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La formation continue est sinistrée

Les professeurs de mathématiques boudent la formation continue. On sait depuis
longtemps que si certains s’y intéressent assez peu, d’autres en sont très friands. Ce
qui est nouveau, c’est la diminution des inscriptions aux stages proposés et
l’augmentation des défections parmi les inscrits. De plus en plus de stages sont
supprimés faute de candidats, sans qu’il y ait une augmentation sensible de l’offre de
stages. Et pourtant, les professeurs de mathématiques n’ont jamais éprouvé autant de
difficultés à exercer leur métier, à former leurs élèves. Quelles sont les raisons de
cette désaffection ?

L’âge serait-il en cause ? Effet du recrutement « en accordéon », les professeurs de
mathématiques sont nombreux à être proches de la retraite. Ils pourraient ne plus
avoir envie de s’impliquer dans des formations entraînant de difficiles remises en
question ou avoir des scrupules en estimant que ce n’est plus rentable pour la
collectivité. Ils sont peu nombreux dans ce cas et les « jeunes » ne manifestent guère
plus d’intérêt pour les formations qu’on leur propose. Le désir de mieux former ses
élèves, de faire évoluer ses propres pratiques pédagogiques, de s’adapter aux
nouveaux dispositifs, n’est pas une question d’âge.

L’intérêt des professeurs de mathématiques pour leur métier se serait-il émoussé ?
Nous savons tous que rien n’est jamais acquis dans cette difficile profession, c’est ce
qui fait sa richesse. Nous savons qu’il est indispensable de s’adapter en permanence
à l’évolution des contenus à enseigner, aux techniques nouvelles, aux comportements
nouveaux des élèves, …

Les raisons qui motivent l’intérêt et l’implication des
enseignants dans la formation continue sont aussi fortes aujourd’hui qu’hier. De
nombreux exemples le prouvent, en particulier la participation massive, pendant des
vacances, aux Journées nationales de l’APMEP.

Les professeurs de mathématiques sont-ils moins disponibles aujourd’hui qu’hier ?

Sans aucun doute, notre charge s’accroît. La maîtrise des technologies nouvelles
exige d’y consacrer beaucoup de temps auquel il faut ajouter l’indispensable réflexion
sur l’opportunité et la forme de leur utilisation en classe. Par conscience
professionnelle, peut être avons-nous tendance à vouloir compenser par un surcroît
de travail l’insuffisance de travail d’une grande partie de nos élèves et la diminution
de leurs compétences. Rendre disponible les enseignants les inciterait à participer
davantage et plus efficacement aux actions de formation continue.

L’actuel désintérêt relève-t-il du découragement ? C’est fréquent. Former
correctement nos élèves en mathématiques exige du temps. La plupart des
mathématiciens, même les plus prestigieux, en conviennent. Les horaires élèves qui
faisaient l’objet d’un consensus au collège et au lycée ont été réduits. Dans ce
contexte, le découragement des professeurs de mathématiques est-il surprenant ? Les
stages sont-ils toujours aussi rassurants, aussi incitatifs, aussi valorisants qu’il le
faudrait ? Un excès de zèle des intervenants les rend parfois culpabilisants. Par
exemple, est-il raisonnable, pour l’aide individualisée en seconde, soit 1/18e du
service, de préconiser un ensemble de dispositions qui nécessiterait plusieurs heures
de préparations hebdomadaires ? On obtient ainsi le contraire de ce qu’on cherche :
sortir d’un stage découragé n’incite, ni à en faire d’autres, ni a faire d’efforts. Nous
savons tous que notre tâche est très vaste, que notre travail n’est jamais achevé au sens
où l’on aurait pu mieux faire encore. Plutôt que prêcher pour un inaccessible
enseignement idéal, il est plus stimulant de rechercher collectivement ce qui est
faisable dans le contexte actuel.

