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FRANÇOIS VIÈTE
par 10 auteurs, sous la direction d’Évelyne Barbin
et d’Anne Boyé, à la suite d’un colloque national
consacré à Viète en 2003
Éd. Vuibert. Diffusion APMEP sous le numéro 937.
280 pages en 15,5 × 24, avec des bibliographies de 26 pages (donc sans intérêt pour
les profanes) et un Index de 2 pages. Présentation très agréable.
Couverture à rabats
aussi artistique que sanglante : la Saint-Barthélémy !
ISBN : 2-7117-5380-8.
Prix public : 30 € ; (adhérent) : 28,5 €.
• Après de brèves présentations des douze intervenants, l’introduction - propose, en
cinq pages, « l’ambition mathématique d’un moderne [Viète] » : « résoudre tout
problème » !, et l’ambition du livre : « avoir une vue plus complète des
mathématiques de François Viète et connaître son parcours humain et politique dans
l’époque troublée qui fut la sienne ».
Admirer et surpasser les Anciens : le XVIe siècle bruit de défis mathématiques où
Viète s’érige en « nouvel Apollonius » grâce, notamment, à son « Art analytique » et
à son objectif de « faire de l’algèbre une science grecque en la présentant de manière
axiomatique » et en systématisant son emploi pour résoudre des problèmes
géométriques. Introducteur d’écritures symboliques, Viète est aussi par ailleurs le
« père de la cryptanalyse »…
• PARTIE 1. « UN HOMME ET UNE ŒUVRE »
Chapitre 1. Viète, un portrait en quatre facettes (26 pages).
Jean-Paul Guichard y note quatre dates : décryptage du code secret espagnol,
réponse immédiate au défi mathématique d’Adrien Romain (résolution d’une
équation de degré 45), conflit de calendrier avec le pape, mort sans révéler grandchose
de la vie privée… L’auteur développe ensuite les quatre facettes
correspondantes :
- Viète, Conseiller du roi et maître des requêtes … au temps des Guerres de
Religion… Au service de l’État !… - Les chantiers mathématiques de Viète, … innovateur en écritures littérales.
- Viète scientifique engagé : de Scaliger au calendrier grégorien et à « l’Harmonicum
cœleste »… - Une vie privée où deux religions se côtoient.
Chapitre 2. L’œuvre de Viète et ses héritiers (16 pages).
Jean-Pierre Le Goff y décrit « les infortunes de l’héritage de Viète », puis traite de
quatre héritiers, et de J.H. de Godscrof qui exposa, vers 1635, l’algèbre de Viète.
• PARTIE 2. L’ALGÈBRE DE FRANÇOIS VIÈTE
Chapitre 3. L’algèbre au cœur du programme analytique (21 pages).
Louis Charbonneau y déploie son analyse à partir « d’exemples volontairement
élémentaires afin de permettre à un lecteur non mathématicien de percevoir la nature
de la démarche intellectuelle de Viète ». Au passage un apport, significatif, de Pierre
De La Ramée.
Chapitre 4. […] Diophante : La zététique (12 pages).
Paolo Ferrugia y conte une présentation, par Viète, « en termes épistémologiques
nouveaux », avec « élégance et efficacité ». Il y est notamment question des
« triangles rectangles numériques ».
Chapitre 5. L’algèbre de Viète, selon James Hume (15 pages).
« Visite guidée », par Jean-Pierre Le Goff, d’une « synthèse de la pensée algébrique
de Viète, remise à jour et développée, un an avant que ne s’imposent les idées et
notations de Descartes ».
• PARTIE 3. LES MATHÉMATIQUES DE FRANÇOIS VIÈTE
(Titre qui rend curieuse la ségrégation de la partie 2 !)
Chapitre 6. « Viète géomètre : l’Apollonius gallus » (25 pages)
.
Anne Boyé revient sur l’équation de degré 45, puis développe les solutions, par
Viète, de problèmes initiés par Pappus : construire un cercle qui passe par des points
donnés et qui soit tangent à des droites ou des cercles donnés. Des solutions des
« problèmes 5 et 9 » conduisent au « problème 10 » dont la résolution par Viète fera
l’admiration, de ses successeurs à nos jours : « Étant donné trois cercles, construire
un quatrième cercle qui les touche tous les trois ». [« Dans le meilleur des cas, il y a
huit solutions »]. La postérité de Viète ne l’oubliera pas, des extensions du problème
à l’espace, par Fermat, à la discussion par Hadamard du nombre de solutions dans le
plan…
Chapitre 7. Viète et les quadrateurs (19 pages).
Jacques Borowczyk nous y convie à l’œuvre de Scaliger, et aux « disputes » entre
celui-ci et Viète…
Chapitre 8. Viète et les codes secrets (14 pages).
Jean-Paul Delahaye y présente la « règle infaillible » de Viète illustrée par un
exemple fictif… Au passage : furieux d’avoir été décrypté par Viète, le roi d’Espagne
dénonce celui-ci au pape comme « sorcier » (donc…), mais le pape aussi faisait
décrypter (donc…).
Chapitre 9. Les mathématiques et la guerre au temps de Viète : le cas Harriot
(15 pages), par Pascal Brioist :
Empilement de boulets ; mises « en bataille » ; cartographie et construction navale ;
arithmétique, géométrie et pensée de l’infini : illustrations d’un « nouveau
paradigme » qui « subvertit une frontière traditionnelle… ».
• PARTIE 4. VIÈTE EN SON TEMPS
Chapitre 10. […] Fontenay-le-Comte dans la seconde moitié du 16e siècle
(34 pages), par Guy Saupin. Une superbe étude historique !
Chapitre 11. Mathématicien au service de la cause royale : Tours, 1589-1594
(17 pages), par Laurence Augereau :
Contexte, relations, activités, … et Viète « propagandiste »… Un Viète « largement
récompensé » : cf. 20 000 écus à son chevet lors de sa mort en 1603…
Chapitre 12. Face aux troubles de religion : le parcours d’un « politique » ?
(17 pages).
Hugues Daussy y retrace l’engagement (couronné de succès) de Viète « pour
l’honneur de la maison de Soubise », son bain dans une atmosphère calviniste, son
retour à une mouvance catholique (mais anti-ligueuse) à l’occasion de son accès au
Parlement de Bretagne, ses talents de négociateur, fin politique « au Service du Roi ».
• LE LIVRE crée ainsi un tissu extrêmement vivant, et toujours passionnant,
autour d’une superbe personnalité très engagée, dynamique et inventive.
Enseignants de mathématiques et historiens l’apprécieront pareillement. La variété
des points de vue et l’immersion de Viète dans son temps font de ce livre un vrai
joyau. Merci aux auteurs et aux deux coordonnatrices !
Henri BAREIL