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Eloge des patrons


par Philippe Langlois

Il ne s’agit pas ici de faire la publicité du MEDEF, mais de montrer l’usage que
l’on peut faire d’un outil de géométrie dans l’espace.

Le mot « patron » figure dans les programmes du cours moyen et des trois
premières années de collège, puis disparaît dans les oubliettes. Sans doute a-t-on
considéré qu’une activité accessible dès les grandes classes de l’école primaire doit,
de ce fait même, être abandonnée lorsque l’esprit de l’élève atteint une maturité
suffisante. Il me semble pourtant à la fois outrecuidant et naïf de croire que, parce
qu’un outil est élémentaire, il ne doit plus servir passé un certain âge [1].

Je voudrais montrer ici que, de la sixième à la terminale incluse (et sans aller
chercher des polyèdres compliqués), les patrons peuvent fournir d’attrayants thèmes
d’exercices, ainsi qu’un outil de découverte et à l’occasion de démonstration.

Les parties 1 et 2 peuvent être abordées au collège (voire au cours moyen), les
parties 3 et 4 sont du niveau lycée.

1. Parallélépipède rectangle

  • 1.1. Les onze patrons du cube

Quand on veut dessiner un patron du cube, on pense aussitôt aux classiques
dessins en forme de T ou de croix latine (premier et second patron de la figure 1).

En
faire trouver d’autres est un bon exercice avec de jeunes élèves. Faire découvrir
l’intégralité des neuf autres et surtout démontrer que ces onze patrons sont bien les
seuls demande un effort de méthode et d’imagination.
N.B. : On ne considère pas ici comme distincts deux patrons dont l’un se déduit
de l’autre en retournant sens dessus
dessous la feuille de papier.
Cela dit, un travail intéressant est
de refaire le dénombrement en
supprimant cette clause. Plus précisément
 : si on dispose de feuilles
de papier ayant une face verte et
une face blanche, combien de
patrons verts distincts ?
♦ Supposons qu’une face du cube soit horizontale : il a un dessus, un dessous et
quatre faces latérales. Développons en ligne ces dernières ; il nous reste, pour
compléter le patron, à mettre d’un côté la face supérieure, de l’autre la face
inférieure. Nous obtenons ainsi six patrons distincts (figure 1).
♦ Pour lister les patrons n’ayant pas quatre faces alignées, nous utiliserons la
remarque suivante.
Remarque (R)  : Les faces du cube vont deux par deux, par paires de faces
opposées, que nous noterons F (faces vues de front), P (faces vues de profil) et C
(faces vues couchées).

Dans un patron du cube, deux faces de même type ne peuvent
se toucher ni par un côté, ni par un
sommet. Il en résulte que, si un patron du
cube contient trois faces disposées « en
L » (figure 2, à gauche), ces trois faces
sont de types différents, et qu’un patron ne
peut contenir quatre faces disposées en
carré (figure 2, à droite).
 

♦ Observons en outre que, si un patron contient trois faces
« alignées », numérotées 1, 2, 3 dans l’ordre, les faces 1 et 3
sont forcément de même type.

Il en résulte qu’une configuration
comme celle de la figure 3 est impossible, car elle donnerait
trois faces de même type.
 

♦ Cherchons maintenant
les patrons contenant un
alignement de trois faces, mais
pas d’alignement de quatre
faces.

On peut toujours
supposer que l’on part d’une
ligne du type P, F, P. Si aucune
des autres faces n’a dans le
patron un côté commun avec
l’une des deux faces « P », on
retombe sur un alignement
vertical de quatre faces, ce que
nous avons exclu. Il existe donc
dans le patron une quatrième
face longeant l’une des deux
faces « P » précédentes ; d’après la remarque (R), elle est forcément du type C. On
complète par deux faces (en grisé), en utilisant systématiquement la remarque (R),
pour obtenir les quatre patrons de la figure 4a.
 

♦ Reste à chercher les patrons ne contenant aucun
alignement de plus de deux faces.

L’application répétée
de la remarque (R) mène au seul patron de la figure 4b.

