Les AEDprépro communiqué, avril 2021

Dans l’attente d’un véritable pré-recrutement, nos propositions pour améliorer le dispositif « assistants d’éducation en préprofessionnalisation »

le dispositif AEDprépro
communiqué
avril 2021

 
Communiqué de l’APMEP et de ses partenaires sur les AEDprépro, avril 2021

 

Difficulté du recrutement de professeurs de mathématiques

Face à la difficulté croissante du recrutement de professeurs de mathématiques, la communauté de l’enseignement des mathématiques — formateurs, associations professionnelles, sociétés savantes, syndicats — plaide presque unanimement, et depuis bien longtemps, pour la mise en place d’un système de prérecrutement réfléchi, qui soit attractif pour les jeunes.

Depuis 2012, les gouvernements successifs ont tenté d’apporter des réponses à cette demande par la mise en place de plusieurs dispositifs qui n’étaient en rien des pré-recrutements [1]. Ils permettaient seulement à quelques étudiantes et étudiants d’avoir une expérience pratique de l’enseignement au cours de leur cursus universitaire. Trop instables, manquant d’une impulsion nationale, gérés de façon disparate, ils n’ont pas pu s’imposer et leur échec a été analysé notamment dans un rapport de l’inspection générale [2]. Il est à craindre que le dispositif en cours ne subisse le même sort.

 

Le dispositif AEDprépro

Initié en septembre 2019, le dispositif des assistants d’éducation en préprofessionnalisation [3] (en abrégé, AEDprépro [4]) consiste à engager sur des contrats de 3 ans des étudiants de deuxième année de licence et à leur confier des tâches d’enseignement dans un établissement, ces tâches évoluant de la pratique accompagnée vers une prise de responsabilité annoncée comme ponctuelle. La rémunération est correcte et cumulable avec les bourses. Il pourrait donc être attractif, sous réserve d’une bonne articulation entre les conditions d’exercice en établissement et les obligations des intéressés en tant qu’étudiants : proximité géographique, compatibilité des emplois du temps et, en amont, concertation entre le rectorat et les équipes pédagogiques au moment du recrutement.

La SMF, la SMAI et la SFdS s’étaient déjà exprimées sur ces points lors de la mise en place du dispositif [5]. Signe positif, la circulaire décrivant le recrutement, les fonctions et les conditions d’emploi des AED en préprofessionnalisation [6] donnait des consignes en ce sens.

 

Des écueils et nos propositions

Après 18 mois d’existence, nous avons recensé d’autres écueils qui mettent en péril le dispositif et nous proposons quelques mesures simples qui permettraient de l’améliorer.

  • Impossibilité d’intégrer le dispositif en L3
    Il devrait être exceptionnellement possible d’admettre des nouveaux AED-prépro au niveau du L3. Cette mesure se justifie quand le contingent attendu n’est pas atteint ou pour compenser des démissions, et le travail semble réalisable par des étudiants sélectionnés dans la mesure où les attendus en établissement ne sont pas très différents du L2 au L3 et où les AED bénéficient d’un suivi personnalisé. Elle permettrait à des étudiants qui en ont le besoin et les capacités de bénéficier du dispositif s’ils n’ont pas pu y entrer en L2, ce qui est le cas, en particulier des étudiants issus de deuxième année de CPGE.
  • Impossibilité de poursuivre le dispositif en M1 tout en étant inscrit dans un master disciplinaire
    Pour réussir l’agrégation de mathématiques, il est indispensable de s’engager dans un master disciplinaire.
    Mais actuellement, la circulaire impose une inscription en master MEEF pour bénéficier de la troisième année du contrat, restreignant l’accès permis par le décret de référence [7], d’après lequel seule l’inscription « dans une formation dispensée par un établissement d’enseignement supérieur délivrant un diplôme national de master préparant au concours d’accès aux corps des personnels enseignants » est requise.

Il s’agit d’une mesure symbolique car elle concernerait très peu d’étudiants. Mais à l’inverse de la restriction actuellement affichée, elle pourrait attirer des étudiants susceptibles de devenir de très bons enseignants.

Pour les étudiants brillants, l’envie de devenir enseignant ne doit pas entrer en conflit avec leur envie de se former à haut niveau. Il faut au contraire soutenir leur ambition en leur permettant de mener les deux de front s’ils s’en sentent capables, surtout pour les étudiants d’origine modeste qui ont besoin de ce soutien à leurs études.

  • Volume et financement de l’enseignement en responsabilité en M1
    À la rentrée 2021, les premiers AED en préprofessionnalisation seront en M1 MEEF et leur contrat stipule qu’ils devront assurer une partie de leur service en responsabilité. Il est maintenant question de ponctionner 6 heures sur la DHG [8] des établissements, pour chaque AED en préprofessionnalisation au niveau M1.
    Mécaniquement, les chefs d’établissement prévoient de leur confier 6 heures d’enseignement en responsabilité.

Cette façon de procéder menace directement le dispositif car il décourage toutes les parties concernées : les étudiants, les établissements où ils exercent comme AED, et ceux où ils suivent leur formation. Il révèle la confusion des objectifs : les AED en préprofessionnalisation ne sont pas des moyens d’enseignement mais des étudiants qui doivent, pour devenir enseignants, réussir leurs études.

