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L’enseignement des mathématiques en Finlande.

Rémy Jost [1]

Avertissement

Les spécificités de la société finlandaise, de son système d’éducation et de son
système d’évaluation, créent largement les conditions de la réussite des élèves
finlandais aux évaluations internationales notamment en mathématiques.
C’est
pourquoi j’ai choisi d’en brosser un tableau général avant de présenter et d’analyser
les caractéristiques de l’enseignement des mathématiques et d’émettre des
hypothèses sur les raisons de la réussite des élèves finlandais aux évaluations
internationales PISA dans cette discipline.

La société finlandaise

La population finlandaise s’élève à 5,2 millions d’habitants.
La société est très homogène : 97% des habitants sont d’origine finlandaise et 95%
sont de religion luthérienne.
Des cours de religion ou de morale, d’instruction civique sont dispensés à tous les
élèves de 7 à 18 ans.
La Finlande est un pays où règne une grande sécurité.
La cohésion nationale est très forte : au début des années 1990 une réduction des
salaires a été demandée à tous les citoyens pour se préparer à l’entrée dans l’Europe
et pour rattraper le déficit important de la balance commerciale : cela a été accepté
sans problème majeur. À présent la balance commerciale est positive de 3,5%.
Le principe général d’égalité des chances, inscrit dans la constitution finlandaise, est
très fortement ancré dans la population. L’esprit d’élitisme n’est pas de mise.
L’écriture de la langue finnoise date du 19e siècle, la langue s’écrit comme elle se
prononce. La lecture est rapidement maîtrisée par ceux qui la parlent. De plus les
films au cinéma ou à la télévision sont d’origine étrangère. Ces films sont sous-titrés,
et non traduits, ce qui motive l’envie de lire des enfants tout en accoutumant leur
oreille aux langues étrangères, essentiellement l’anglais et le suédois. Les Finlandais
lisent beaucoup : un journal par jour, et en moyenne dix-sept livres par an.

Le système éducatif [2].

L’esprit général

La part du PIB consacrée à l’éducation nationale est de 5,8%, elle est comparable à
celle de la France.
Le système éducatif est basé sur l’égalité des chances selon la constitution
finlandaise : il vise la réussite de chaque élève de l’école à l’université.
Tous les citoyens ont une confiance absolue en leur système éducatif.
Toute réforme ou régulation est négociée avec l’unique organisation syndicale, puis
mise en œuvre sans contestation majeure.

L’histoire du système éducatif

Le père du système éducatif finlandais est un pasteur luthérien (Uno Cygnaeus,
1810-1888) qui exerça la fonction d’inspecteur général des écoles. Il est à l’origine
de l’école unique, mixte et gratuite.
La loi sur la scolarité obligatoire à l’école primaire fut promulguée en 1921.
Jusqu’en 1970 l’enseignement était encore sélectif à l’entrée du collège : en 1970 a
été créé le collège unique pour tous.
En 1990 les corps d’inspection ont été supprimés.
Depuis 1990 les établissements scolaires dépendent uniquement des communes. Ils
jouissent d’une relative autonomie pédagogique, sur les méthodes, le choix des
manuels scolaires, la répartition des heures, la taille des classes. Le directeur de
l’école choisit et engage ses personnels avec le responsable de la commune ; il les
titularise s’ils donnent satisfaction.
Depuis 1994 l’élaboration des curriculum des élèves est aussi du ressort des
établissements, qui travaillent en liaison avec les responsables des communes. Seul
un cahier de charges général est donné par le ministère.
Depuis 2002 le cahier de charges du ministère est plus explicite en termes d’objectifs
et de compétences attendues.

Le pilotage national

Au niveau central, la Direction nationale de l’enseignement (DNE) fonctionne
davantage comme une agence que comme une direction ministérielle. Elle est
chargée d’élaborer certaines normes pédagogiques, notamment en ce qui concerne
les cahiers de charges nationaux des programmes, tout comme les matières
enseignées et les horaires.
La DNE régule annuellement l’enseignement, à partir d’évaluations diverses
organisées dans un panel représentatif d’établissements scolaires. Elle peut aussi
apporter des modifications aux programmes à partir d’expérimentations dans des
établissements pilotes.