 

 

 

  • 1.2. Les cinquante-quatre patrons du parallélépipède rectangle
    Soit un parallélépipède rectangle dont les dimensions sont : longueur a, largeur
    b, hauteur c. Si les trois valeurs sont deux à deux distinctes, à chaque patron du cube
    correspondent six patrons du parallélépipède, correspondant aux six permutations de
    a, b, c
    La figure 5 donne à titre d’exemple, pour un même parallélépipède, les six croix
    latines possibles.
    Pourquoi cinquante-quatre ?

    Lorsque le patron du cube présente une
    symétrie centrale (patrons de droite de la
    figure 1, patron en haut et à gauche de la
    figure 4a, patron de la figure 4b), les six
    patrons de parallélépipède qui s’en déduisent
    sont deux à deux superposables. On a donc
    seulement (6 x11 - 4 x 3) patrons distincts,
    soit 54.
    Exercice (niveau sixième)
    Reconnaître sur un lot d’assemblages de six rectangles ceux qui sont le patron
    d’un parallélépipède rectangle.

  • 1.3. Plus courts trajets
    La recherche du plus court trajet entre deux points le long des parois d’un
    parallélépipède rectangle est un classique. Voici deux exercices sur ce thème.
    Problème 1
    Dans une grande pièce rectangulaire, une araignée est en haut d’un mur, à une
    distance h du plafond, à une distance x du mur contigu le plus proche. Elle veut aller
    sur le mur voisin en un point situé à la même distance x de l’angle des deux murs et
    à la même hauteur. Doit-elle longer les murs ou passer par le plafond
     ?

    En longeant les murs, le plus court
    trajet est évidemment de rester à hauteur
    constante ; sa longueur est 2x. En passant
    par le plafond, la figure 6b, qui représente
    un morceau du patron, montre
    immédiatement que le plus court trajet est
    de longueur $(h+x)\sqrt{2}$.
    L’araignée aura donc intérêt à passer par le plafond lorsque , ce
    qui revient à
    $x>h(1+\frac{1}{\sqrt{2}} )$
    Problème 2
    On donne un parallélépipède rectangle ABCDEFGH, de côtés AB = p, AD = q,
    AE = r. Trouver le plus court chemin joignant les deux sommets A et G en longeant
    deux parois contiguës
    .
    Choisissons comme parois à parcourir ABCD et DCGH. Sur le patron de la figure
    7b, il apparaît que le plus court chemin de A à G est celui qui a pour image le segment
    [ag]. Sa longueur est $\sqrt{p^{2}+(q+r)^{2}}$ .

    De même, si l’on choisit
    les faces ABCD et BCGF,
    on voit sur ce même patron
    que le plus court chemin de
    A à G est celui qui a pour
    image [ag’] ; sa longueur est $\sqrt{q^{2}+(p+r)^{2}}$
    Compte tenu de la symétrie des données, la longueur du plus court chemin
    cherché est le plus petit des trois nombres $\sqrt{p^{2}+(q+r)^{2}}$,$\sqrt{q^{2}+(p+r)^{2}}$ ,$\sqrt{r^{2}+(p+q)^{2}}$.
    Si l’on suppose p > q > r, on voit aussitôt, en développant les
    quantités sous les trois radicaux, que les solutions sont la ligne brisée AMG (figure
    7a), de longueur $\sqrt {p{2}+ (q+r)^{2}}$, dont l’image sur le patron est le segment [ag], et sa
    symétrique par rapport au centre du parallélépipède.
    N.B. 1 : Cet exercice peut faire l’objet d’une manipulation (patrons découpés,
    punaises, ficelle) dès le cours moyen.
    N.B. 2 : Si la question posée est « trouver le plus court chemin joignant les deux
    sommets A et G en longeant les parois du parallélépipède », le problème se
    complique, puisqu’il faut examiner les trajets empruntant plus de deux parois. Il est
    intuitif que le résultat est le même, mais la justification est assez laborieuse.

2. Pentaèdres

La recherche de polyèdres à cinq faces peut être menée avec une classe de
collège, voire à l’école élémentaire ; elle peut aussi donner quelque mal à des
lycéens.

  • 2.1. Un jeu facile
    On donne cinq carrés et cinq triangles équilatéraux, tous de même longueur de
    côté. En prendre cinq pour former avec eux un polyèdre à cinq faces.