Les effets d’une telle mesure seraient catastrophiques pour tous les acteurs :

  • Les chefs d’établissement seront obligés de réorganiser leurs équipes, parfois en remplaçant un enseignant titulaire par un étudiant de M1 MEEF.
  • Les équipes pédagogiques d’accueil se sentiront flouées, en particulier les enseignants qui devront changer d’établissement ou accepter un complément de service dans un autre établissement. Les AED, tout d’un coup, se sentiront très malvenus.
  • Les AED vont avoir une charge de travail et de stress incompatible avec leurs études. La circulaire du 6 novembre 2019 précise un service d’enseignement de 6 heures sur 39 semaines et que « les heures restantes pour atteindre les 312 heures de présence annuelles dans l’établissement ou l’école peuvent être notamment consacrées à la préparation des interventions devant les élèves, à l’analyse réflexive,
    notamment en lien avec le tuteur en établissement ou en école, à la participation aux réunions des comités et instances propres aux établissements et écoles et à la participation aux réunions organisées périodiquement par le rectorat [...] » On pourrait en conclure que les 2 heures hebdomadaires de différence pourraient suffire à préparer les cours. Si elles sont effectivement nécessaires, elles ne seront en aucun cas suffisantes : pour un débutant, préparer une heure de cours demande 3 à 4 heures de travail.
  • Les responsables de master MEEF ne pourront pas garantir la compatibilité des emplois du temps : pour exercer 6 heures par semaine les AED devraient être présents au moins 3 demi-journées dans l’établissement et il ne sera pas possible d’en banaliser autant. En effet, à l’heure où sont élaborées les
    nouvelles maquettes, la tendance est de prévoir un maximum d’heures de formation en M1 afin de soulager un M2 qui s’annonce extrêmement chargé. L’expérience en établissement des étudiants qui sont AED, si riche soit-elle, peut remplacer le stage d’observation, mais pas les apports didactiques ou disciplinaires qui sont faits en M1 et sont indispensables à leur formation. La nécessité d’assister à tous les
    cours est un ingrédient essentiel de leur réussite.

C’est pourquoi, nous demandons que

  • la dotation horaire des établissements ne soit pas diminuée par la présence d’un ou une AED,
  • les heures en responsabilité des AED en M1 soient limitées à 2 ou 3 par semaine, en privilégiant la cointervention.
    L’emploi des heures restantes — préparer les cours ou exercer d’autres tâches dans
    l’établissement — reste à clarifier.
  • La présence en établissement soit limitée à deux demi journées hebdomadaires, pour respecter le temps des études.

Sans cela, il est à craindre que les chefs d’établissement refusent d’accueillir de nouveaux AED et que les étudiants démissionnent massivement à la fin du L3. Il serait regrettable qu’une décision relevant d’une interprétation purement comptable de la circulaire, prise sans aucune consultation apparente avec les acteurs de terrain, mette en péril ce dispositif au demeurant attractif.

Conclusion

Toutes ces difficultés font apparaître la nécessité d’un véritable suivi au niveau national et d’un travail de coordination à tous les niveaux. Il est urgent d’affirmer ce principe : « Un dispositif pérenne, construit dans la concertation et en tenant compte des remontées du terrain, est indispensable ».

Nous demandons

  • la mise en place d’une commission nationale de suivi de ce dossier, associant toutes les parties prenantes (ministère, universités, associations de spécialistes, représentants des étudiants).
  • que la déclinaison dans chaque académie soit assurée par un groupe de coordination comprenant des représentants du rectorat, des établissements où travaillent les étudiantes et étudiants AED, des licences et des masters concernés. C’est la seule façon de pouvoir résoudre les problèmes concrets qui se posent, et
    qui nécessitent actuellement des négociations délicates entre les parties prenantes [9].

Il faut sans attendre essayer de rendre aussi attractif et aussi efficace que possible le dispositif AED-prépro existant. Au delà, le retour à un véritable système de pré-recrutement, qui laisse aux étudiants le temps pour étudier, est pour nous un élément essentiel. La Cour des comptes elle-même avait préconisé une telle mesure dans un rapport publié en octobre 2017 [10]. Le système des IPES (Instituts de préparation aux enseignements de second degré) avait connu un franc succès pendant plus de vingt ans, avant son abandon en 1979, et fourni à l’Éducation nationale plusieurs promotions de professeurs très bien formés. L’enseignement des mathématiques en avait largement bénéficié. Aujourd’hui, le seul dispositif de préprofessionnalisation qui subsiste est celui des Écoles normales supérieures, qui ne concerne qu’un nombre infime d’étudiants de très haut niveau, qui se destinent plutôt à l’enseignement supérieur. C’est d’un système d’une tout autre ampleur que nous avons besoin.

La crise actuelle du recrutement appelle des réponses ambitieuses, élaborées collectivement. Il est urgent de les apporter.

 

Signataires du communiqué

  • Commission française pour l’enseignement des mathématiques (CFEM),
  • Assemblée des Directeurs des Instituts de Recherche sur l’Enseignement des Mathématiques (ADIREM),
  • Association des Professeurs de Mathématiques de l’Enseignement Public (APMEP),
  • Association pour la Recherche en Didactique des Mathématiques (ARDM),
  • Femmes et mathématiques,
    Société Française de Statistique (SFdS),
  • Société de Mathématiques Appliquées et Industrielles (SMAI),
  • Société Mathématique de France (SMF),
  • Union des Professeurs de classes préparatoires Scientifiques (UPS).

 

 

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