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Le concept d’infini et ses rapport avec le temps

Achille Maffini [1]

Le présent article est une synthèse des deux ateliers que nous avons animés sur le thème « Le concept d’infini et ses rapport avec le temps » lors des Journées Nationales de l’APMEP de Besançon en octobre 2007.

Télécharger cet article en intégralité sur la page des journées de Besancon.

Cette présentation concerne l’activité du groupe « zeroallazero [2] » qui, dans l’Unité locale de recherche en didactique des mathématiques de l’Université de Parma, s’occupe du concept de limite. La caractéristique de ce groupe est de réunir des enseignants de tous les niveaux scolaires (de l’école primaire à la fin du lycée), ainsi que quelques chercheurs en didactique des mathématiques. Elle nous permet de proposer des activités similaires aux élèves de différents niveaux, de vérifier les évolutions des idées, techniques et erreurs des élèves dans le temps, et d’observer les effets des méthodes d’enseignement sur eux. Les thèmes qui nous sont apparus comme les plus riches en possibilités didactiques pour construire le concept de limite sont ceux de la mesure, des suites et de l’approximation, qui, du fait de leur caractère vertical, sont abordés à plusieurs reprises et de plusieurs points de vue à des niveaux scolaires différents.

1. Cadre théorique de la recherche

Comme on le sait bien, le problème de la limite est lié très étroitement à ceux de l’infini, du continu, de l’espace, du temps, du mouvement,… Tout ceci remonte à l’ancienne Grèce et au début de la pensée rationnelle. Zénon a mis en place, avec ses paradoxes, la nécessité de penser de nouveau à ce que les sens nous disaient mais que la raison niait.

Du côté de l’enseignement, plusieurs recherches au niveau international ont relevé des nombreuses difficultés et obstacles liés au concept de limite, recherches qu’on peut classer de la façon suivante :

  • d’ordre épistémologique (Brousseau 1998, Sierpinska 1985), dus à des raisons internes aux mathématiques mêmes ;
  • d’ordre didactique (Artigue 1998, Brousseau 1998, CREM 1995, Groupe aha 1999), dus aux pratiques d’enseignement peu efficaces ;
  • d’ordre cognitif (Cornu 1991, Dubinsky 1991, Sfard 1991, Tall & Vinner 1981, Tall, 1996), dus aux processus d’abstraction et de conceptualisation impliqués ;
  • d’ordre métacognitif (Zan 2001, 2002), dus à l’ensemble des attitudes qu’adoptent les élèves dans leur rapport au savoir mathématique.

Les projets dont on parlera ont précisément leur origine dans des questions importantes du point de vue épistémologique, mais on a jugé préférable ici d’utiliser l’épistémologie comme base culturelle, source de problèmes connus, plutôt que comme champ de recherche. On a donc préféré focaliser la recherche sur l’interaction entre les trois derniers aspects.

On est parti de l’hypothèse, qui est raisonnable, mais qui ne semble pas avoir de partisans dans les manuels et les curriculums, selon laquelle les concepts complexes comme celui de limite ne peuvent être compris qu’à la fin d’un long travail didactique (Dallanoce et al. 2000, Alberti et al. 2000, Grugnetti, Rizza, 2003).

À la suite des résultats obtenus des activités diagnostiques qu’on a proposées (Falcade, Rizza 2003, Grugnetti 2004), on a décidé de proposer des activités didactiques dans un esprit de continuité et de construction des savoirs selon un processus par approfondissements cycliques. Au niveau métacognitif il s’agit d’une sorte d’approche de la construction d’un concept.

Il s’agit de développer la formation des concepts en favorisant la formalisation, qui ne sera plus vécue comme quelque chose qu’on impose mais plutôt comme une exigence fondamentale pour les élèves aussi. Cette évolution n’est ni simple ni naturelle et souvent il y a des conflits importants entre les intuitions naïves et les concepts mathématiques en formation. Dans ce processus, on ne peut pas ignorer la dimension métacognitive : le manque de conscience en ce qui concerne ses propres préconceptions peut devenir un obstacle supplémentaire de l’apprentissage. Il faut donc prévoir des stratégies didactiques qui puissent favoriser d’un côté la conceptualisation et de l’autre la prise de conscience de la part de l’élève de son « monde intérieur » d’idées, convictions et peurs. L’élève devient ainsi un « allié » de l’enseignant.