Les programmes-cadres

Un cahier de charges général donne les finalités et le but de l’enseignement.
Quelques contenus et objectifs généraux pour chaque discipline et pour chaque
classe sont ensuite explicités, afin d’éviter des dérives dans la mise en oeuvre des
programmes. En particulier les compétences générales requises pour avoir un niveau
« acceptable », et celles pour avoir un niveau « satisfaisant » sont clairement rédigées
pour chaque discipline et mises à la disposition de tous les enseignants.

Les programmes sont conçus pour être pragmatiques, utiles « pour la vie ». Les
savoirs faire et connaissances au programme, de l’école au lycée, sont rarement abordés de façon abstraite.

Les programmes de chaque discipline sont développés ensuite dans chaque
commune [3]. par les équipes de professeurs des établissements scolaires pour devenir
des plans d’enseignements susceptibles d’être envoyés à la DNE pour vérification.

L’université est très peu associée à l’élaboration des orientations générales.

Les évaluations et la régulation nationales

Les grilles de compétences de fin d‘école primaire et de fin de collège, les sujets du
baccalauréat, sont élaborés sous la responsabilité de la direction nationale de
l’enseignement.

Chaque année quelques disciplines sont choisies et l’efficacité de l’enseignement
dans ces disciplines est testée à partir d’un échantillon représentatif de 5%
d’établissements. Les exercices proposés sont du même type que ceux de
l’évaluation PISA. Si une commune veut évaluer l’enseignement d’une discipline
donnée dans un de ses établissements, elle peut se procurer les tests correspondants
à la DNE.

Depuis 2002 il est demandé à un échantillon de 10% des établissements choisis au
hasard d’envoyer leurs plans d’enseignements pour vérification au ministère : le plan
annoté et éventuellement corrigé est ensuite renvoyé à l’établissement et à la
commune.

Un rapport général annuel, qui ne mentionne pas le nom des établissements
concernés, est écrit et diffusé par Internet.

L’organisation scolaire

Les moyens et la gestion
Le financement, très égalitaire, se fait sur la base d’un forfait par élève dont la charge
se répartit entre l’État (57% des ressources des établissements) et la commune (43%
des ressources des établissements).
La scolarité est gérée par chaque commune, de l’école primaire au lycée.
Il n’y a pratiquement pas d’écoles privées. Aucune école n’est payante : car, selon la
loi, l’enseignement et la santé doivent être gratuits pour tous les enfants scolarisés,
finlandais ou non.
De plus, plus de 20% des élèves bénéficient d’une bourse pour leurs études.
Les élèves sont souvent répartis par classe de niveau. La taille des classes est décidée
au sein de l’établissement : les effectifs varient de 12 à 25 élèves mais rares sont les
classes de plus de 20 élèves.
Le repas de midi est offert par la commune à tous les élèves, même aux lycéens. Le
matériel (papier, crayon, livres, cahiers, etc.) est gratuit jusqu’au collège.
À l’école primaire, pour chaque classe il y a trois ou quatre maîtres différents ; au
collège il y en a six ou sept.
Les salles des professeurs sont très confortables ; y jouxtent des salles avec des
bureaux de travail individuel et des pièces pour accueillir des élèves ou des parents.

Les universités sont sur budget de l’État uniquement, les instituts professionnels ou
polytechniques sur budget des communes ou sur budget privé.
Un étudiant de l’enseignement supérieur touche une bourse mensuelle de 450 euros,
indépendamment de sa situation financière.
Les horaires
Une année scolaire dure 38 semaines, soit 190 jours de la mi-août jusque début juin.
L’horaire hebdomadaire est de 23 heures pour les plus petits à 30 heures pour les plus
grands au lycée.
Chaque séance dure 45 minutes et est suivie de 15 minutes de récréation pour tous,
élèves et professeurs.
Les élèves du primaire sont libérés vers 13 heures, ceux du collège vers 14 heures et
ceux du lycée à 15 heures la plupart du temps.
Le samedi est libre pour tous.
En lycée, pour la plupart des élèves, il y a cinq périodes d’enseignement lors des
deux premières années et trois périodes seulement la troisième année à cause du
baccalauréat.

