Bulletin Vert n°498
mars — avril 2012

Icare Trahi

par Jean-Paul Auffray

Éditions Viviane Hamy, 2011
304 pages en 13 × 21, prix:22 €, ISBN : 978-2-87858-392-2.

 

Il s’agit d’un roman. Il débute alors qu’Évariste Galois, gravement blessé par balle en duel, est emmené à l’hôpital dans la charrette du père Joseph ; un retour en arrière retrace alors les épisodes de sa courte vie, depuis sa naissance, lors de laquelle le même Joseph l’avait surnommé Icare trahi, jusqu’à la fosse commune du cimetière de Montparnasse. Le personnage de Joseph et le surnom ont-ils une réalité historique ? Je l’ignore.

La forme romancée, avec dialogues et pensées intimes des personnages, nous donne à voir une image forcément subjective du héros ; ici il s’agit d’un jeune homme plutôt antipathique, orgueilleux, persifleur, insolent, conscient de son génie jusqu’à en être imbu ; exalté, révolté, vindicatif, amer, frôlant le délire de persécution, ainsi que le dédoublement de personnalité. Il y a, forcément aussi, une interprétation des faits : le caractère abscons des écrits de Galois est ici présenté comme une volonté de crypter ses découvertes, « son secret », qui n’est rien moins que le Système du Monde ; le Testament mathématique n’aurait pas été rédigé dans la fièvre nocturne précédant le duel, mais avant que celui-ci ne soit prévu ; par contre l’auteur s’abstient de toute hypothèse quant à l’identité de l’adversaire, et les circonstances de ce duel (alors qu’on trouve des précisions à ce sujet dans Wikipedia).

Ce roman, au style allègre, imagé, parfois lyrique, a pour intérêt essentiel de nous donner une profusion de renseignements historiques sur l’époque, de descriptions des rues, des écoles, des prisons, des quartiers encore périphériques de Paris, des balbutiements du progrès technique (télégraphe Chappe, avant-projets de « chemin à ornières », c’està- dire chemin de fer), et aussi des notions de mythologie grecque ; de nous faire croiser maints personnages historiques : Victor Hugo, Alexandre Dumas, Lafayette, Blanqui, Raspail, Adolphe Thiers, Benjamin Constant, … Ceci sans étalage d’érudition, car habilement intégré aux dialogues et à l’action. Son défaut (pour nous, lecteurs du BV) est de nous parler fort peu de mathématiques : rien n’est dit sur les sujets de recherche de Galois, sauf une esquisse dans l’épilogue ; tout juste apprend-t-on que dès son plus jeune âge il s’intéresse aux substitutions (il affirme même à son jeune frère les avoir inventées !), aux fractions continues, et qu’il fuit les calculs. Et il est répété qu’il fait de l’analyse ; le mot « algèbre » est quasiment absent.

Bien qu’écrit par un mathématicien, ce livre est donc avant tout un portrait d’Évariste Galois en énergumène agitateur politique, en jeune homme déboussolé dans un monde (social, mathématique, universitaire) qu’il n’accepte pas tel qu’il est ; à ce titre, il n’est pas sans résonance avec l’époque actuelle. À lire pour se distraire en s’instruisant ; à offrir pour montrer les aspects romanesques et romantiques de l’histoire des mathématiques.

 

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