509

Editorial du Bulletin 509 L’impossible équation

Le 22 mars dernier, lors de la manifestation de clôture de la semaine des maths à
laquelle l’ APMEP a largement contribué, j’ai pu assister à une table ronde conduite
par Michèle Artigue. La question posée était : « L’école peut-elle faire aimer les
mathématiques ?
 »

Cinq participants en plus de la modératrice : une collègue du premier degré, deux
enseignants de collège, un de lycée et un dernier à l’université. Des profs
« lambda », mais sans doute pas complètement ordinaires, qui ont expliqué avec
conviction et brio toutes les stratégies qu’ils mettaient en œuvre pour communiquer
leur amour des maths. Ils ont montré que la réussite peut être au rendez-vous, mais
aussi que les obstacles ne sont pas minces. Parmi les difficultés les plus patentes,
l"hétérogénéité a souvent été citée.

Cela peut apparaître comme une évidence à chacun d’entre nous. Pourtant,
entendre ces collègues de niveaux d’enseignement si différents parler de la même
chose ne pouvait qu’intriguer. Qu’au premier degré, ou au collège, on se trouve « 
naturellement » face à une grande hétérogénéité, c’est tout à fait envisageable. Au
lycée, cela devient bien moins évident. En fin de troisième, plus d’un élève sur trois
est orienté vers le lycée professionnel en invoquant le plus souvent des raisons de
niveau. Nous devrions ainsi trouver un public plus homogène en seconde classique.
Plus encore à l’université, quand la formation s’adresse à des étudiants qui ont choisi
de faire des mathématiques, le constat devient carrément surprenant.

La sincérité des témoignages ne faisant aucun doute (elle est d’ailleurs corroborée
par tellement d’expériences d’enseignants), il faut essayer de comprendre pourquoi
un tel symptôme est constaté à tous les niveaux d’enseignement.

On pense immédiatement à la constante macabre d’André Antibi, cet inconscient
de l’enseignant qui, quelle que soit la classe qu’il a en face de lui, répartit ses notes
selon une courbe de Gauss centrée autour de 10. Sans nier la pertinence de cette
approche, il faut sans doute la relativiser. On peut tenter l’hypothèse que ce qui est à
l’œuvre est moins de nature individuelle et psychologique que sociétale. Le discours
des professeurs nous éclaire un peu là-dessus : si l’hétérogénéité est souvent perçue
comme une grande difficulté, l’autre obstacle est, dans la plupart des classes, la
démesure des programmes. Combien de témoignages vont dans ce sens ? Combien
d"enseignants se plaignent du manque de temps, de ce temps qui permettrait une
exposition raisonnée, moins dogmatique, des notions, une approche laissant une plus
large part à l’activité de l’apprenant ?

Mais alors pourquoi construire des programmes qui seront dans de très
nombreuses classes impossibles à terminer dans de bonnes conditions, avec pour
conséquences une présentation bien peu problématisée des savoirs et une passivité
importante des élèves ? Écartons l’hypothèse passe-partout d’un Big Brother qui
aurait pour but de ne former que de futurs citoyens dociles, au moyen d’une
éducation abêtissante. Ou alors, il faudrait considérer que l’ensemble des professeurs
est complice de cet objectif. Il suffit de regarder les réactions des uns ou des autres
quand telle ou telle notion disparaît d’un programme, il suffit de voir les résultats de
la concertation par Internet sur les programmes de seconde, pour se rendre compte
que « par nature », les enseignants sont plutôt inflationnistes en termes de contenus.
Chacun voudrait bien supprimer quelque chose, mais pas ce qui lui paraît essentiel,
et malheureusement l’essentiel n’est pas commun à tous ...

Au nom de la cohérence des notions, chaque chose en appelle une autre. Au nom
du caractère « outil » des mathématiques, il faut aborder tel ou tel point décisif dans
une autre discipline. Enfin, au nom d’un imaginaire collectif de la précocité, il faut
avoir vu certains concepts avant un âge donné, sous peine de ne plus pouvoir les
acquérir. .. Il faudrait sans doute aller regarder du côté de la neurobiologie pour voir
ce qu’elle nous dit sur ce type de « croyance » et même si la limite d’âge à 40 ans
pour la médaille Fields a une pertinence réelle. Le jeunisme est beaucoup plus
présent en mathématiques que dans d’autres champs du savoir. La société le confirme
puisque l’image d’Épinal du matheux est celle d’un individu immature ...

Je crois très sincèrement que la grande majorité des collègues essaie de faire de
son mieux, je crois que beaucoup imaginent des stratégies, des scénarios pour« faire
aimer les maths », mais leurs efforts sont souvent insuffisants pour apporter des
solutions durables : une année, avec une classe, tout fonctionne, et l’année suivante,
les mêmes pratiques sont en échec, le message ne passe plus.

L’institution doit encourager les enseignants à poursuivre leur recherche de
nouveaux dispositifs. Plus qu’elle ne le fait aujourd’hui, elle doit faciliter la
mutualisation des expériences de chacun, non pas comme des exemples de situations
reproductibles, mais plutôt comme des pistes de réflexion pour tous. Les enseignants
n’ont pas attendu le « Grand Soir des programmes » pour innover. Néanmoins,
programmes, pratiques et évaluation sont intimement liés.
Nous devons espérer une
prochaine réforme ambitieuse qui, enfin, aborderait ces trois volets simultanément

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