Bulletin Vert no 419
novembre — décembre 1998

Editorial du Bulletin 419 À bas la moyenne et les résultats. Rendre actifs d’autres visages du travail scolaire.

François DUSSON

Que les façons de contrôler et d’évaluer en mathématiques puissent évoluer et s’améliorer, je le pense possible et sûrement nécessaire dans de nombreux cas, et des membres de l’APMEP à l’intérieur de différents groupes s’y emploient depuis longtemps et encore aujourd’hui.

Mon propos ici est différent et veut relever un des maux de notre système scolaire : la proéminence de l’évaluation dans l’image du travail scolaire donnée aux jeunes. Pour faire caricature, je prendrai ce conseil donné à des élèves (donné par un parent, une personne de la direction, un professeur ; tous participent à l’occasion) : « Travaillez pour passer de 9 de moyenne à 10 » ou encore « Travaillez pour avoir de bons résultats » ou encore « Travaillez pour avoir les notes suffisantes à vos examens ou à vos dossiers ».

Les notes règnent sur l’imagerie scolaire, et particulièrement la chasse à la moyenne. Et c’est pour lutter contre cela que je dis : À bas la moyenne ! Les notes sont des indicateurs et les placer au rang d’objectifs est un détournement de leur fonction. Malheureusement d’ailleurs ce renversement n’est pas que scolaire. Que penser par exemple de cette information entendue sur une radio : « les chômeurs de ce pays sont contents, le taux de chômage vient de baisser d’un point ».

Quatre autres visages du travail scolaire pourraient être mis à jour. (Je ne dis pas qu’ils sont absents du système, mais qu’ils ne sont pas assez relevés, mis en relief, développés).

Apprendre ensemble.

La classe est une petite cellule sociale. Les heures de mathématiques ne sont pas des heures d’enregistrement d’un discours savant, ni des heures de mises à l’épreuve de compétences individuelles. Mais ce sont des heures de questionnement, d’approches multiples d’objets, d’élaboration de classifications et d’argumentations, de débats scientifiques. Donc des heures où le fait d’être plusieurs a du sens, pour que chacun comprenne, mémorise, puisse découvrir et enrichir son propre fonctionnement intellectuel, au contact des autres, avec la médiation du professeur.

Apprendre ensemble, cela peut être aussi appartenir à un réseau d’apprenants.

Aujourd’hui des communications faciles peuvent exister entre établissements, même entre pays différents. Des connaissances peuvent être échangées. Par exemple un groupe de jeunes peut développer un sujet ici, l’envoyer là-bas, en recevoir des échos. L’échange crée l’originalité des points de vue et s’oppose à l’uniformité.

Lecture, relecture.

La capacité de lire est une capacité libératrice. Elle permet d’échapper à l’obligatoire. L’éducation à la lecture est une nécessité dans la formation du citoyen. Prendre comme un des objectifs du travail scolaire la lecture scientifique, c’est éviter l’enfermement du scolaire sur lui-même. Dans cette perspective, le développement de visites d’expositions, de travaux d’exposés (comme les TIPE en classes préparatoires) est important.

La relecture s’oppose vraiment à l’image véhiculée par les résultats. Pour apprendre, il est important de sans cesse revenir sur ce qui a été fait, de s’en faire le récit, des images, de le retravailler. Ainsi rien n’est jamais tout à fait fini. Tout est à reprendre.

Qualité, efforts, plaisir, temps.

L’objectif quantitatif de la note porte en lui la marque de l’objectivité, ce qui est illusoire. Et cela masque le rapport subjectif que ceux qui apprennent ont à entretenir avec les études, dans une recherche de qualité. Celle-ci exige des efforts, il est bon d’en être conscient, mais est source du plaisir d’apprendre. Elle nécessite du temps.
Et l’APMEP n’insistera jamais assez sur l’importance de la variable temps dans tout apprentissage, avec les répercussions indispensables sur la construction du temps scolaire.

Cohérence interdisciplinaire et attitudes scientifiques.

Les notes peuvent renforcer l’image incorrecte de la juxtaposition des disciplines scolaires au lieu de montrer leur solidarité, en les assimilant à des comportements évaluables alors qu’un des enjeux de la scolarité, c’est de développer des attitudes scientifiques qui se manifestent aussi à toute autre occasion que la résolution d’exercices standardisés. La complémentarité des approches disciplinaires est un gage de cohérence intellectuelle de l’apprentissage.

Pour terminer, une question pourrait être de savoir comment évaluer la présence de ces visages, mais le mot évaluation ne convient pas. Mieux vaudrait parler de vérification. Celle-ci pourrait trouver place dans les différents conseils associant les acteurs dans un établissement (y compris les heures dites de vie de classe). Cela donnerait à ces conseils une vraie consistance quant aux projets éducatifs et en ferait des lieux constructifs.

Alors, vrai, on lâche la moyenne ? Chiche !

 

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