Les thèmes qui nous sont apparus comme les plus riches en possibilités didactiques sont ceux de la mesure, des suites et de l’approximation, qui, du fait de leur histoire complexe et captivante et de leur caractère vertical, permettent d’être abordés à plusieurs reprises, de plusieurs points de vue et à des niveaux scolaires différents.

2. Les projets

Dans l’esprit de construction à longue échéance, de l’analyse en termes d’objets mentaux, nous avons conçu des activités didactiques à caractère vertical [3] autour de l’approximation dans ses deux aspects relevants : comme une importante catégorie mathématique en soi même et comme un moyen de « dominer » l’infini, passage nécessaire pour arriver à comprendre le concept de limite (voir (Kahane 2002)).

Ici on va présenter deux projets verticaux : le projet « Zénon » et le projet « Menon ».
Le premier se base sur le problème que Socrate propose à son esclave, décrit dans le Menon de Platon. Le deuxième se base sur le paradoxe de Zénon « Achille et la tortue » (AT) et sur un problème ayant comme titre « La Ferrari » (F). Les énoncés changent en fonction de l’âge des élèves.

Par ces activités, nous voulons agir sur différents niveaux :

  1. introduire très tôt le thème de l’approximation,
  2. développer les perceptions des limitations du milieu où l’on opère,
  3. étudier comment l’évolution des instruments (théoriques et pratiques) utilisables dans un contexte « plus riche en connaissances » peut opérer dans la construction de nouvelles connaissances.

Le choix de structurer les activités concernant ces deux problèmes est dû à deux raisons principales :

  1. Le problème « historique » devient la base et l’indication d’un parcours culturel.
    Tout compte fait, la verticalité [4] qu’on cherche à l’école devient le miroir de la verticalité dans le développement de la pensée.
  2. Les problèmes déterminent des classes de problèmes. Leur base épistémologique permet de retrouver chez les élèves aussi la curiosité et l’intérêt culturel qui les ont maintenus en vie.
    Si, en effet, par rapport à d’autres problèmes d’approximation ou qui impliquent des séries convergentes (Andriani et al., 1999, Alberti et al. 2000, Andriani et al., 2005, Dallanoce et al. 2000), la variable temps peut créer d’importantes difficultés ((Thomson, 1970) et (Cajori, 1915)), on a considéré que la force de ce paradoxe, d’être
    relié à une réalité expérimentale [5] pour les élèves, peut les motiver.

3. Le projet « Menon » [6]

Le projet « Menon » a comme but l’approche de la nécessité des nombres réels dans les problèmes de mesure.

3.1. Les énoncés du problème de Menon

M1 (Cinquième primaire)

(A) Vous avez un carré blanc et quatre paires de carrés en couleur. Les carrés sont tous égaux entre eux. Vous devez construire un carré dont l’aire est le double du carré blanc.

Pour y arriver utilisez tout le carton d’une des paires de carrés en couleur, qu’il faut couper et coller sur une feuille de papier blanc. Si vous n’y arrivez pas, essayez avec une autre paire de carrés en couleur.

(B) Vous avez un carré blanc et quatre paires de carrés en couleur. Les carrés sont tous égaux entre eux. En utilisant deux carrés de la même couleur, est-ce que vous arriverez à en construire un autre, dont l’aire est le double de celle du premier (en coupant et en collant les différentes pièces sur une feuille de papier blanc) ? Si vous pensez que vous pouvez y arriver, mais que vous vous êtes trompés, essayez avec une autre paire de carrés de la même couleur.

Buts : la construction de carrés par manipulation et la détermination d’informations qui viennent des carrés eux-mêmes ; la construction de suites d’approximations.

M2 (collège)

Un carré de côté 2 est donné. Trouve la mesure du côté d’un carré ayant l’aire double de celle du carré donné).
On propose de parcourir les phases du dialogue de Platon. L’enseignant assume le rôle de Socrate et la classe entière celui de l’esclave. Les élèves ne connaissent pas ce dialogue.

Buts : la conjecture d’impossibilité et la preuve de l’impossibilité d’avoir une réponse à ce problème sous forme de nombres rationnels ; le passage des nombres rationnels aux nombres réels comme domaine où l’on peut trouver la solution du problème sur un plan théorique (de l’infini potentiel à l’infini en acte).