    Les élèves voient assez vite qu’il manque un carré pour former un cube … et que, si on prend uniquement des triangles, ou il en manque un ou il y en a un qu’on ne
    sait pas caser. Il faut donc prendre au moins un carré et un triangle. On fait alors un
    patron : à partir d’un carré, on met contre chacun de ses côtés soit un triangle, soit un
    carré et on regarde si, par pliage, on peur refermer la figure en un polyèdre. On arrive
    sans trop de mal aux deux solutions : prisme triangulaire, pyramide à base carrée.
    N.B. : On peut ensuite corser le jeu : en prenant tout ou partie des mêmes dix
    pièces, fabriquer d’autres polyèdres. On trouve, outre le tétraèdre régulier, le solide
    obtenu en posant sur un cube une pyramide à base carrée et celui obtenu en coiffant
    un prisme triangulaire par un tétraèdre régulier.
  • 2.2. Une recherche méthodique
    Avec des élèves plus âgés, on peut étudier un problème plus général : chercher
    tous les types de polyèdres à cinq faces.
    La première chose à observer est qu’aucune face n’a plus de quatre côtés.
    Supposons qu’il existe une face n-gonale (n > 4) et faisons un patron « en étoile » à
    partir de cette face : chacun de ses côtés doit être bordé par une autre face, ce qui
    donnerait au polyèdre plus de cinq faces. Il faut donc se limiter à des triangles et des
    quadrilatères.
    Comptons le nombre a d’arêtes en fonction du nombre t de triangles et du nombre
    q de quadrilatères : le nombre total de côtés des triangles est 3t, le nombre total de
    côtés des quadrilatères est 4q. Si on les additionne, on aura compté deux fois chaque
    arête, puisque chacune appartient à exactement deux faces. Donc 2a = 3t + 4q, ce qui
    prouve que le nombre de triangles est forcément pair : 0, 2 ou 4. Une face au moins
    est donc un quadrilatère. Faisons un patron en étoile à partir d’une telle face Q.
    • Supposons

    d’abord que parmi les polygones
    bordant Q, il y ait deux triangles (faces numérotées 1 et
    2, les faces 3 et 4 étant de nature inconnue) longeant
    deux côtés adjacents. Avec les notations de la figure 8a,
    on observe, que si l’on plie selon les côtés de Q, les
    points E et F doivent venir en coïncidence. Mais de
    même F et H d’une part, E et G d’autre part, doivent
    venir se superposer. Au total, E, F, G, H aboutissent au
    même point S de l’espace : le solide est une pyramide
    et les faces 3 et 4 sont des triangles.
    • Supposons maintenant que les polygones bordant Q

    soient successivement un triangle, un quadrilatère, un
    triangle, un quadrilatère (figure 8b). On voit que par
    pliage les points E, F, G vont être amenés à coïncider, de
    même que les points H, I, J. On obtient alors un solide
    ressemblant à un prisme triangulaire.
    • Nous avons ainsi épuisé toutes les
    configurations où parmi les polygones bordant Q il y
    a au moins deux triangles. Le seul cas restant à
    étudier est celui où toutes les faces sont des
    quadrilatères.

    On constate immédiatement (figure
    8c) que la seule chose que l’on puisse obtenir par
    pliage est une boîte sans couvercle…

Finalement, il n’existe que deux types de
pentaèdres : les pyramides à base quadrangulaire et
les polyèdres construits sur le modèle du prisme
triangulaire : un dessus et un dessous triangulaires,
trois faces latérales quadrangulaires.

N.B. : On peut être tenté de faire un travail analogue pour les polyèdres à six faces
(hexaèdres). Mais la situation se complique notablement : au lieu de deux types, on
en trouve sept (pour la liste complète, voir [2]). Ce qui peut être fait avec une classe,
c’est une recherche non exhaustive d’exemples.

3. Tétraèdre

Reconnaître a priori (autrement qu’en découpant et pliant) si un assemblage
donné de polygones d’un plan constitue ou non le patron d’un polyèdre est un
problème plus délicat qu’on ne pourrait croire. Nous allons le traiter dans le cas le
plus simple, celui du tétraèdre. Un préliminaire nous est indispensable, l’étude du
patron d’un trièdre.