La scolarité jusqu’à l’université

De l’école primaire au collège
Il y a une carte scolaire pour l’école primaire et le collège.
À partir de quatre ans, les enfants peuvent aller à des garderies organisées par les
communes.
À six ans, ils peuvent aller au cours préélémentaire, dit année « zéro », implanté très
souvent à l’école primaire.
L’école obligatoire dure neuf années : l’élève y entre à sept ans et en sort à seize ans.
Le cycle de l’école primaire dure six années, celui du collège trois années. Un élève
garde les mêmes maîtres pendant trois ou quatre années consécutives.
Le redoublement n’existe pas : exceptionnellement quelques élèves sont autorisés à
faire une dixième année au collège avant d’entrer au lycée.
L’élève est accueilli de façon remarquable : il y est nourri, soigné, suivi. On cherche
aussi à le responsabiliser.
Seulement 6% des élèves abandonnent les études à l’issue du collège. Les autres
poursuivent leur scolarité en lycée : 56% vont en lycée général, et 38% en lycée
professionnel.
Au lycée
Il n’y a plus de carte scolaire pour le lycée : celui-ci est choisi par l’élève et sa famille
en fonction des spécialités qui y sont enseignées et de sa réputation.
L’enseignement secondaire en lycée, général ou professionnel, dure trois ans :
 En lycée général l’organisation des études ne s’y fait plus par classe d’âge
mais par modules de matières. L’élève doit passer 75 modules de 38 heures
chacun pendant sa scolarité au lycée général : 46 modules concernent les
quatre disciplines du baccalauréat, les autres sont sur des disciplines
optionnelles. Les disciplines choisies en option permettent d’acquérir des
compétences pour mieux réussir les examens d’entrée à l’université souhaitée.
L’élève choisit ses modules sur le conseil des enseignants, en fonction de
l’offre et du calendrier proposés au lycée. Ses études au lycée se concluent par
une certification des modules étudiés et un baccalauréat pluridisciplinaire.
Certains élèves terminent leur scolarité au lycée en deux ans, alors que
d’autres y restent quatre ans, le temps par exemple d’approfondir plusieurs
langues.
 En lycée professionnel l’organisation des études y est structurée par unités :
l’élève dispose de trois années pour obtenir 120 unités de formation, dont 20
en entreprise. En sus de son certificat de qualification [4], l’élève peut présenter
un baccalauréat pluridisciplinaire ou professionnel pour poursuivre des études
supérieures.
À l’université
Le titulaire d’un baccalauréat peut se présenter à l’université ou dans un institut
professionnel ou polytechnique. Il entre à l’université, quelle qu’elle soit, après un
concours assez sélectif : il y a en moyenne un tiers de reçus à l’examen d’entrée dans
les universités de renom. Le parcours se fait selon les normes européennes LMD
(licence, mastère, doctorat sont les trois sigles européens pour les diplômes
universitaires (3, 5 ou 8 ans)). Les études dans un institut professionnel ou
polytechnique durent 4 ou 5 ans et se concluent par un diplôme professionnel
supérieur ou un mastère professionnel.

Le soutien et l’aide

L’aide est institutionnalisée : c’est vraiment un des points les plus forts du système
éducatif finlandais. Aucun élève ne redouble durant sa scolarité obligatoire.
Il n’y a pas de notion d’élèves en difficulté. L’élève ne peut être la cause de son
échec.
Les parents sont associés et consultés ; ils ont confiance et attendent
naturellement de l’institution qu’elle sache s’adapter aux capacités de leur enfant
pour le faire réussir.
Selon les publics, les disciplines et les communes l’aide est organisée de plusieurs
manières complémentaires et souvent conjointes :
 en dédoublant une heure hebdomadaire ;
 en faisant co-intervenir dans la classe pendant une heure de la semaine un
deuxième enseignant qualifié dans la discipline ;
 en donnant des cours particuliers à l’élève concerné par le professeur de la
classe ou par un professeur généraliste dit « de soutien », ce qui parait très
apprécié.

Une spécificité finlandaise

En Finlande, l’école contribue à construire la cohésion nationale de multiples façons.
De l’école primaire au lycée un enseignement religieux est proposé à chaque enfant
selon sa religion de naissance, ou à défaut un enseignement de morale.
De plus dans bon nombre de communes, un intermède d’instruction civique (voire
religieuse) est diffusé dans toutes les salles de classes par haut-parleur en milieu de matinée. Les élèves écoutent assis tranquillement à leur place.

