Éditorial du BGV n°219

Mathématiques et outils numériques

Durant le confinement de mars 2020, c’est l’ensemble de la profession qui a dû adapter ses enseignements, être créatif et développer des compétences numériques afin de conserver le plus possible le lien avec ses élèves. En mathématiques, nous avons utilisé de nombreux outils numériques. Certains ont utilisé Geogebra classroom, Quizinière, Genially, Tquiz, des murs collaboratifs, Pearltrees, les outils de leurs ENT, les classes virtuelles, WIMS, … Plus d’un an après, nous utilisons encore certains de ces outils et d’autres non. Comme nous le disions déjà : « Cette épreuve nous a offert des éléments pour un travail de fond, saisissons-les. Analysons ce que nous avons fait, ce qu’il faut garder, ce qu’il ne faut pas, ce que nous faisions, ce qu’il vaut mieux ne plus faire, et posons les contours de ce que nous désirons que soit notre métier. Ce travail, nous pouvons le faire grâce à la force collective de l’APMEP. » Ce travail de fond sur l’enseignement des mathématiques a été engagé par le bureau, le comité et les régionales. Vous pouvez justement y participer et faire participer l’ensemble de vos collègues en complétant le questionnaire qui se trouve sur la page de notre site Les chantiers de l’APMEP : Réflexion sur l’enseignement des mathématiques au XXIème siècle.

Nous souhaitons ici plutôt, nous interroger sur l’usage du numérique dans l’enseignement des mathématiques. Quel impact ce changement de pratique a eu dans les apprentissages ? L’utilisation d’outils numériques favorise-t-il un meilleur accompagnement des élèves ? Favorise-t-il la mise en œuvre d’une différenciation pédagogique ? Est-il l’avenir de l’école ?

L’un des objectifs de l’enseignement des mathématiques est de développer conjointement et progressivement les capacités d’expérimentation et de raisonnement, d’imagination et d’analyse critique. À travers la résolution de problèmes, la modélisation de quelques situations et l’apprentissage progressif de la démonstration, les élèves peuvent prendre conscience petit à petit de ce qu’est une véritable activité mathématique, et acquérir la pratique d’une démarche scientifique. Par ses spécificités, l’outil numérique complète les moyens qui sont à disposition des enseignants et des élèves pour mettre en œuvre ces différents aspects de la démarche scientifique et la particularité de sa déclinaison en mathématiques. En particulier, le numérique est manipulable, dynamique et interactif et ce sont ces qualités qui sont à utiliser pour la création de ressources de qualité et permettre des apprentissages. Les logiciels de géométrie dynamique et le tableur permettent de visualiser rapidement et facilement un grand nombre de cas favorisant la compréhension de la notion de démonstration et, en offrant des représentations différentes, une meilleure compréhension d’objets mathématiques… L’usage du numérique fait donc partie intégrante de l’enseignement des mathématiques.

La question de l’apport du numérique dans les apprentissages est une question très importante au vu du développement des technologies et de la rapidité de l’accès à l’information par Internet dans notre société. Derrière ces évolutions techniques et pédagogiques se pose la question de leurs plus-values pour l’apprentissage des élèves.

Pour qu’une ressource soit utile en termes d’apprentissage pour les élèves, elle doit prendre en compte les concepts et les outils de la didactique. Pour être de qualité et utilisée le plus efficacement possible, il est souhaitable que les ressources soient créées avec un support méthodologique reconnu et accompagnées d’un scénario d’utilisation pédagogique en classe. Correctement utilisées, elles permettent des apprentissages effectifs et sont un bon complément au papier-crayon. Pour choisir des ressources de qualité et les articuler correctement en classe avec le reste il y a un besoin de formation des enseignants.

Pour apprendre, l’élève doit confronter ses pensées, ses réponses à la réalité : certaines ressources numériques prévoient une rétroaction, des aides, des feedbacks et l’élève peut apprendre dans ces environnements.

Les ressources numériques qui permettent à l’élève d’interagir sans que l’enseignant soit toujours présent, favorisent le travail en autonomie des élèves les plus performants, ils progressent à leur rythme et remédient à leurs erreurs et cela permet, ponctuellement, au professeur de mettre en place de la différentiation en classe en s’occupant des élèves les plus faibles.