L’organisation de la formation continue n’est pas étrangère à la désaffection. Les PAF
sont souvent devenus illisibles. La multiplicité des types d’actions proposées
nécessite d’être initié. Les supports de l’information se multiplient sans pour autant
en faciliter l’accès. Les périodes d’inscription ne sont pas toujours judicieusement
choisies. Les lieux et les responsables de formations se multiplient sans
nécessairement se diversifier, sans cohérence visible. Les responsabilités et
compétences des différents acteurs se compliquent au point de devenir
indéchiffrables. À qui s’adresser pour faire des remarques, des suggestions, pour
obtenir des informations : au Recteur, au Service Académique à la Formation
Continue, à l’IUFM, aux IPR , à l’IREM ?

Les stages proposés sont-ils en adéquation avec les besoins des enseignants ?

Trop
rarement ! C’est la principale raison de la désaffection constatée. Le temps accordé
conduit a des formations dont la durée est souvent trop courte pour être satisfaisante.
D’autres solutions existent et sont expérimentées à Toulouse. Les conditions
imposées sont trop souvent dissuasives ou sans cohérence. Il n’est pas rare qu’un
proviseur trouve normal de banaliser des heures de classes pour des raisons
« douteuses », mais rechigne à laisser partir un professeur en formation. Les priorités
nationales ou académiques sont fortement privilégiées, mais sont de moins en moins
en adéquation avec les besoins et les attentes des enseignants. Ces derniers ne sont
pas assez clairement identifiés, ni suffisamment pris en compte.

Décider seulement
au ministère ou dans les rectorats de la formation qu’il convient d’assurer revient à
mettre cette formation au service quasi exclusif d’une politique, pas forcément
partagée par la majorité des enseignants et non aux besoins réels constatés et
exprimés par les praticiens que nous sommes. Pourquoi m’inscrire à un stage si je
n’adhère pas à ses objectifs, si j’estime qu’il ne répond pas à mes attentes prioritaires ?

La formation continue doit être au service de la formation du plus grand nombre des
enseignants pour une meilleure formation des élèves.

Pour les mathématiques, l’APMEP demande depuis longtemps la mise en place de
commissions chargées d’identifier les besoins en formation, de suggérer et
sélectionner les propositions de stages adaptés aux besoins, où les diverses
composantes de la communauté mathématique seraient représentées, en particulier
les représentants des enseignants. La volonté d’écarter les corps intermédiaires,
comme l’APMEP, manifestée clairement lors des consultations sur les programmes
de lycée ou des stages inter-académiques conduit à la marginalisation d’une
formation continue dont les enseignants ne veulent pas.
Il est aujourd’hui quasiment impossible de proposer des stages nationaux, par
exemple des universités d’été, dans des domaines disciplinaires. Cette quasi-disparition
de fait traduit le mépris des responsables du système éducatif pour les
besoins exprimés par les enseignants et leur discipline, car seul compte aujourd’hui
l’interdisciplinarité sur laquelle tous les espoirs sont fondés…

L’on envisage de plus en plus de valider la formation continue par l’obtention de
diplômes universitaires. Prendre en compte les compétences acquises n’aurait rien de
scandaleux, mais il faudrait pas que cela incite à ne participer à la formation continue
que dans le but (dévoyé) d’obtenir un diplôme et non pas pour améliorer son
enseignement.

En mathématiques nous avons la chance d’avoir les IREM. C’est un « outil » que
beaucoup d’autres disciplines nous envient. Ils devraient jouer un rôle essentiel dans
le dispositif de formation car c’est l’un des rares lieux où peuvent travailler ensemble
des enseignants du secondaire et du supérieur tout en bénéficiant d’un réseau
national. Cette spécificité en fait sa richesse. L’Éducation nationale devra recruter
demain un grand nombre de professeurs de mathématiques. La pertinence et la
qualité de la formation continue seront alors essentielles pour permettre aux
enseignants de s’adapter aux exigences nouvelles du métier. Pour réussir, toutes les
compétences devront être mobilisées pour travailler ensemble dans un même but
ambitieux auprès duquel les autres problèmes ne devraient plus compter : donner la
meilleure formation possible au plus grand nombre d’élèves. L’APMEP et les IREM
devrait en être le lieu privilégié.

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