M3 (Lycée)

Lecture du dialogue de Platon.

La lecture du dialogue de Platon est faite sur deux niveaux : épistémologique et « technique ».

Buts : le retour aux nombres rationnels comme domaine de réponse (en termes de réalité) au problème ; le rôle de l’approximation.

3.2. Les variables didactiques et « de contexte »

Pour chaque activité il y a des variables (on reporte aussi les raisons des variables choisies) :

Cinquième Primaire : Construction par manipulation du carré d’aire double d’un carré donné. Deux énoncés différents : dans le premier l’on tient pour sûr que la solution existe, dans l’autre on demande si elle existe (la manipulation, très utilisée (en Italie) dans ce niveau scolaire, devrait permettre une entrée plus simple ; les deux versions différentes sont proposées dans des classes différentes, mais « parallèles », pour vérifier si et comment cette variable a de l’effet sur les réponses et la mise en commun).

Collège  : On parcourt les phases du dialogue de Platon (la variable « dialogue » devrait induire un parcours « déductif » dans lequel il faut faire des vérifications sur des conjectures produites dans le dialogue même).

Lycée : Lecture du dialogue de Platon (par la lecture directe du dialogue, on essaye de faire apparaître les deux registres : épistémologique et « technique », pour arriver à construire des suites d’approximations).

3.3. Quelques résultats

On va reporter quelques résultats des activités selon quatre catégories.

Modifications de la part des élèves [7]
Voir dans la figure obtenue un carré même s’il y a des approximations évidentes dans la construction : souvent il n’y avait pas l’égalité des côtés.

Instruments inadéquats [8]
La tendance générale, bien que les consignes l’interdisent, consiste à utiliser la règle graduée. Ceci met en évidence une tendance à identifier le segment (le coté du carré) avec sa mesure.
« Il s’agit d’une longueur, donc il [le coté] existe : Nous pouvons le mesurer à la règle. » (Collège-II)
« Le nombre doit forcément exister, autrement il y aurait un trou dans la ligne des nombres. » (Collège-II)
Un autre aspect à prendre en considération, pour des élèves plus âgés (12 ans [9] ) concerne l’usage de la calculatrice : l’utilisation de la touche « racine carrée » les a, dans un premier temps, convaincus d’avoir trouvé la solution ; mais à la demande de vérifier si le nombre affiché sur l’écran pour $\sqrt 8$ avait exactement 8 comme carré, ils ont été surpris d’arriver à une réponse négative.
Ce passage a permis de reconnaître l’inadéquation de l’instrument du point de vue pratique et aussi conceptuel ; c’est aussi une manière d’induire les élèves à observer d’une façon critique les résultats obtenus. Le problème de l’existence de « l’irrationnel » devient avant tout un problème de « non-existence » du rationnel ;
la non-existence demande une quantification universelle sur les nombres rationnels [10] .
Lorsqu’on peut aborder la preuve de la non-rationalité, celle-ci est perçue comme une condition d’économicité et de certitude.
À ce propos, on présente quelques réponses des élèves :
« Mais avec les instruments qu’on avait nous n’arrivions pas à calculer le côté et, en continuant à faire de nombreux essais nous nous demandions si le nombre existait vraiment. » (Collège-II)
« ... on n’arrive jamais à la fin, alors nous nous sommes demandé : mais ce nombre existe-il vraiment ? »(Collège-II)
«  En continuant comme ça [11] je trouve des valeurs toujours plus près de 8 par défaut ou par excès. » (Collège-III)

Hypothèse d’approximation [12]
Comme on l’a dit dans le paragraphe précédent, on peut entrevoir, de la part des élèves, la nécessité de l’approximation comme une façon de gérer pratiquement la situation.
« Selon moi la racine n’existe pas car on peut trouver un nombre infini de chiffres, je m’approche, mais je ne le trouve pas » (Collège-II).
« Rapport égal à environ 1,41. On peut l’accepter car si j’y mets des morceaux plus petits, on ne les voit même pas » (École primaire).

