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Editorial du Bulletin 511 En route vers la PAP.
La Khan Académie a débarqué en France il y a un an environ. À l’époque, j’en
avais parlé dans un éditorial qui m’avait permis d’exprimer toutes les réserves que l’on peut avoir à son sujet.
Depuis, l’association « Bibliothèque sans Frontières » a continué son travail de
traduction des vidéos américaines. Éclairé par le livre de Salman Khan (dont je vous
conseille la lecture) « L’éducation réinventée », le projet prend de l’épaisseur et
mérite que l’on s’y attarde.
De quoi s’agit-il au fond ? D’une plateforme dont les enseignants et leurs classes
sont les destinataires privilégiés, mais dans laquelle toute personne curieuse peut
aussi naviguer. Cet espace contient des vidéos (essentiellement de maths) structurées
non par niveau d’enseignement, mais par thèmes. Chaque thème est divisé en sous-thèmes
contenant des vidéos et des évaluations intermédiaires. Il s’agit donc en
définitive de parcours pédagogiques utilisables par un professeur à divers moments
de l’apprentissage avec ses élèves.
Une fois un parcours choisi par l’enseignant, les élèves sont censés être capables
de travailler dans une certaine autonomie, même si les résultats des évaluations sont
envoyés au professeur. Celui-ci peut alors guider l’élève ou bien laisser le logiciel
proposer des vidéos de remédiation ou d’approfondissement.
Dans un ordre idée assez proche, on a vu depuis quelques mois, apparaître un
grand nombre de MOOC, essentiellement proposés par les universités américaines.
Il ne s’agit pas exactement de la même chose, puisque les MOOC sont pensés pour
durer quelques semaines et apportent en fin de cursus une certification de
compétences. Toutefois, la structuration hebdomadaire est assez proche de celle des
parcours proposés par la Khan Académie.
Que penser de cette prolifération ? Sans doute faut-il y voir la concordance de
plusieurs facteurs ! Je voudrais en retenir deux qui me semblent essentiels : sur un
plan technique, l’arrivée à maturité de la technologie, qui permet de créer assez
facilement des objets d’apprentissage élaborés, et sur un plan pédagogique, le désir
de mettre un peu d’ordre dans la production hétéroclite que l’on trouve sur Internet.
Les parcours d’apprentissage proposés par les MOOC ou par la Khan Académie
utilisent clairement le premier facteur pour apporter une réponse efficace au second.
Si le support choisi est la vidéo, ce ne me semble pas par hasard. C’est sans aucun
doute celui qui est le mieux adapté à cette réalité de la très grande majorité des jeunes
d’aujourd’hui : le Smartphone.
Si les MOOC s’adressent clairement à des individus isolés, il n’en est rien quant
au projet de la Khan Académie. Redisons-le, les professeurs sont la cible prioritaire
de cette plateforme. Plus que de les remplacer par je ne sais quels cours en ligne, il
s’agit de leur proposer une autre approche de leur enseignement.
Evidemment, la
« classe inversée » est en ligne de mire, mais rien n’oblige à une utilisation des vidéos
dans ce sens.
Comme vous pourrez le remarquer si vous avez lu mon éditorial du BGV où je
parlais de la Khan Académie, j’ai mis beaucoup d’eau dans mon vin. Et pourtant, je
ne vous conseillerais pas d’utiliser cette plateforme. Il y a au moins trois raisons qui
la rendent peu compatible avec un usage un peu généralisé en France.
La première est, sans doute, la faible correspondance des notions avec nos
programmes. Les contenus et les méthodes sont trop différents.
Une deuxième raison est le manque de choix. Sur un thème donné, on entre dans
un parcours unique, celui défini par Salman Khan. Cette rigidité est rapidement
pesante.
La dernière raison est la faiblesse des évaluations censées permettre à l’élève de
s’orienter vers d’éventuelles remédiations. Bien souvent réduites à une seule
question, elles sont peu utilisables même par l’enseignant.
Pourtant, vous l’aurez compris, ce projet est intéressant, mais il ne peut nous
convenir dans l’état. Après discussions et réflexions, il est apparu au bureau national
qu’il était difficile et même risqué de ne pas s’inscrire dans cette dynamique. C’est
pourquoi nous avons proposé à CANOPE un partenariat en vue de l’édification d’une
plateforme d’accompagnement pédagogique (la fameuse PAP du titre), inspirée du
modèle de la Khan Académie, mais qui éviterait les problèmes signalés plus haut.
Nous aurons l’occasion de vous parler plus longuement de ce projet ambitieux dans
les mois à venir.