461
LA PLACE DES MATHÉMATIQUES VIVANTES DANS L’ENSEIGNEMENT SECONDAIRE Brochure APMEP n°168
Actes de l’Université d’été 2004 d’ANIMATH.
21 auteurs. Coordination : C. DUCOURTIOUX et P.-L. HENNEQUIN
Coédition APMEP-Animath.
336 pages en 17× 24, d’excellente présentation.
Bibliographie abondante, par articles.
ISBN : 2-912846-46-3.
Prix : public : 13€ ; adhérent : 9€.
Des intervenants, de Collège, Lycée ou d’Universités, enracinés dans de solides expériences, aux apports plus que substantiels ... que je ne peux, ici, que survoler.
Cinq grandes parties :
I. ATELIERS (107 pages).
I.1.Situations de recherche pour la classe. Objectifs caractéristiques pour une dévolution à l’élève, conditions pour
une gestion par l’enseignant (33 pages).
Il s’agit, précise Claude TISSERON , de « mettre l’élève en position de recherche sous sa propre responsabilité », les interventions de l’enseignant « permettant à l’élève d’avancer, sans pour autant “ tuer la recherche ” ». La question initiale doit être facile
d’accès, des stratégies d’essais possibles et contrôlables par l’élève lui-même...
•Première partie (16 pages), de Claude TISSERON.
Premier problème travaillé (5 pages) : « Dans un plan, deux cercles extérieurs. Quel est l’ensemble des points M de ce plan tels que toute droite passant par M rencontre au moins l’un des deux cercles... ».
Deuxième problème (3 pages) : étude d’une application avec point fixe.
Puis des activités pour « approfondir ce que c’est que faire des maths
et faire faire des maths », avec une application sur « Thalès-triangle »...
• Deuxième partie (15 pages + une Annexe), par Karine GODOT et Denise GRENIER.
Deux situations travaillées, éclairées pour des outils didactiques :
– une « roue aux couleurs », avec deux cercles concentriques,
– un pavage , avec des polyminos variés, d’un carré « troué ».
L’Annexe (7 pages), de François LO JACOMO, explicite une
démarche heuristique.
I.2. Maths-en-Jeans (22 pages), par Pierre AUDIN et Pierre DUCHET.
Comment organiser, autour d’un « Objet de science », des «
situations-recherche par nature “ imprédictibles ”, [...] particulièrement favorables pour l’apprentissage de savoirs “ transversaux ” » sur les maths, les divers types de savoirs, ... ».
À vivre à travers un demi-tour de voiture (sous contraintes)
, en 12 pages de progressives et prenantes mathématiques ... débouchant sur des astroïdes, et un coloriage variante du « problème des m-pires » (celui « des quatre couleurs » pour
m=1).
I.3. Objets mathématiques (44 pages).
I.3.1. Construction de polyèdres(20 pages), par François GAUDEL : deltaèdres,« polyèdres géants », reproductions à partir d’Escher, ...
I.3.2. Le boulier chinois (8 pages), par Caroline POISARD.
I.3.3. « Chasse aux bêtes » (2 pages), par Charles PAYAN , de quoi mettre en évidence :
– le caractère expérimental des maths,
– les problèmes d’optimisation[...],
– le rôle de la preuve, des « il faut et il suffit », [...],
– une démarche scientifique
: va-et-vient entre simplification et généralisation, entre
conjecture, preuve, réfutation.
I.3.4.« De l’usage simple des livres anciens » (6 pages), par Jean-Alain RODDIER, à propos des travaux de Michel Rolle.
I.3.5. « Utiliser Géospace W en club » (6 pages), des fiches-élèves avec de jolies constructions, par Jean-Alain RODDIER.
I.3.6. Débat sur l’Atelier 3 (2 pages).
II. « CONFÉRENCES PROMENADES » (95 pages).
« Sous le nom de “ promenades mathématiques”, ANIMATH développe la mise à la disposition des enseignants du second degré de chercheurs susceptibles de venir présenter dans les classes ce que sont les mathématiques vivantes d’aujourd’hui ; on trouvera ici quatre exemples » [passés au peigne fin d’une discussion].
II.1. « TOURS DE MAIN ET MÉTHODES . Un cheminement historique sur la valeur épistémologique de la concision en mathématiques » (40 pages), par Jean DHOMBRES.
« Le “ tour de main ” que je considère [peut] devenir quasi instantanément un tour de pensée, sans pour autant qu’il soit lui-même relégué en tant qu’étape dépassée ».
Jean Dhombres en traite à propos du théorème fondamental de l’algèbre (... et d’Argand), du tout début du calcul différentiel, ... : « objets tournés et retournés en tous sens », « rôle des outils », ... : « Pourra-t-on convenir que la différence entre
outils et objets mathématiques se fasse par la dénomination d’un “ tour de mains ” ? »
II.2. « ARCS-EN-CIEL, … » (20 pages), de Michèle AUDIN.
Beau voyage, abordable, de la néphroïde de nos bols aux courbes elliptiques, à leur
groupe, et au Théorème de Fermat … en passant par les toupies.