Idées de limite et d’infini [13]
Il y a une première allusion aux « conditions de complétude » pour un ensemble de nombres et au « concept de limite ». Ce dernier, en particulier, n’est pas seulement vu et vécu du point de vue technique, mais il doit d’abord être « pensé » en relation avec les présupposés culturels sur lesquels le concept s’appuie ; ceci vaut aussi et surtout sur le plan didactique pour comprendre la nécessité de faire des choix du genre « philosophique » : l’existence de la limite implique les nombres réels qui sont définis seulement avec l’infini en acte.
« Les valeurs du tableau s’approchent toujours plus, donc il y aura bien le nombre auquel ils arrivent » (Collège-II).
« Enseignant : selon vous, les valeurs continueront-elles à “ sautiller ” ainsi ?
Élève : Elles tendent … à faire comme ça. Elles tendent à s’approcher de celle qui devait être la mesure. » (Collège-III).

4. Le projet « Zénon »

Le projet « Zénon » : on pose le problème de l’approximation mathématique dans un contexte significatif.

4.1. Les énoncés du problème de la Ferrari

La Ferrari (F1 : Cinquième primaire)

Le 1er janvier 2005 Cirillo a fêté son anniversaire et il a reçu 50 €. Depuis longtemps il rêve d’acheter la maquette de la Ferrari qui coûte 100 € ; il décide alors de mettre cette somme de côté pour l’achat de la voiture de ses rêves et d’ajouter 25 € l’an prochain, 12,50€ en 2007 et ainsi de suite. Il ajoutera ainsi chaque année la moitié de la somme économisée l’année précédente.

Cirillo arrivera-t-il à acheter la maquette de la Ferrari ? Et après combien d’années ?

La Ferrari [14] (F2 : collège [15] et deuxième année du Lycée)

Depuis longtemps, Cirillo et Antonio rêvent chacun de s’acheter une belle Ferrari rouge. Mais cette voiture coûte 100 000 € et ils n’ont pas l’argent nécessaire.

Nous sommes en l’an 2000. Cirillo vient d’hériter 50 000 € . Il décide de mettre cette somme de côté pour l’achat de la Ferrari, d’y ajouter 25 000 € l’an prochain, 12 500 € en 2002 et ainsi de suite. Il ajoutera ainsi chaque année la moitié de la somme économisée l’année précédente.

Antonio n’a pas fait d’héritage, mais il décide d’épargner 30 000 € en 2001, il ajoutera la moitié de cette somme en 2002, le tiers en 2003, le quart en 2004, le cinquième en 2005 et ainsi de suite. Chaque année, il ajoutera donc une somme équivalente à 30 000 € divisée par le nombre formé des trois derniers chiffres de
l’année.

Qui arrivera à acheter la Ferrari ? Et quand ? Donnez les détails de vos calculs.

La Ferrari (F3 : quatrième année de lycée)

Antonio veut acheter une Ferrari qui coûte 100 000 € . Il décide qu’en 2005 il mettra sur son compte en banque 40 000 € , en 2006 il ajoutera la moitié de cette somme, en 2007 un tiers, en 2008 un quart, en 2009 le cinquième et ainsi de suite. Chaque année il ajoutera donc une somme équivalente à 40 000 € divisée par le nombre qui correspond au nombre de dépôts bancaires effectués.

Mais, pendent ce temps, la Ferrari a subi chaque année une augmentation de prix de 3% par rapport à l’année précédente (taux composé).

Antonio arrivera-t-il à s’acheter la Ferrari ? Et après combien de temps ?

Et si l’augmentation avait été de 2% ? Y-a-t-il un taux maximal qui permet à Antonio de s’acheter à un moment donné la Ferrari avec son plan d’épargne ?

4.2. Les énoncés du problème « Achille et la tortue »

Achille et la Tortue (AT1 : Cinquième primaire et première année du collège)

Achille (A) (bien connu pour sa rapidité) et une Tortue (T) (manifestement lente) décident de faire une course. Achille est généreux et accorde à T un avantage de 20 m.
En outre A est si sûr de soi qu’il décide de courir seulement deux fois plus vite que T (c’est-à-dire que, pendant que T parcourt un mètre par seconde, A en parcourt 2). Pendant qu’A parcourt les 20 m qui le séparent de T, combien de mètres a parcouru T ?