  • 3.1. Patron d’un trièdre
    Jusque dans les années soixante, tout bachelier « math élem » était censé
    connaître le résultat suivant :
    Théorème
    Étant donné trois angles $\alpha$, $\beta$, $\gamma$ compris strictement entre 0 et $\pi$, il existe un
    trièdre Oxyz (non aplati) tel que $\widehat{xOy} = \gamma$ ,$\widehat{yOz} = \alpha$, $\widehat{zOx} = \beta$ si et seulement on a les
    inégalités :
    $\alpha< \beta+\gamma$ ; $\beta< \gamma+\alpha$ ; $\gamma< \alpha+\beta$ ;$\alpha+\beta+\gamma<2\pi$

La nécessité de ces inégalités peut être mise en évidence par pliage (très aisément
pour les trois premières, un peu moins pour la dernière). Que ces conditions soient
également suffisantes est moins intuitif.

Nous allons établir le théorème en bâtissant un patron.
Soit donc a, b, g compris strictement entre 0 et $\pi$. On trace dans un plan un angle
de mesure $\alpha$. On reporte de part et d’autre vers l’extérieur de mesure $\gamma$ et
de mesure $\beta$. On veut qu’en repliant la feuille selon Oy et Oz, on puisse amener Ou et Ov en coïncidence.

Soit sur Ou le point M tel que OM = 1
et sur Ov le point P tel que OP = 1. Dans
le pliage selon Oy, M décrit un demi cercle
d’axe Oy ; dans le pliage selon Oz,
P décrit un demi-cercle d’axe Oz. Le
problème est de savoir si ces deux demi cercles
se coupent.

Comme ils sont situés sur la sphère S
de centre O et de rayon 1, ils se coupent si
et seulement si leurs projections sur le
plan yOz se coupent. Ces projections sont
les segments [MM’] et [PP’] de la figure 9.

On peut donc construire le trièdre souhaité si et seulement les points M, P’, M’, P
se succèdent dans cet ordre sur le cercle C intersection de S et du plan.

Or leurs angles polaires, comptés à partir de Ou, sont 0, $\gamma+\alpha-\beta$ , $2 \gamma$, $\gamma+\alpha+\beta$.

Nous avons donc la condition nécessaire et suffisante
$0<\gamma+\alpha-\beta<2 \gamma<\gamma+\alpha+\beta<2\pi$

ce qui équivaut à

$\alpha<\beta+\gamma$ ; $\beta<\gamma+\alpha$ ; $ \gamma<\alpha+\beta$ ; $\apha +\beta+\gamma<2\pi$

  • 3.2. Patron d’un tétraèdre

Les deux types de patron

Étant donné un tétraèdre ABCD, on dispose de deux méthodes pour en tracer un
patron : mettre les quatre faces « en ligne » (figure 10a) ou « en triangle » (figure
10b).

Dans le premier cas, on « déroule » les faces en partant de la face ABC : d’abord
la face ACD, le point D venant en D’, puis la face DBC, déroulée en D’B’C, enfin la
face DBA, déroulée en D’B’A’. Dans le second cas, on « ouvre » le tétraèdre avec
comme charnières les côtés du triangle ABC, le point D venant en D’, D’’ et D"’.

Ce second modèle parle davantage à l’intuition ; c’est sur lui que nous allons
travailler.

Reconnaître le patron d’un tétraèdre

Étant donné dans un plan un triangle ABC, on place
dans ce plan trois points D’, D"et D’" de sorte que D’
soit par rapport à la droite BC du côté opposé à A, D"
soit par rapport à la droite CA du côté opposé à B, D"’
soit par rapport à la droite AB du côté opposé à C.

A-t-on pour autant obtenu le patron d’un tétraèdre ?

Dans le cas de la figure 11a,

la réponse est
évidemment non : si on essaie de faire coïncider par
pliage le long de CA et CB les points D’ et D" on
échouera, car les longueurs CD’ et CD" ne sont pas
égales.

