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Les élèves et les mathématiques

1. Présentation de cette partie de l’étude

En mathématiques, les élèves apprennent.

Moins sans doute que ce que l’on souhaiterait,
moins peut-être que ce qu’il faudrait
ou qu’il serait possible dans des contextes
plus favorables, mais, enfin, les études
EVAPM, comme d’autres, montrent qu’à
l’évidence des apprentissages se font. On
peut alors se demander dans quel état d’esprit
les élèves abordent ces apprentissages
 ; ne serait-ce que parce l’on sait que
des expériences d’apprentissage vécues de
façon positive contribuent plus facilement
que d’autres à nourrir des savoirs durables.
Certains chercheurs ont cru pouvoir
conclure de leurs études que dans leur
majorité les élèves s’ennuyaient à l’école.
Les études internationales ont répandu dans la presse et dans les discours officiels l’idée, qu’en France, les élèves étaient
particulièrement anxieux face aux mathématiques et que les mathématiques étaient
pour eux une source de stress bien supérieur à ce que l’on observe dans d’autres pays.
Il n’est pas question de contester ici ces études faites de façon sans doute sérieuse,
mais à des niveaux ou dans des conditions particulières. L’un des défauts des
commentateurs et des utilisateurs de ces études est, justement, de ne pas suffisamment
tenir compte de ces conditions. D’une étude faite sur l’ensemble des jeunes de 15 ans,
en mélangeant toutes les catégories de jeunes de cet âge, certains tirent, sans
précaution, des conclusions pour tout le système éducatif, y compris, dans le cas cité,
pour l’école élémentaire, voire maternelle.

Depuis longtemps, nous pensons qu’une étude sur les acquis des élèves devrait
s’accompagner d’une étude sur les conditions dans lesquelles se font les
enseignements et les apprentissages. Il s’agit d’abord du contexte dans lequel se
déroule l’enseignement (voir le questionnaire professeur et l’article d’analyse
statistique), mais il s’agit aussi, en particulier, du rapport des élèves aux
mathématiques.

Concernant ce rapport aux mathématiques et à son enseignement, nous avons donc
élaboré un questionnaire en 31 questions, que les élèves ont rempli, en dehors de la
classe, en toute liberté, après avoir passé les épreuves écrites et orales d’EVAPM. Les
réponses devaient être individuelles, mais les élèves étaient invités à réfléchir aux
questions et à en discuter avec leurs camarades et avec leurs familles et amis.

Construire un tel questionnaire n’avait rien d’évident. Il fallait à tout prix éviter qu’il
puisse être perçu tant par les élèves et leur entourage, que par les enseignants, comme
un questionnaire d’évaluation des enseignants (ce qui n’était, évidemment, ni dans
notre mission, ni notre souhait). Il fallait que le questionnaire puisse passer librement
et sans conflit entre les mains des enseignants à l’aller comme au retour. Donc rien
de personnel que l’enseignant n’ait pas à connaître, rien qui puisse servir à agresser
ou à juger des pratiques et ouvrir sur des conflits. Rappelons ici qu’en ce qui nous
concerne l’anonymat est la règle.
Ceci dit, malgré les tests préalables, nous étions un
peu inquiets de l’accueil qui serait fait à ce questionnaire. Bien sûr, comme pour les
autres éléments d’EVAPM, chaque enseignant était libre de faire passer, ou non, le
questionnaire. Deux ou trois collègues nous ont fait part de leur désaccord, jugeant
que certaines questions étaient de nature à les mettre en difficulté. D’autres
enseignants ont sans doute eu le même sentiment. Nous respectons complètement
leur position et nous en tiendrons compte par la suite.
Cependant, le taux de retour
des questionnaires a largement dépassé nos attentes : 78 % des élèves de sixième et
71% des élèves de cinquième ont soigneusement répondu aux 31 questions posées
(soit, en tout, près de 4 000 élèves). Mieux, de nombreux témoignages nous signalent
que les élèves ont apprécié d’avoir ainsi à donner leur avis et que cette implication a
été largement appréciée par les enseignants concernés. Certains collègues ont
d’ailleurs pu utiliser le questionnaire pour leur enseignement des statistiques.
Le seul
point noir a été le surcroît de travail que ce questionnaire a occasionné pour les
enseignants, la saisie des réponses venant en effet s’ajouter au codage et à la saisie
des réponses aux deux épreuves portant sur les connaissances. Donc d’abord un grand
merci aux élèves et aux professeurs qui ont participé à cette enquête.