Combien de temps utilisera maintenant A pour aboutir au nouveau point occupé par T ? Et, pendant ce temps, combien de mètres a parcouru T ?

Es-tu capable de prévoir le résultat de la course ?

Sur qui paries-tu, pourquoi ?

Achille et la Tortue (AT2 : deuxième et troisième année du collège et première année du Lycée)

Achille (A) (bien connu pour sa rapidité) et une Tortue (T) (manifestement lente) décident de faire une course. Achille est généreux et accorde à T un avantage de 20 m. En outre A est si sûr de soi qu’il décide de courir seulement deux fois plus vite que T (c’est-à-dire que, pendant que T parcourt un mètre par seconde, A en parcourt 2).

Pendant qu’A parcourt les 20 m qui le séparent de T, combien de mètres a parcouru T ?

Combien de temps utilisera maintenant A pour aboutir au nouveau point occupé par T ? Et, pendant ce temps, combien de mètres a parcouru T ?

En continuant de cette façon, que peut-il arriver ? A pourra-t-il rattraper T ?

Si oui, combien de mètres aura-t-il parcouru ? Sinon, pourquoi ?

Donne une représentation (à l’échelle) de la situation, en utilisant des segments pour indiquer les parcours de A et de T.

Achille et la Tortue (AT3 : deuxième année du Lycée)

Une Tortue, qui en a assez d’être considérée comme un animal lent, décide de démystifier ce ragot en défiant Achille, bien connu pour sa vélocité. Dans ce but, elle propose à Achille un pari :

« Tout le monde sait que tu es l’homme le plus rapide au monde. Mais je te promets que si tu me donne un très petit avantage dans une course, moi, je gagnerai toujours car tu ne pourras jamais me rattraper. J’en suis tellement sûre que je suis disposée à parier n’importe quelle somme ».

Achille éclate de rire et lui répond : « Tu bats la breloque, mais si tu as de l’argent à perdre, faisons ce pari pour 100 000 deniers. Je te donnerai 100 m d’avance et je suis tellement sûr de gagner que je ne m’appliquerai pas trop : ma vitesse ne sera que le double de la tienne ».

« Ça va bien » répond la Tortue « je sais que j’ai déjà gagné, si tu veux, je t’explique pourquoi, comme ça, tu pourras me donner tout de suite l’argent et éviter de faire piètre figure (et aussi une fatigue inutile) ».

Achille, plus intrigué qu’inquiet, accepte que la Tortue lui explique son idée.

« Pendant que tu parcourras les 100 m que tu me donnes comme avantage, moi je parcourrai 50 m ; mais quand tu auras parcouru ces 50 m, moi j’en aurai parcouru 25, .... ».

Achille commence être inquiet et il pense qu’il a choisi une vitesse trop faible.

La Tortue ajoute :

« Et même si tu allais 10 fois plus vite que moi, rien ne changerait. En effet, pendant que tu parcourras les 100 m que tu me donnes comme avantage, moi je parcourrai 10 m ; mais quand tu auras parcouru ces 10 m, moi j’en parcourrai 1,… ».

Selon toi, convient-il à Achille de faire la course ?

Et s’il accepte, qui gagnera le pari ?

Y a-t-il quelque chose qui change si le rapport entre la vitesse d’Achille et celle de la Tortue varie ? Et si c’est l’avantage initial de la Tortue qui varie ?

Toi, sur qui parierais-tu ?

Comment ferais-tu pour savoir qui gagne la course ?

Le paradoxe « Achille et la tortue » (AT) convient au développement de nos buts du point de vue de l’éveil de la curiosité des problématiques concernées. L’activité didactique basée sur le problème de la Ferrari (F) implique des aspects similaires, mais avec des particularités différentes : il y a un point d’arrivée statique et une modalité dynamique pour l’atteindre. Le fait de travailler dans un domaine discret induit des questions sur la difficulté d’un partage (infini) en plus du sens de ce partage infini.
La question posée aux élèves est donc centrée sur l’atteinte d’un but (l’achat de la voiture), mais le problème demande, d’une façon implicite, l’analyse du processus nécessaire pour l’atteindre. Nous pensons qu’il est utile de souligner la distinction entre ce qui arrive et la façon d’y arriver.

