en1896 pilotera l’enseignement universitaire de la première moitié du XXe siècle.
Le calcul des probabilités, commence Bertrand dans sa préface de cinquante pages consacrée aux Lois du hasard, est une des branches les plus attrayantes des Sciences mathématiques et cependant l’une des plus négligées ; on aurait pu en dire autant en France 60 ans plus tard, heureusement la situation a bien changé depuis comme le prouvent de récentes et prestigieuses distinctions internationales.
Les treize chapitres concernent successivement
– l’énumération des chances (jeux et urnes,
tirages avec ou sans remise, problèmes des
rencontres et du scrutin ; c’est dans ce chapitre
no 4 à 7 qu’est discuté le fameux paradoxe
de Bertrand) ;
les probabilités totales et composées ;
l’espérance mathématique (paradoxe de
Saint-Petersbourg) ;
le théorème de Jacques Bernoulli ;
ses démonstrations élémentaires ;
la ruine des joueurs ;
la probabilité des causes (régularité des
naissances, exemples de Buffon, Laplace,
applications ridicules) ;
la loi des erreurs d’observation (postulatum
de Gauss, groupement des erreurs) ;
les erreurs de situation d’un point (formule
de Bravais, tir à la cible) ;
la théorie des moyennes ;
la combinaison des observations ;
les lois de la statistique (naissances ;
mortalité) ;
la probabilité des décisions (judiciaires).
Le livre se termine par une table de la fonction d’erreur de Gauss.
On le voit, l’auteur se préoccupe en permanence de développer des exemples de problèmes et se soucie des applications.
Mais l’ouvrage n’est pas exempt de défauts
et Oscar Sheynin a pu écrire dans un article
L’oeuvre de Bertrand en probabilité, paru
dans Arch. Hist. Exact. Sci. 48 (2) (1994),
155-199 :
1. Bertrand mentionne certains de ses prédécesseurs
(De Moivre, Laplace, Bienaymé)
mais pas d’autres comme Chebyshev.
2. Le traité de Bertrand contient des erreurs
et des coquilles. Les conditions de nombreux
problèmes sont posées sans précision
et les figures complètement absentes.
Les explications verbales données parfois
à la place de formules sont irritantes.
3. Le traité est mal organisé.
4. Bertrand utilise le terme « valeur probable
» conjointement avec « espérance
mathématique ».
mais :
5. Le style littéraire de Bertrand est très
attachant.
Voilà longtemps que cette réédition était annoncée par Jacques Gabay ; telle qu’elle est, elle servira de référence à tous les enseignants qui s’intéressent à un champ disciplinaire qui a sa spécificité et sur lequel la commission inter-IREM Statistique et Probabilités a déjà beaucoup travaillé.
Paul-Louis HENNEQUIN