Des disciplines ou spécialités autres que le finnois ou l’histoire contribuent aussi à
développer un sentiment national fort, l’esprit de groupe et le sens des
responsabilités. Globalement, elles tiennent une part importante (de 10 à 12h) dans
l’enseignement hebdomadaire, sur l’ensemble de la scolarité de l’école primaire au
lycée. Ce sont : l’instruction civique (2 à 3h), les travaux manuels et ménagers (4 à
6h), le chant choral (1h commune à tous les élèves de l’établissement), la musique (1
à 2h), les arts plastiques (1 à 2h), la religion ou la morale (1 à 2h), l’éducation à la
santé (1 à 2h pour les élèves de 13 à 15 ans), l’orientation (1h).

Chaque élève, selon ses compétences, sa forme d’intelligence, son origine sociale y
trouve sa part de formation personnelle, pratique, intellectuelle et culturelle.

Les évaluations des élèves

La manière d’évaluer les élèves est un autre point fort du système éducatif finlandais.

Les évaluations des premier et second degrés
Quel que soit le niveau, l’évaluation de l’élève est conçue de façon positive : on
évalue ses acquis et ses progrès.
L’élève ne passe un contrôle en classe que s’il se sent prêt. S’il ne se sent pas prêt, il
le dit, et le professeur lui propose d’en passer un semblable à la séance suivante.
Aucune remontrance ne lui est faite.
Il n’y a pas d’esprit de compétition, ni d’élitisme. Les élèves ne sont jamais classés.
Aucune note n’est donnée pendant les trois premières années d’école primaire,
ensuite l’élève est noté sur 10 : en fait la note la plus basse est 4 ; c’est la seule note
qui indique un niveau non satisfaisant.
Les devoirs à la maison sont peu nombreux, ils sont à rédiger sur cahier, ils ne sont
ni ramassés, ni notés.
Quatre ou cinq devoirs surveillés sont organisés dans chaque discipline par année
(devoirs communs ou non) : ceux-ci sont notés.
Deux fois par an, les professeurs remplissent avec l’élève un carnet de compétences.
Si besoin, une aide est organisée.
Il n’y a pas de conseils de classe. Chaque année scolaire la moyenne des notes sur 10
de toutes les disciplines (sans coefficient particulier) est calculée. En plus l’élève est
invité à évaluer par écrit ses acquis et ses progrès.
De toutes façons il n’est pas question de le faire redoubler !
En fin d’école primaire et en fin de collège, la moyenne générale et un portfolio de
compétences acquises sont remis à chaque élève.
Le baccalauréat
Le seul examen passé par l’élève au cours de sa scolarité est le baccalauréat. Il
comporte obligatoirement quatre disciplines : le finnois, et trois autres disciplines au
choix de l’élève.
Les sujets sont nationaux.
Après un an et demi de lycée l’élève peut commencer à passer son baccalauréat à la
carte, en deux ou trois temps selon sa maîtrise des contenus, le menu proposé par son établissement, et le rythme qu’il souhaite.
Il y a deux sessions par an : en septembre et en avril. Si l’élève rate vraiment une
épreuve il peut la recommencer à la session suivante. Les épreuves n’ont lieu qu’un
jour sur deux (le lundi, le mercredi et le vendredi) pour permettre à l’élève de se
reposer entre temps. La durée de chaque épreuve est de six heures, Il suffit que
l’élève réussisse les deux tiers du sujet pour avoir le maximum des points.
L’organisation du baccalauréat est confiée à des lycées choisis par le ministère.
Toutes les épreuves sont corrigées selon des critères communs imposés par le
ministère.

Les enseignants

La plupart des enseignants sont bivalents.

Le service des enseignants

Comme pour les élèves, il y a 38 semaines de travail, soit 190 jours, pour une année
scolaire qui commence à la mi-août et se termine début juin. Trois jours de formation
continue sont obligatoires pour tous les enseignants. Les vacances sont celles des
élèves.
Le service hebdomadaire est de 15 à 24 séquences selon le niveau et la discipline (par
exemple 15 en finlandais, 21 en mathématiques, 23 en EPS, 24 en école primaire). À
chaque service se rajoutent deux heures pour des réunions dans l’établissement.

Le salaire d’un professeur titulaire de son poste va de 2 000 euros pour un débutant
à 4 000 euros pour un enseignant à partir de dix années d’exercice.
Il n’y a qu’un seul syndicat, qui regroupe 97% des enseignants.
Les charges de correction du baccalauréat sont prises sur le service hebdomadaire.
Les professeurs sont libres du choix de leurs méthodes pédagogiques.
Dans les établissements scolaires les fonctions de surveillance, de vie scolaire,
d’orientation sont assurées à tour de rôle par les enseignants eux-mêmes.
Par ailleurs une assistante sociale et une infirmière sont affectées dans chaque cité
scolaire.