En ce qui concerne AT, il y a un point d’arrivée dynamique dans un contexte dynamique et cette composante augmente la complexité du problème qui, en même temps, devient plus significatif, en entraînant des activités de mouvement qui sont plus proches de la réalité des élèves.

Il vaut la peine de souligner que dans ce cas, à cause de la typologie du problème, ce qui dans la Ferrari était un sous-problème possible (l’existence et la détermination de la possible limite finie de la série correspondante), représente ici la question essentielle. En définitive, c’est comme si le dynamisme du problème pouvait aider à déplacer l’attention sur le processus et sur le comportement relatif, et aider ainsi, par
l’interprétation sémantique de la suite des sommes partielles, la construction des images mentales essentielles au développement du concept de limite.

4.3. Les variables didactiques et « de contexte »

En ce qui concerne le problème de la Ferrari :

Cinquième Primaire : Un seul personnage pour un seul achat ; pour l’école primaire, le prix de la Ferrari : maquette pour 100 € (on pense qu’au niveau primaire des nombres trop grands peuvent démotiver ou bloquer les élèves)

Collège et deuxième année du Lycée : Deux personnage pour deux situations d’achats différentes : « convergence » et « divergence » ; le prix d’une Ferrari : 100 000 € (en introduisant le « problème d’Antonio », on permet la comparaison entre deux séries. En demandant de « montrer les calculs », on propose aussi une procédure opératoire. L’éventuel usage de l’ordinateur devrait porter l’attention sur la construction des deux séries).

Quatrième année de Lycée : Un seul personnage pour un seul achat mais avec des pourcentages d’augmentation : « convergence », « divergence », « indétermination », séries géométriques et séries harmoniques (Le prix visé n’est plus fixe, mais variable et le modèle devient plus complexe : comparaison avec une fonction exponentielle. Les changements du taux conduisent à des réponses différentes en relation avec l’existence d’une solution ; pour le taux de 2% il y a un problème d’intersection).

En ce qui concerne le problème d’Achille et la Tortue :

Cinquième Primaire et première année du Collège : Vitesse de A double de celle de T.

Deuxième et troisième année du Collège et première année du Lycée : Vitesse de A double de celle de T ; représentation graphique demandée (avec ces données-là, les distances parcourues par Achille ne sont pas soumises à des approximations successives. De plus, avec ces données, chaque valeur calculée se termine par le chiffre 5 et l’on facilite ainsi la conjecture des élèves selon laquelle les décimaux ne finissent jamais, même s’ils peuvent trouver facilement qu’Achille rattrape la Tortue après 40 m).

Deuxième année du Lycée : En forme de dialogue avec un défi (la modalité du dialogue devrait permettre le passage de la problématique « rattrapage » à celle des raisons du rattrapage).

Quatrième année de Lycée  : Formulation d’Aristote (le problème passe à un niveau plus abstrait, sur les modalités de résolution).

4.4. Quelques résultats

Modifications de la part des élèves

Ferrari  : Le rôle du temps (on veut encore acheter la voiture après de nombreuses années ?), du vendeur et du rabais. Tendance à mettre des conditions pour que l’on puisse procéder à l’achat.
« Il la réserve et il la paye quand il y aura les soldes.  » (École primaire)
« Quand il n’y a plus que 3 centimes à payer, il est plausible que quelqu’un les lui prête sans en faire d’histoires. » (Collège - III)
« Le vendeur pourrait faire un rabais. » (École primaire)
« C’est évident que le vendeur fera un rabais. Si on pense qu’il ne manque que très peu de centimes… » (Collège-III)
À propos du rabais, il faut souligner qu’il a été utilisé comme un instrument pour la formalisation du concept de limite « selon le modèle de Weierstrass ».
Structure formelle (proposée dans l’activité du Lycée) :
(a) De quelle que manière nous fixons un rabais (b) il existe une certaine année de façon que (c) dans chaque année successive (d) le concessionnaire gagnera moins que le rabais fixé,
c’est-à-dire : $(\forall r \in \mathbb{R}^+)(\exists a’ \in \mathbb N)(\forall a \in \mathbb N)(a>a’ \Rightarrow g_a avec $g_a=p-s_a$.