Dans cet article, nous ne présentons qu’une synthèse des résultats. Le questionnaire
complet ainsi que les données brutes et semi-traitées sont consultables sur le site,
ainsi que les analyses complémentaires que la place disponible ne permet que
d’évoquer ici : analyse hiérarchique, analyse implicative, analyse des corrélations sur
lesquelles s’appuie notre synthèse. En particulier, nous avons pu corréler les réponses
à ce questionnaire et les autres variables de l’évaluation : en particulier notes scolaires
et scores aux épreuves EVAPM.

Cette synthèse porte sur les réponses des élèves des établissements français de France
et, sauf mention contraire, sur l’ensemble des élèves de sixième et de cinquième.
D’une façon générale, nous n’observons pas de différences importantes entre les
réponses de ces diverses populations.

2. Le rapport des élèves aux mathématiques

Pour la grande majorité des élèves, les mathématiques sont intéressantes (74 %) ; elles
sont utiles dans d’autres matières (84 %) ; elles sont utiles dans la vie de tous les
jours (90 %) ; elles sont utiles dans beaucoup de métiers (87 %). Dans ces conditions,
qui osera encore parler d’un désintérêt (à 11-12 ans) pour les mathématiques ? Certes
il reste 27 % des élèves pour les trouver ennuyeuses, mais en contrepartie 78 % des
élèves estiment que les mathématiques peuvent être amusantes.

Si l’on ajoute que 71 % des élèves déclarent aimer faire des mathématiques et que
moins de 40 % ne font des mathématiques que lorsqu’ils y sont obligés, le tableau
devient presque trop beau. Gardons cependant les pieds sur terre, le plébiscite pour les
mathématiques s’arrête là : seuls 32 % des élèves souhaiteraient qu’il y ait davantage
de cours de mathématiques (36 % encore en sixième, mais seulement 27 % en
cinquième).

3. Le rapport des élèves à l’apprentissage de mathématiques

Une partie des questions concernaient le rapport aux apprentissages mathématiques.
En effet, avoir une bonne image des mathématiques c’est une chose, les apprendre en
est une autre.

Là encore, les élèves semblent assez sereins : les trois quarts des élèves déclarent
apprendre facilement les mathématiques et 62 % d’entre eux disent obtenir de bons ou
d’assez bons résultats. Sur ce point, on observe une différence significative entre les
déclarations des élèves de sixième et celles des élèves de cinquième : 58 % de bons ou
assez bons résultats en cinquième contre 66 % en sixième. Ceci corrobore la différence
de 1 point sur 20 dans les moyennes scolaires observées dans ces classes : 11,99 en
cinquième contre 13,10 en sixième.

Près de 90 % des élèves sont tout à fait d’accord ou assez d’accord pour dire qu’en
mathématiques, ils aiment sentir qu’ils ont compris. Que faut-il penser cependant des
10 % qui ne partagent pas ce sentiment ? L’observation des scores de ces élèves, aux
épreuves EVAPM comme aux notes scolaires, les situe très en retrait par rapport aux
autres : plus d’un demi écart-type sur l’échelle normale réduite. Ont-ils voulu dire que comprendre ne les intéressait pas ou qu’ils avaient rarement le sentiment d’avoir
compris ?

Plus de la moitié des élèves se disent heureux lorsqu’ils cherchent un problème de
mathématiques et 90 % d’entre eux sont heureux lorsqu’ils trouvent. Là encore le
cliché qui veut que, d’une façon générale, les élèves n’aimeraient pas les
mathématiques semble faire long feu. Toutefois, si le « bonheur » de trouver se
maintient de sixième en cinquième, le « bonheur » de chercher passe de 55 % en
sixième à 43 % en cinquième.