Une condition nécessaire pour que la figure soit un patron est évidemment que
l’on ait les trois égalités CD’= CD", BD’ = BD"’, AD" = AD"’Mais elle n’est pas
suffisante : sur la figure 11b, il n’est pas possible d’amener les points D’ et D" en
coïncidence par pliage le long de CA et CB, car l’angle $\theta$ est supérieur à la somme
des angles $\phi$ et $\psi$.

Supposons maintenant que soient réalisées, avec les notations de la figure 11b, les
conditions nécessaires suivantes :
CD’ = CD", BD’ = BD"’, AD" = AD"’

$\theta<\phi+\psi$, $\phi<\theta+\psi$, $\psi<\phi+\theta$, $\theta+\phi+\psi<2\pi$.

Les inégalités angulaires

assurent qu’avec les trois
angles $\phi,\theta,\phi$ on peut bâtir un trièdre : par pliage le
long de CA et CB, on peut donc amener en
coïncidence les demi-droites CD’ et CD". Et comme
CD’= CD", les deux points D’ et D" viennent
occuper la même position D. Les égalités BD’ =
BD"’ AD"= AD"’ permettent alors d’affirmer que
les deux triangles ABD et ABD"’ sont isométriques,
donc que l’on a bien un patron du tétraèdre ABCD.

  • 3.3. Tétraèdre équifacial

Un tétraèdre est dit équifacial si ses quatre faces sont isométriques.

Propriété caractéristique

Un tétraèdre est équifacial si et seulement si les arêtes opposées ont même
longueur.

Soit ABCD un tétraèdre. Si AB = CD, AC = BD, AD = BC, on vérifie sans peine que les quatre faces sont isométriques. Inversement, supposons que les quatre faces
soient isométriques et que l’on ait par exemple $AD\neq BC$.

L’isométrie des triangles
ABC et ABD entraîne alors AD = AC ; celle de ABC et ACD entraîne AD = AB. Les
distances de D aux trois autres sommets sont donc égales. Le raisonnement fait pour
D vaut pour chacun des autres sommets. Toutes les arêtes sont donc de même
longueur, d’où contradiction.

Patron d’un tétraèdre équifacial

Soit un tétraèdre équifacial ABCD et faisons à partir de la face ABC un patron en
triangle, le point D se rabattant en D’, D" et D"’ (D’ opposé à A, D" à B, D"’ à C).

Des égalités DC = AB et DA = CB, on tire que ABCD" est un parallélogramme ; de
même CABD’ et BCAD"’ sont des parallélogrammes.

Il en résulte que

(figure 12) le triangle
ABC est le « triangle des milieux » du triangle
D’D"D"’.

Notons que la projection orthogonale d du
sommet D en question sur le plan est
l’orthocentre du triangle D’D"D"’, puisque,
lors du pliage selon BC, par exemple, le point
D’ décrit un arc de cercle d’axe BC, se
projetant selon un segment orthogonal à BC.

Réciproque
Prenons dans un plan un triangle ABC ; existe-t-il un tétraèdre équifacial dont
ABC soit une des faces ?

D’après ce qui précède, le seul patron possible s’obtient en menant de chaque
sommet la parallèle au côté opposé. Cela donne un triangle D’D"D"’ tel que A soit
le milieu de D"D"’, B le milieu de D’D"’, C le milieu de D’D". Reste à voir si c’est
bien un patron de tétraèdre, c’est-à-dire si les conditions nécessaires et suffisantes
établies en 2.2. sont bien réalisées. Les conditions sur les longueurs le sont. Restent
les conditions sur les angles. On voit aussitôt qu’il est nécessaire et suffisant que le
triangle ait ses trois angles aigus.

D’où le théorème :
Les faces d’un tétraèdre équifacial ont tous leurs angles aigus.

4. Octaèdre régulier

L’octaèdre régulier est lui aussi une bonne source d’exercices soit de géométrie
pure, soit de géométrie analytique (ne serait-ce qu’à cause de l’extrême simplicité de
son équation dans un repère bien choisi : |x|+|y|+|z|$\leq$ a).
Il est aisé d’en fabriquer des patrons. En dresser une liste exhaustive l’est un peu moins. Nous laissons ce travail à la sagacité du lecteur. Mais, à partir d’un patron,
nous allons démontrer une propriété assez peu connue.