Bien loin de vouloir introduire au collège ce genre de formalisation, notre but est plutôt celui d’habituer les élèves à considérer d’abord la variable dépendante, dans la tentative de favoriser l’acquisition successive du concept de limite. L’espoir est celui d’induire une attitude [16] qui puisse être utile à comprendre la définition de la limite de Weierstrass.
Selon nos intentions, le rabais, au niveau du collège, avait aussi la tâche d’activer, d’un point de vue métacognitif, des conditions de choix responsable [17] ; le prix avec le rabais pouvait être considéré comme une approximation du prix de la voiture, et ainsi le choix du rabais aurait pu devenir un choix d’approximation.

Achille et la Tortue : certains groupes modifient la consigne, en rendant « indépendants » les mouvements de A et de T, en trouvant ainsi 40m comme distance parcourue par A pour rattraper T. En effet, les mouvements d’Achille et de la Tortue sont indépendants, mais c’est bien lorsqu’on pense au mouvement d’Achille comme
« relatif » par rapport à celui de la Tortue que le paradoxe surgit. Le problème philosophique se déplace ainsi sur les différentes modalités par lesquelles on regarde la réalité. Le problème n’est plus dynamique mais statique et se réduit à celui de la Ferrari.
« Le problème ressemble à celui de la Ferrari car on doit toujours diviser par 2  »
(École primaire).

Instruments inadéquats

Achille et la Tortue : Difficulté « physique » à voir des « petits » écarts et difficulté à raccorder un processus infini (l’addition des espaces parcourus par Achille) avec un résultat fini (la somme).
« Comment peut-on mettre en évidence l’écart entre A et T quand il s’agit de millimètres ou d’encore moins ? » (École primaire).
«  Mais comment puis-je faire pour être sûr que la somme de toutes les parties soit vraiment 4 m ? » (Collège-I).
« En considérant la réalité, certainement A rattrapera T car les nombres décimaux sont très petits et ils sont impossibles à mesurer. » (Collège-I)

Hypothèse d’approximation
Ferrari  : Le contexte « euro » et la gestion des décimaux : dans ce cas-là les hypothèses d’approximation sont gérées sur un plan sémantique. Les choix que les élèves font sont strictement liés aux objets et aux valeurs (discrets) qui sont concernés.
« On doit arrondir, c’est-à-dire joindre les décimaux… Peut être, il y a un euro et 99 centimes et alors il en a deux. » (École primaire)

Achille et la Tortue : différence entre le domaine conceptuel et le domaine physique.
« Théoriquement, A devrait rattraper T, mais si on continue les décimaux, ça sera très difficile » (Collège-I).

Idées de limite et d’infini

Ferrari : On entrevoit une conclusion « en acte » possible dans une optique « limite ».

Achille et la Tortue : Le traitement de l’activité a été fait en construisant aussi des tableaux sur lesquels les espaces parcourus par Achille et la distance d’Achille de la Tortue étaient représentés. L’analyse des tableaux a mis en évidence l’usage de termes qui font référence au concept de limite : par exemple, par leur tableau, les élèves se rendent compte que, une fois fixée une différence « petite », il existe une « étape » à partir de laquelle la différence entre Achille et la Tortue est plus petite que ce qui avait été fixé. Ils font aussi référence au concept d’infini, considéré comme « le responsable » des difficultés relevées dans ces problèmes-là.
« À partir d’un certain point, la différence peut être négligée  » (Collège-III).
« Dans la réalité, les différences peuvent être considérées comme nulles, même quand elles ne le sont pas. Par contre, au niveau théorique, nous devrons nous heurter contre cette augmentation de chiffres décimaux qui amène … à l’infini ! » [18](Collège-III)
«  Le paradoxe de A et T est difficile car il cache l’infini ! »(Collège-III).
« Cette distance devenait de plus en plus petite, mais elle y était toujours… c’est vrai car l’écart se réduit toujours de la moitié et il n’arrive jamais à zéro, mais les distances deviennent très petites, même non-mesurables  » (Collège-I).

Les élèves proposent aussi de nouveau l’idée des parties infinitésimales physiques et réelles, en référence aux durées des compétitions sportives (auto, ski, motocyclisme, luge, etc.), en reportant l’intervalle de temps minimum qu’on peut mesurer dans l’espace. De cette façon, l’approximation sur la variable « temps » devient l’infinitésimal de la « longueur » par rapport aux contextes réels.
La possibilité de la division infinie est limitée, pour les élèves, par l’impossibilité de se la représenter et donc l’infinitésimal spatial devient l’intervalle de l’identification des positions.