La formation des enseignants

La formation initiale
Près de 50% des étudiants à l’université se destinent à l’enseignement : c’est un
métier recherché et considéré !
Le diplôme professionnel universitaire d’enseignant est d’un niveau master européen
qui permet de trouver un emploi d’enseignant selon les offres d’emploi proposées par
les communes. Il ne garantit pas l’emploi, mais en ce moment et pour les dix
prochaines années au moins l’offre est importante à cause des nombreux départs à la
retraite attendus.
La plupart des futurs enseignants termine ce master en environ sept ans.
Pour la formation des maîtres du premier degré, un institut universitaire de
formation, rattaché à une université, recrute des bacheliers par concours, pour une période de cinq années d’études pédagogiques, didactiques et pratiques. Un mémoire
professionnel est rédigé pendant les deux dernières années.
Pour la formation des professeurs de lycées généraux et professionnels l’institut
universitaire de formation scolarise pendant deux ans les étudiants ayant une licence
et après un examen d’entrée. Pendant une première année, ils sont mis en stage dans
le même lycée dit d’application où ils enseignent en responsabilité dans un nombre
réduit de classes avec la présence permanente d’un conseiller pédagogique.
En
seconde année ils passent le master professionnel portant sur les sciences de
l’éducation et les disciplines d’enseignement.

La formation continue
Chaque enseignant doit suivre une formation de trois jours au moins par an.
La formation continue est assurée par des instituts universitaires de formation. Ceux-ci
font des offres de formation aux établissements scolaires en tenant compte des
instructions ministérielles et des besoins des professeurs. Ils procèdent régulièrement
à des évaluations de leur formation. Depuis la mise en place du LMD européen
chaque formation donne droit à des unités ECTS (unités européennes pour la
poursuite d’étude ; par exemple dans le cycle LMD, pour avoir la licence il faut
obtenir 180 ECTS soit 60 ECTS par an sur 3 ans).

L’évaluation des enseignants

Les enseignants ne sont plus inspectés en classe depuis 1990, date à laquelle les corps
d’inspection ont été supprimés.
Les chefs d’établissement et les responsables ministériels rencontrés considèrent que
la qualité des enseignements s’est améliorée depuis la décentralisation et la gestion
directe des enseignements par les communes.
En fait depuis 15 ans, une culture de l’évaluation des enseignements et des
enseignants s’est progressivement installée d’au moins quatre façons
complémentaires :
 Le chef d’établissement rencontre individuellement son personnel, réunit
régulièrement des équipes sur des thèmes pédagogiques ou éducatifs et régule
les enseignements.
 Dans chaque établissement, l’équipe d’enseignants de chaque discipline
décline le cahier de charges ministériel en plan d’enseignement de la
discipline et en compétences précises à évaluer.
 Chaque année le ministère teste dans plusieurs disciplines les acquis des
élèves d’un échantillon représentatif de 5% de l’ensemble des établissements
scolaires. De son côté la commune peut aussi procéder à l’évaluation des
acquis des élèves de son territoire en achetant les tests au ministère.
 Le ministère demande, chaque année et dans plusieurs disciplines, à un
échantillon de 10% des établissements scolaires pris au hasard de lui
transmettre leurs plans d’enseignement [5].
De façon directe ou indirecte ces dispositifs ont développé chez les enseignants et les
chefs d’établissement une culture de l’auto-évaluation, le sens de la responsabilité de la réussite de chaque élève et de l’obligation de résultats vis-à-vis des communes et de l’Etat.

L’enseignement des mathématiques

Les horaires et l’organisation

À l’école primaire et au collège l’horaire de mathématiques est en moyenne de trois
ou quatre heures hebdomadaires (en fait trois ou quatre fois 45 minutes).
Au lycée il est proposé deux groupes de modules de mathématiques, respectivement
appelés « mathématiques courtes » et « mathématiques longues »,
 pour les « mathématiques courtes » il y a au minimum six modules de 38
heures chacun, avec possibilité de faire quatre modules de plus ;
 pour les « mathématiques longues » il y a au minimum dix modules, avec la
possibilité d’en faire sept de plus.