Le numérique permet un entraînement facilité aux automatismes. Les neurosciences ont montré que par des activités quotidiennes rituelles, questions flash, travailler les automatismes permet de faire évoluer les connaissances et les compétences des élèves. On constate que, bien accompagné, l’élève peut vaincre sa peur et retrouver confiance en lui. La confiance en soi est une dimension incontournable dans les apprentissages.

Les ressources numériques sont souvent bien acceptées par les élèves qui se mettent rapidement au travail et montrent une bien meilleure motivation. Toutefois, si être motivé est important, cela ne suffit pas toujours pour apprendre, mais parfois c’est un bon point de départ pour la suite.

Cependant, l’une des remarques indéniables est que celui-ci accroît actuellement les inégalités. De nombreux élèves n’ont malheureusement pas d’équipements informatiques ou n’ont pas accès à internet. Des efforts sont faits dans les politiques éducatives mais un travail reste à mener afin de diminuer ces écarts. Encore trop d’établissements sont sous-équipés en matériel ou en logiciel. Au vu des programmes de mathématiques, l’accès régulier à une salle informatique est nécessaire mais également à des outils numériques tels qu’un vidéoprojecteur et un visualiseur.

Également, beaucoup de mythes sur l’impact de l’utilisation du numérique à l’école sont véhiculés. André Tricot dans son ouvrage « Apprendre avec le numérique » apporte justement un regard éclairant sur un certain nombre de commentaires à ce sujet. L’un d’entre eux est justement de croire que nos élèves savent utiliser efficacement le numérique car « c’est de leur génération ». André Tricot explique que les élèves savent uniquement utiliser le numérique efficacement pour leurs usages personnels. D’après la Genèse instrumentale, il apparaît que tout type d’outil mis à disposition des élèves dans une perspective d’enseignement ne peut être directement utilisable sans un processus d’appropriation. Il est donc impératif d’enseigner l’utilisation de ces outils numériques afin qu’ils deviennent de véritables instruments mathématiques. On peut remarquer que lorsqu’il n’y a pas de travail sur ces outils, les élèves ne les maîtrisent que très peu, et ne savent les utiliser que quand ils fournissent immédiatement la réponse demandée, qu’ils ne savent d’ailleurs pas contrôler.

Souvent nous pouvons entendre dans la salle des professeurs que les élèves ne savent plus calculer des opérations élémentaires sans avoir recours à la calculatrice. Il semble que les élèves n’aient pas acquis les automatismes nécessaires pour ne pas être dépendants d’outils numériques qu’ils utilisent comme une béquille de leur mémoire. Il leur manque un répertoire numérique et formel. Pourtant lorsque la béquille agit comme une prothèse, elle crée un handicap durable. Dans le rapport de la Commission de réflexion sur l’enseignement des mathématiques, il est pourtant préconisé que : « l’enseignant doit garantir d’une part des compétences de calcul simple, oral ou écrit et viser d’autre part une maîtrise intelligente du calcul assisté par des calculatrices et logiciels. » Plus largement, cela signifie que malgré les progrès technologiques, l’élève ne peut s’abstenir d’apprendre les fondamentaux mathématiques afin d’être libre intellectuellement de la nécessité d’avoir recours à un outil numérique.

Ce sont des mutations professionnelles profondes qui sont induites par le numérique et qui semblent s’accélérer avec la crise sanitaire, celles-ci demandent beaucoup d’adaptabilité et d’autoformation aux enseignants. Il y a à la fois une rapidité de communication qui permet un travail collaboratif à distance effectif et une surcharge de travail, très chronophage induite par la création et l’utilisation en classe de ces ressources et ces communications démultipliées. Et la question du nombre d’heures de mathématiques pour les élèves se pose car intégrer correctement ces pratiques en classe nécessite du temps d’enseignement.

Les outils ne sont que des outils. Quand on leur assigne cette place alors les outils numériques ont un potentiel formidable, que nous sommes en train de découvrir et c’est ensemble à l’issue de « La Réflexion sur l’enseignement des mathématiques au XXIème siècle » que nous pourrons en détailler les possibilités et les limites, ce que nous souhaitons ou pas pour notre métier à l’avenir avec comme question centrale : y a-t-il une plus-value pour les élèves ?

Le Bureau National

 

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