5. Un premier bilan

Cette recherche expérimentale, qui concerne l’introduction précoce et « en verticale » de la pensée en termes d’approximation, que l’on considère être un élément-clé dans la construction du concept de limite, n’est qu’à son début. Tout de même, quelques résultats non négligeables commencent à apparaître, comme le montrent, par exemple, les hypothèses d’approximation que font les élèves, même très jeunes. Et cela nous donne quelques réponses relatives aux buts de la recherche.

Le but successif est le passage de la structure verticale des activités, au développement horizontal. À la base de cela il y a l’idée de considérer la réalité de l’élève comme « milieu » pour la recherche de « sens ». Le développement horizontal est vu comme possibilité d’insertion des activités dans le curriculum, mais aussi développement des potentialités des activités. Les problèmes du parcours vertical sont vus comme « problèmes-type » pour développer des problèmes analogues en relation avec le sens pour les contextes dans lesquelles ils sont proposés.

Le parcours qu’on a initié est certainement long et, d’un certain point de vue, ambitieux, mais on est convaincu qu’il est indispensable pour construire un concept aussi complexe que celui de limite.

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Notes

[1Lycée G. Ulivi, Parma - Groupe « zeroallzero », Université de Parma. E.mail : a.maffini@achillemaffini.it

[2Zero puissance zero

[3Par « activités didactiques à caractère vertical », nous désignons des activités qui, à partir d’une structure problématique commune, apportent des éléments nouveaux ou des problématiques complexes dans le contexte scolaire dans lequel elles sont proposées. Le but est donc d’avoir « une unité structurelle » qu’on puisse proposer dans des classes de niveaux différents.

[4Le temps dans le développement vertical devient une variable d’apprentissage.

[5La question liée au concept de « problème réaliste » est très importante. Ici, on parle surtout de la capacité de l’élève à comprendre la réalité du problème.

[6On propose les formulations des activités des projets. Pour une analyse plus approfondie des activités, voir (Grugnetti et al, 2006).

[7Les élèves proposent de modifier les conditions posées par les problèmes pour se les approprier dans leur réalité car, autrement, les réponses seraient difficiles à trouver. Dans cette façon de procéder on peut relever, comme on le mettra en évidence dans l’analyse spécifique des activités, des attitudes de type métacognitif.

[8Les élèves entrevoient que les instruments dont ils disposaient jusqu’à ce moment-là et qu’ils utilisent pour essayer de donner une réponse ne sont plus adéquats. Et cela rend possible l’introduction de nouveaux registres de représentation, « plus efficaces ».

[9Des réponses de ce genre ont été données aussi au niveau du lycée. L’analyse de l’expérience à ce niveau scolaire fera l’objet d’une autre publication.

[10En effet, les termes des suites sont des nombres rationnels qui semblent « ne pas arriver » au résultat.

[11C’est-à-dire, en partageant en deux l’intervalle des valeurs qui donnent des approximations par défaut et par excès.

[12Les élèves font des hypothèses d’approximation et ceci peut être surprenant car l’école, en général, ne traite pas ces aspects mathématiques. On passe de cette façon au domaine subjectif de chaque élève. Ces hypothèses d’approximation sont en effet le noyau de base des activités que nous proposons qui se rattachent préalablement plus à des intuitions et à des préconceptions qu’aux habilités mathématiques acquises à l’école.

[13D’une manière plus au moins consciente, des références à l’idée d’infini (potentiel et en acte) et à l’idée de limite apparaissent.

[14Un énoncé semblable du problème à été utilisé dans le RMT 2000.

[15En Italie le Collège concerne les trois années qui suivent les cinq ans d’école primaire.

[16Le domaine de référence est le domaine métacognitif.

[17Par « choix responsable » on entend un choix que le sujet fait de manière autonome et en relation avec des validations personnelles et qui n’est pas induit par une pratique didactique ni par des règles acquises.

[18Les élèves sont arrivés à cette conclusion après avoir fait des comptes sur les distances qu’on peut considérer nulles, sur la base des temps qu’on peut relever dans les concours sportifs.

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