Les programmes

La direction nationale de l’enseignement a énoncé des principes de base très
pratiques pour orienter l’enseignement des mathématiques, préciser ses finalités et
faciliter l’élaboration des plans d’enseignement dans les établissements [6].
Dans les bandeaux d’en-tête du cahier de charges national il est demandé d’enseigner
avec une pédagogie constructiviste et adaptée à chaque élève. Il est aussi demandé
de préciser dans le plan d’enseignement des mathématiques d’une part les
compétences visées nécessaires pour obtenir une évaluation satisfaisante, et d’autre
part les compétences visées nécessaires pour obtenir une évaluation acceptable ;
chacune doit être déclinée par niveau d’enseignement.
Les contenus sont peu différents de ceux enseignés en France, mis à part en
géométrie et en probabilités.
Les programmes font une part faible aux concepts et à la démonstration.
L’enseignement de la géométrie reste très modeste : aucune démonstration n’est
exigée.
Un enseignement d’introduction à la statistique et aux probabilités est proposé depuis
l’école primaire sous forme d’études de situations liées à la vie courante ou à des jeux
de hasard. L’élève est sensibilisé au caractère probable ou improbable d’un
évènement aléatoire.

La pédagogie

La pédagogie en classe de mathématiques se résume à exposer rapidement et de
façon magistrale le cours, puis à passer à des exercices d’application ou de résolution
de problèmes.
Le professeur donne sans s’attarder des méthodes ou des formules : peu de temps est
consacré à des activités de découverte ; les définitions sont rares, ainsi que les
démonstrations de cours. Par exemple on énonce le théorème de Pythagore, puis on
prend du temps pour en donner des applications. Quant à la démonstration,
éventuellement elle n’est qu’entrevue à l’aide d’un puzzle tenant lieu de preuve
visuelle.
Les TICE sont intégrées dans les séances de mathématiques.

Les manuels scolaires sont très utilisés

En classe les manuels sont largement utilisés par le professeur pour le cours comme
pour les exercices.
La collection de manuels de mathématiques la plus appréciée au collège contient tout
l’enseignement du collège par groupes de chapitres. Ces manuels favorisent une
pédagogie différenciée : ainsi l’élève peut facilement revenir avec ou sans l’aide du
professeur sur des points qu’il ne maîtrise pas encore bien.
Les livres sont conçus en trois parties : des cours rapides avec des exercices corrigés
déclinés par chapitre, suivis de nombreux exercices, puis des éléments de réponses.

Les exercices ressemblent aux exercices de PISA
Les exercices proposés en classe comme en devoir surveillé sont du même type que
ceux de PISA. Le plus souvent ils sont liés à des situations de la vie courante et se
placent au niveau de la culture mathématique.
Les énoncés sont courts et compréhensibles par tous. Le nombre de questions est
restreint. Peu d’exercices favorisent vraiment la démarche conjecture – validation.
En revanche, les questions sont souvent ouvertes, sans indication de méthodes. La
résolution des exercices ne nécessite pas de démonstration écrite : le plus souvent
l’application d’une formule ou un raisonnement implicite permettent de trouver le
résultat demandé.

L’activité mathématique des élèves est importante.
D’après mes observations lors de visites en classe de mathématiques et les entretiens
que j’ai pu mener durant ma mission, il semble qu’une grande partie du temps est
consacrée à la résolution d’exercices par les élèves eux-mêmes. L’élève les résout ou
cherche ; il travaille seul ou avec ses camarades. Il se montre très à l’aise pour
prendre la parole, pour poser des questions, pour répondre à d’autres. Il n’a pas peur
de se tromper. Le professeur passe d’un groupe d’élèves à l’autre, apporte des
conseils à la demande, mais n’intervient pas de lui-même.
L’élève apprend à résoudre
des problèmes-types, les corrigés sont rédigés au tableau par des élèves.
L’élève
prend peu de notes de cours dans son cahier. Les exercices donnés pour la prochaine
séance par le professeur seront résolus dans ce même cahier. Le professeur peut
demander de préparer le cours suivant dans le manuel.
Il n’y a pas de devoirs à ramasser sur feuilles. Les compétences de rédaction, de prise
de notes sur cahier, de démonstration écrite, de travail personnel écrit ne paraissent
pas être la priorité, du moins en mathématiques, et même au lycée.
Il y a très peu de clubs de mathématiques dans l’ensemble des lycées finlandais.

