Bulletin Vert n°499
septembre 1995

Justifier en mathématiques

sous la direction de Dominique Flament et Philippe Nabonnand

Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2011
372 pages en 15 X 23, prix : 29 €, ISBN : 978-2-7351-1414-6

 

Dans ce recueil de textes, « justifier » n’est pas, comme dans certains manuels, synonyme de « démontrer » ; il s’agit de montrer l’intérêt d’un résultat, d’expliciter les raisons du choix d’une méthode, d’expliquer la naissance de nouveaux concepts. Inévitablement ce questionnement rejoint le problème des Fondements, même si l’un des auteurs veille à distinguer « justifier » et « fonder » ; un autre considère la fondation comme justification des pratiques déjà en place. La perspective est historique, la période soumise à examen est le XIX° siècle, avec dans les derniers articles des débordements sur le XXe.

Chacune des contributions est accompagnée d’une bibliographie. L’introduction donne une liste non limitative des arguments mis en jeu : généralité, rigueur, utilité, tradition, simplicité, nouveauté, naturalité, élégance, esthétique, …

  • L’argument de la généralité chez Carnot, Poncelet et Chasles
    par Philippe Nabonnand
    récit des avancées successives vers une géométrie pure aussi générale que la géométrie analytique, débarrassée des « cas de figure ».
  • L’Algèbre comme science chez W. R. Hamilton : le recours au Temps Pur
    par Dominique Flament
    Kant base la géométrie sur l’intuition de l’espace, Hamilton veut de même baser l’algèbre sur l’intuition du temps ; grâce aux paires d’instants, et à partir de l’hypothèse de la continuité du temps, il réussit une construction de \(\mathbb{R}\), puis de \(\mathbb{C}\) ; la découverte du corps des quaternions le fait rompre avec le point de vue métaphysique et se rapprocher du symbolisme.
  • Justifier l’utilisation de la géométrie en théorie des nombres : des exemples chez C. F. Gauss et H. Minkowski
    par Sébastien Gauthier
    l’usage des réseaux apporte efficacité, simplicité, esthétique ; il permet la connexion avec les applications (cristallographie, …), favorise l’unification des mathématiques (rencontre du continu et du discret), et a aussi un intérêt heuristique.
  • Un arithméticien contre l’arithmétisation : les principes de Charles Hermite
    par Catherine Goldstein
    ce catholique anti-républicain s’oppose aux innovations, voit les mathématiques comme une pure science d’observation, mais accepte et salue néanmoins la rencontre arithmétique-fonctions elliptiques.
  • Essai sur la tératologie mathématique
    par Klaus Volkert
    pourquoi et comment on s’est progressivement penché sur les « monstres », par exemple les fonctions continues nulle part dérivables, jusqu’à les admettre pleinement dans le monde mathématique, malgré l’opposition de certains (Poincaré, …).
  • Deux approches des relations logique-mathématiques : Frege et Schröder
    par Javier Legris
    tous deux recherchent un langage scientifique universel, le premier, à partir d’une option philosophique : le logicisme, le deuxième s’appuyant sur la pratique mathématique pour concevoir l’Algèbre universelle, dont la logique serait une des applications.
  • La justification de la théorie des ensembles : entre métaphysique et axiomatique formelle
    par José Ferreiros
    la première option est illustrée par Cantor, pour qui cette théorie est plus vaste que les mathématiques et s’applique aussi à la logique, la théorie de la connaissance, la physique, la métaphysique ; la deuxième par Dedekind, pour qui « les mathématiques ne portent pas sur les lois de Dieu, mais sur celles de la pensée ». Hilbert, dont les conceptions évoluent dans le temps, veut construire une métamathématique. Zermelo produit son axiomatique, et espère prouver sa consistance.
  • Justification et fondement des mathématiques, selon Frege et selon Hilbert
    par Jacqueline Boniface
    l’auteur met en concurrence le logicisme de Frege et le formalisme de Hilbert, non sans signaler les objections des intuitionnistes Brouwer et Weyl. Il renvoie les deux doctrines dos à dos en montrant que l’une comme l’autre est basée sur une croyance. La préférence marquée des mathématiciens actuels pour les thèses de Hilbert bute cependant sur la question du sens.

Par la diversité des points de vue, par la clarté de la rédaction chez tous les auteurs, cet ouvrage est un excellent outil multi-usages, puisqu’il apporte aussi bien de riches connaissances historiques que des éléments de réflexion sur les « grandes questions », qui permettent au lecteur de clarifier ses idées et éventuellement de choisir en connaissance de cause une position philosophique.

Seuls regrets : l’absence d’un Index ; et la probable absence de communication entre les différents auteurs, dont les textes pourraient se renvoyer l’un à l’autre, puisque, en particulier, Frege et Hilbert apparaissent dans au moins deux d’entre eux.

 

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