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La possibilité des nombres.
par Frédéric
Patras.
PUF, 2014.
350 pages 12,5 x 19. Prix : 24 €
ISBN : 978-2-13-063167-5
Qu’est-ce qu’un nombre ? L’auteur, mathématicien
et philosophe, apporte un regard
historique sur les multiples réponses qui ont
été apportées, au cours des siècles, à cette
question d’apparence anodine et naïve : déjà
les grecs voulaient « penser la nature des nombres ». Il discute leurs légitimités, leurs
contradictions, leurs cercles vicieux, leurs
insuffisances, non sans donner son propre
point de vue rigoureusement argumenté : il
écarte le formalisme hilbertien comme le platonisme
strict, et réhabilite la place de l’intuition
dans le processus mathématique. Il
rejoint ainsi parfois Stanislas Dehaene qui,
dans sa belle conférence d’ouverture des
journées nationales de l’APMEP (Toulouse
2014 ; cf. page 197 de ce Bulletin), a apporté
des indices d’existence de réseaux neuronaux
dédiés à l’activité numérique. Parmi les
nombreux auteurs cités et commentés, ressortent
particulièrement Frege et Husserl. Si
le sujet essentiel est le concept de nombre
naturel, l’auteur évoque aussi la construction
des autres ensembles de nombres : rationnels,
réels, complexes, sans jamais évoquer
toutefois les infiniment grands et infiniment
petits de l’analyse non-standard.
Entre une Introduction et un Épilogue, les
quatorze chapitres de l’ouvrage ont pour
titres :
I. L’influence durable du pythagorisme ; II.
L’un et le multiple ; III. Mathématiques et
réalité : IV. L’argument du troisième
homme ; V. Nombres et grandeurs ; VI. Les
nombres généralisés I ; VII. Les nombres
généralisés II ; VIII Cantor et la théorie des
ensembles ; IX. Le logicisme de Frege ; X.
La théorie des ensembles chez Frege ; XI.
Axiomes et formalismes ; XII. Cerveau et
processus cognitifs ; XIII. Phénoménologie
des nombres ; XIV. Phénomènes universels,
algèbre, catégories.
Une importante Bibliographie et un Index
complètent le tout.
Cet ouvrage est savant mais néanmoins
accessible à tous : les rares mots du vocabulaire
spécialisé sont définis en note, le style
est direct, les exemples simples et nombreux.
Les fréquentes et longues citations des textes
originaux sont soigneusement expliquées, les
différences et les points communs des
diverses théories sont bien mis en évidence :
cette lecture fait partie de celles, trop peu
nombreuses, dont on ressort intellectuellement
enrichi. Tout lecteur, philosophe ou
non, mathématicien ou non (ici, aucun calcul,
aucune démonstration compliquée),
mais intéressé par les questions de fondements
du savoir, devrait, au prix d’un peu
d’attention et de réflexion, en retirer d’abord
une connaissance historique et théorique de
nombreux systèmes de pensée, mais aussi et
surtout une clarification, et parfois une évolution,
de sa propre conviction sur ces problèmes.