Le projet LUMA
La direction nationale de l’enseignement a accompagné ces mesures d’un
programme national de développement des mathématiques et des sciences de 1996 à
2002, appelé LUMA. Un comité de pilotage a été confié à un enseignant de
mathématiques ; il réunit des représentants des enseignants, élèves, syndicat,
éditeurs, entreprises, …, mais aucun professeur de mathématiques de l’université, ce qui est mal vécu par ces derniers. Une des priorités a été de créer un réseau national
regroupant des écoles, fournissant du matériel et visant à motiver les élèves et aider
ceux « ayant besoin de faire des progrès ». Les résultats indiquent un sensible gain
d’intérêt pour les mathématiques de la part des élèves des écoles LUMA. Les
mathématiques renforcées ont été choisies par 38% des filles en 2003 contre 26% en
début de projet.

Le baccalauréat en mathématiques
Au baccalauréat les élèves ont droit à la calculatrice et à un fascicule d’une centaine
de pages contenant du cours et des formules pour toutes les disciplines scientifiques.
Que ce soit en « mathématiques longues » ou en « mathématiques courtes » les sujets
du baccalauréat comportent quinze exercices au choix : dix seulement sont à résoudre
pendant les six heures de l’épreuve.
Les énoncés sont courts et comportent au plus deux questions. Chacun ne touche
qu’à un seul domaine mathématique. Quelques-uns sont de genre technique, les
autres à support concret.
La majorité des questions sont de type ouvert, c’est-à-dire ne comportant pas
d’indications sur la réponse attendue. Les productions écrites attendues sont courtes,
sans démonstration explicite à rédiger. Souvent un raisonnement implicite suffit pour
trouver le résultat et obtenir le maximum.
Chaque exercice vaut un point, peu importe son degré de difficulté : une note de 8
sur 10 est assez facile à obtenir.

Les facteurs de réussite aux évaluations internationales

Les personnes responsables des programmes du ministère de l’éducation en Finlande
sont fières, voire flattées, des résultats PISA. Elles considèrent que les différentes
réformes et régulations des 25 dernières années ont considérablement amélioré la
formation des élèves.
Mais par ailleurs tous les universitaires rencontrés, en mathématiques comme en
sciences de l’éducation, sont étonnés des excellents résultats de la Finlande à
l’évaluation PISA. Ils se montrent sceptiques quant à la qualité de l’enseignement
scientifique actuel dans les établissements scolaires du second degré en Finlande. Ils
ont fait passer à leurs étudiants les mêmes tests élémentaires de mathématiques en
1981 et en 2003 : ils constatent que les niveaux ont fortement chuté, en particulier en
calcul !
Pour 2006 l’organisation et la correction des tests PISA ont été confiées à une
nouvelle équipe restreinte d’universitaires qui prend l’affaire au sérieux.
Il est vrai que les contenus des programmes ou la formation des enseignants de
mathématiques ne paraissent pas vraiment extraordinaires en Finlande. Il semble que
pour expliquer le succès des élèves finlandais aux tests PISA en mathématiques, les
hypothèses soient à formuler dans d’autres directions :
1. La société finlandaise est confiante et homogène, l’école est le ciment de sa
cohésion sociale

 La société est en grande majorité d’origine finlandaise et de culture luthérienne.
 L’élève finlandais et ses parents ont une grande confiance en l’école et dans
ses maîtres.
 La lecture du finnois est maîtrisée bien avant le collège par tous les élèves.
 Les enseignements et leurs contenus mettent l’élève en confiance pour son
avenir et le préparent à la vie citoyenne, en particulier par le travail manuel,
la musique, les arts plastiques, l’instruction civique.
 Les valeurs sociales sont plus fortes que les valeurs disciplinaires, même aux
yeux des professeurs de disciplines.
2. L’échec scolaire est inconcevable, l’évaluation des élèves est positive
 Tous les élèves sont considérés comme ayant la même chance de réussir, il n’y
a pas de redoublement.
 Il n’y a aucune « pression sociale » sur l’élève en terme de réussite scolaire,
il est évalué sur ses acquis et ses progrès, s’il rate un devoir il peut
recommencer.
 Tout est mis en œuvre pour adapter l’école à l’élève et non l’inverse.
– L’élève ne peut être la cause de son échec. S’il ne comprend pas quelque
chose, institutionnellement, il dispose de nombreuses formules d’aide
individuelle, en particulier de professeurs « de soutien ».
 Les élèves sont habitués à auto-évaluer leurs acquis, en particulier sur les
carnets de compétences.
 Les professeurs connaissent bien leurs élèves. Ils les suivent pendant plusieurs
années et avec la bivalence les rencontrent plus souvent dans la semaine : tout
cela les responsabilise davantage dans la réussite de leurs élèves.
3. L’enseignement des mathématiques est adapté aux besoins de la vie courante
et l’élève est motivé dans ce sens