II.3. « LE LEMME DE BAIRE » (16 pages), par Gilles GODEFROY. De belles mathématiques enchâssées dans une trame historique.
II.4. « POURQUOI LE LIVRE X D’EUCLIDE OU THÉÉTÈTE, LE GALOIS GREC » (10 pages), par Dominique ROUX : De belles études d’antyphérèse et d’heureuses mises au point.
III. « Conférences MATHS VIVANTES et ÉDUCATION SECONDAIRE » (61 pages).
III.1. « LES MATHÉMATIQUES : DÉMONSTRATION, DESCRIPTION, EXPÉRIENCE » (22 pages), par Martin ANDLER, où je relève, notamment :
– « Que sont les mathématiques ? » : rigueur et démonstration, statuts de textes « imparfaits », modes d’expression plus divers, …, trois niveaux d’abstraction, les maths comme science d’observation ou comme science expérimentale … pour des « rapports d’intimité » avec les notions, …
– « La pratique des mathématiques » : examens, … rôles essentiels des aspects « concrets », de l’utilisation des outils construits, … Remarquant que, face aux difficultés, on ne peut espérer aucun allongement des horaires ou des études, Martin Andler préconise d’enseigner autrement… Il cite André Weil : « Dans la mesure où
un certain degré d’abstraction est inutile, il est automatiquement mauvais. […] Ce qui compte, ce n’est pas de tout démontrer … […] mais que les élèves aient rencontré, au moins une fois, un raisonnement qui les ait convaincus de la vérité de tel résultat alors même que celle-ci ne leur était pas intuitive »… Avec V. Arnold,
Martin Andler compare les « théorèmes à la russe », limités à la « généralité minimale » […] et les « théorèmes à la française » qui visent la « généralité maximale » […]. Il refuse l’identification entre démonstration et démarche déductive, et fait l’éloge de la « monstration »… Osons : « les mathématiques sont diverses dans leur objet et leurs approches »… [Quel bon souffle de liberté !].
III.2. « LA PLACE DES MATHS VIVANTES DANS L’ÉDUCATION SECONDAIRE. Transposition didactique des maths et nouvelle épistémologie scolaire » (25 pages), par Yves CHEVALLARD.
Entre méprise et mépris, … quelles missions pour l’École ? Matière comme les autres, les maths ne relèveraient-elles pas des trois âges successifs prêtés par Chateaubriand à l’aristocratie : ceux des supériorités, des privilèges, des vanités, …
pour s’y éteindre dans le dernier ?
De bonnes étrillées, argumentées, nous préparent « à une action d’envergure immédiatement possible, utile, nécessaire », avec « la notion, antique, de “ vie bonne ” pour réinscrire l’École dans la société »… Des questions « essentielles » provoquent des « réponses poinçons » et des « réponses cœur »… Avec des
« P.E.R. » (« parcours d’étude et de recherche »), Yves Chevallard en « appelle à une nouvelle didactique scolaire » (avec, entre autres, l’exemple de comparaisons entre 420/595 et 12/17).
III.3. « SIMULATION STATISTIQUE ET ENSEIGNEMENT ». 10 pages au terme desquelles Jean-Pierre RAOULT « espère avoir convaincu les collègues de la nécessité de l’enseignement de la Statistique, les avoir apaisés quant à sa difficulté et les avoir stimulés quant à sa possibilité ». Triple pari, je crois, réussi !
IV. « ACTIVITÉS DE POPULARISATION DES MATHS SOUTENUES PAR DES TICE » (32 pages).
IV.1. L’expérience Math en Jeans (23 pages), par Laurent BEDDOU et Christian MAUDUIT… 16 activités pour « apprendre en cherchant » : pliages de papiers et fractales, multiplication de Steinhaus, sofa de Conway, …
IV.2. Le site de « Culture MATH » (6 pages) de Farouk BOUCEKKINE, et les vidéos
de « Mathematics » (1 page) proposées par Éliane COUSQUER.
V. Pour maintenir encore l’appétit :
– Une Table Ronde (6 pages) sur la « tension entre démarche scientifique et
programmes ».
– 7 pages d’évaluation de cette Université d’été.
– Des réflexions ultérieures sur l’utilité du « par cœur » d’algorithmes opératoires, sur l’idée, et le raisonnement, les objets mathématiques, … François LO JACOMO y plaide pour la « valorisation des idées » [et pas des contraintes rédactionnelles], notant que « la pratique actuelle de l’enseignement s’intéresse plus aux “ erreurs
formelles, aux défauts de mise en forme ” qu’à “ l’absence d’idée ”… Or, sans idée,
… »… [À l’opposé, cf. problèmes ouverts, situations-recherche, débat scientifique,
narrations de recherche, …].
MA CONCLUSION :
Une brochure aux paysages multiples qui toujours provoque, secoue, mais aussi éclaire, propose, revigore… Un bel outil pour toujours mieux enseigner, surtout si – comme le croit Martin Andler – c’est notre seule espérance… : il faut s’y engouffrer ! Merci, Animath !