  • 4.1. Le « tour de taille » de l’octaèdre

Posons un octaèdre régulier $\Omega$ sur une de ses faces ABC, considérée comme
horizontale. Les trois autres sommets sont les symétriques A’, B’, C’ de A, B, C par
rapport au centre O de $\Omega$ formant une seconde face horizontale. Les autres faces sont
ABC’, AB’C, A’BC, AB’C’, A’BC’, A’B’C que nous appellerons faces latérales.

Soit maintenant un plan horizontal $\Pi$ ;
il coupe les faces latérales selon des
segments horizontaux : KL sur la face
ABC’, LM sur la face A’BC’ et ainsi de
suite, avec les notations de la figure 13a.
On obtient ainsi un hexagone KLMNPQ.
Faisons un patron de $\Omega$ développant « 
en ligne » les faces latérales (figure 13b).
Sur ce patron, l’hexagone KLMNPQ se
développe sur une droite parallèle aux
droites portant le développement des deux
« bases » ABC et A’B’C’.

On lit sur la figure 13b

le résultat suivant : le
périmètre de l’hexagone est indépendant du choix
de $\Pi$
et vaut 3a, où a désigne la longueur de
l’arête de $\Omega$ .

On peut noter de plus que les côtés opposés
sont parallèles (ainsi KL est parallèle à AB, lui-même
parallèle à A’B’, lui-même parallèle à NP,
donc KL et NP sont parallèles). On lit en outre sur
le patron que, si l’on numérote dans l’ordre les
côtés de l’hexagone, les côtés 1, 3, 5 ont même longueur et les côtés 2, 4, 6 ont même
longueur.

  • 4.2. Généralisation

Sur le modèle de ce que l’on vient de faire pour l’octaèdre, on peut bâtir des
patrons de polyèdres « semi-réguliers » à tour de taille constant.

On aligne en une bande horizontale 2n triangles équilatéraux [2], on colle pardessus
un n-gone régulier et un autre par-dessous, conformément au schéma de la
figure 14 (fait pour n = 6). On obtient le patron d’un polyèdre aux belles propriétés
de symétrie, qu’on appelle un antiprisme.

La figure 15 représente la projection de ce polyèdre sur le plan d’une de ses bases.

N.B. : La même méthode permet d’établir que les sections d’un tétraèdre
équifacial par un plan variable parallèle à un couple donné d’arêtes opposées sont des
parallélogrammes de même périmètre.

Conclusion

Je voudrais avoir convaincu le lecteur qu’il y a plus dans les activités sur les
patrons qu’un jeu d’enfant et qu’elles peuvent être l’occasion d’une véritable
réflexion mathématique. Mais je crains que certains ne soient choqués par le recours
systématique aux pliages et n’y voient le triomphe de l’à-peu-près, l’abdication du
raisonnement devant l’intuition sensible.

Qu’ils veuillent bien se dire que tout ce qui a été fait ici peut être rendu
formellement correct en y ajoutant quelques couches de peinture, notamment en
remplaçant « pliage » par « rotation autour d’un axe ». Il n’y a au fond (tout au moins
je l’espère) dans ces pages, pour reprendre une formule de Nicolas Bourbaki, que
« les abus de langage sans lesquels tout texte mathématique deviendrait pédantesque
et même illisible ».

Bibliographie

[1] http://semsci.u-strasbg.fr/construc.htm

Conçu pour piquer la curiosité d’adolescents, présente dix-huit polyèdres réguliers
ou semi-réguliers et donne pour chacun un patron.

[2] http://www.ac-noumea.nc/maths/polyhedr

Plus austère et plus complet. Donne une présentation claire des polyèdres usuels (et
notamment des sept types d’hexaèdres) ; ne s’intéresse pas aux patrons.

[3] Guy Le Berre, L’évasion des polyèdres, chapitre 7.
Recensé dans le BV n° 468, page 127.

<redacteur|auteur=13>

Notes

[1Refuserait-on l’usage du principe des tiroirs ou de la descente de Fermat sous prétexte
qu’un non-mathématicien peut les comprendre aisément ?

[2Ou plus généralement 2n triangles isocèles de base horizontale.

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