 Au collège on ne propose pas des mathématiques décontextualisées, mais on
apprend à chaque élève à résoudre des problèmes pour sa vie de citoyen.
 La part de temps de résolution d’exercices de mathématiques en classe est très
importante comparée à celle consacrée au cours.
 Les exercices rencontrés par l’élève au cours de sa scolarité ressemblent à
ceux de PISA : les énoncés sont courts et compréhensibles, ils sont liés à des
situations de la vie courante et sont surtout du domaine de la culture
mathématique.
 Les manuels scolaires en mathématiques contiennent les cours et exercices
des trois niveaux du collège : ils sont bien utilisés et servent pendant plusieurs
années.

En conclusion

Comme on l’a vu au début de cet article, les spécificités du système finlandais sont
largement liées à celles de la société finlandaise elle même. Néanmoins il me semble
que quelques idées ou principes généraux intéressants émergent de son observation
et de son analyse dans au moins quatre directions :

Mettre en confiance l’élève et le responsabiliser
Un système éducatif qui s’adapte aux besoins de chaque élève et le
responsabilise en l’associant à l’évaluation de ses compétences, lui donne
confiance en lui.
S’il n’a pas peur de se tromper en classe, à l’oral comme à l’écrit, l’élève pose
des questions pour mieux comprendre ou demander de l’aide ; ainsi il
progresse.
Le redoublement en tant que menace ou en tant que deuxième chance devient
inutile.

Apprendre aussi hors de l’école
Par exemple le choix de sous-titrer les films étrangers au lieu de les traduire
motive l’apprentissage de la lecture et favorise l’apprentissage des langues
étrangères.

Donner à l’élève le temps et le goût de résoudre des exercices de mathématiques
En réduisant la part du cours en classe de mathématiques, on donne plus de
temps à l’élève pour faire seul des exercices sous la vigilance de son
professeur.
Des exercices contextualisés et de culture mathématique donnent envie de
chercher.
Même si l’élève n’apprend pas à rédiger des démonstrations en
mathématiques, en s’entraînant à résoudre des problèmes il apprend à
raisonner.
En gardant le même manuel scolaire pendant trois ans en mathématiques, et
si possible le même professeur, une relation différente à l’apprentissage des
mathématiques s’installe.

Responsabiliser les équipes de professeurs et développer une culture de
contractualisation

Un professeur qui enseigne deux disciplines aux mêmes élèves pendant trois
années consécutives se sent nécessairement responsable d’un échec éventuel.
En demandant aux équipes d’enseignants de rédiger leurs plans
d’enseignement et d’expliciter les critères d’évaluation des compétences
acquises des élèves, on les oblige à contractualiser leurs enseignements.
La passation de tests nationaux sur échantillons représentatifs ou à la
demande des communes, renforce l’obligation de résultats vis-à-vis des
communes et de l’État.
Finalement, c’est la réussite de ses élèves qui indique à un professeur la
qualité de son enseignement.

La découverte d’un autre système éducatif fait toujours réfléchir, surtout si, comme
celui de la Finlande, il produit objectivement des résultats enviables à plus d’un titre.
Il n’est bien entendu pas question de copier un système pensé pour une autre société.
Mais actuellement en France, dans le cadre de la LOLF (loi organique des lois de
finances ; entre autres elle fixe pour les administrations des objectifs avec obligation
de résultats , cela développe une culture de la performance ; elle oblige à demander des crédits non en fonction de projets , mais en fonction de résultats attendus selon
des indicateurs précis), de la nouvelle loi d’orientation pour l’école et de la loi pour
l’égalité des chances, un débat s’engage autour de la déclinaison du socle commun
et de son évaluation : parmi les grandes idées ci-dessus quelques-unes sont
certainement à considérer.

Notes

[1Inspecteur Général de l’Éducation Nationale.

[2Voir en annexe 1

[3Voir en annexe 2 pour la ville de Tempéré et les maths

[4qui atteste que l’élève a suivi la scolarité, et non pas sa compétence

[5Voir annexe 2 pour les mathématiques

[6Voir annexe 4

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