Venons-en à la question de l’anxiété. Comme le sujet est délicat et sujet à diverses
interprétations, précisons la forme exacte de notre question :
Item A06 : Avant un devoir de mathématiques, je suis anxieux(se).
Cette question était incluse dans un ensemble de questions plus anodines et était
suivie de la question suivante :
Item A07 : Pendant un devoir de mathématiques, je suis assez décontracté.

Tout à fait d’accord Tout à fait d’accord Assez d’accord Assez d’accord Pas vraiment d’accord Pas vraiment d’accord Pas du tout d’accord Pas du tout d’accord
Sixième Cinquième Sixième Cinquième Sixième Cinquième Sixième Cinquième
A06 : Anxiété 31% 35% 26% 27% 17% 18% 23% 18%
A07 : Décontraction 26% 21% 30% 26% 23% 27% 19% 24%

Dans un questionnaire de ce type, la formulation des questions influe, on le sait, sur
les réponses. Les pourcentages observés pour l’item A06 ne seraient sans doute pas
les mêmes si la question avait été formulée négativement (je ne suis pas anxieux) ou
en utilisant un vocabulaire différent. Pour cette raison, les items A06 et A07 ont été
construits de façon antagoniste : il est en effet difficile d’être en même temps anxieux
et décontracté (ce point est confirmé par l’analyse implicative).

De la lecture du tableau, il ressort qu’environ la moitié des élèves expriment une
certaine anxiété face aux devoirs (et là, il est évident qu’ils pensent aux notes) ; ils
sont aussi, logiquement, environ la moitié à aborder ces devoirs de façon décontractée.
Toutefois le croisement de ces deux variables montre qu’il convient de nuancer ce
résultat : le taux d’élèves à la fois anxieux et contractés se situe à environ 30%, ce
qui est de toute façon suffisant pour que l’on s’intéresse à la question.
Notons encore que les termes d’anxiété et de décontraction peuvent avoir été
interprétés de différentes façons par les élèves. Pour certains, l’anxiété relève déjà de
la pathologie tandis que, pour d’autres, il s’agira de la tension nécessaire et
bienfaisante qui précède une situation dans laquelle on a envie de se dépasser. De
même la décontraction sera perçue par les uns comme un défaut et pour d’autres
comme d’un travail de relaxation nécessaire à la concentration.
Qui dira alors
comment ces termes sont compris dans des cultures différentes de la nôtre et après leur
traduction en finlandais ou en japonais ? Notre modeste questionnaire ne peut suffire
à régler ces questions, mais il n’est pas impossible que la fameuse anxiété des élèves
devant les mathématiques ait été, involontairement, mais fortement, exagérée.

Anxiété ou pas, on est heureux d’apprendre, qu’après un devoir, 80 % des élèves
essaient de comprendre les erreurs qu’ils ont pu faire. D’autre part 60 % des élèves préfèrent la géométrie sans calcul au calcul et 63 % préfèrent les problèmes concrets
(liés à la vie courante).

4. L’aide extérieure

Dans 80 % des cas, les élèves estiment que leurs parents s’intéressent beaucoup, ou
assez, à leurs résultats en mathématiques. Dans les mêmes proportions, ils disent que
leurs parents ou des proches peuvent les aider lorsqu’ils en éprouvent le besoin.

Environ 50 % des élèves déclarent être aidés régulièrement par d’autres adultes que leur
professeur de mathématiques, leurs parents ou des proches. Il est possible que, parmi
ces adultes, il y ait pêle-mêle des professeurs en séances de soutien, des structures
externes d’aide aux devoirs et, sans doute, les cours particuliers ou autres soutiens en
ligne. Ce point reste donc obscur, mais ce qui frappe, c’est que les élèves qui déclarent
être ainsi aidés obtiennent des résultats nettement supérieurs à ceux des autres élèves
aussi bien aux épreuves EVAPM qu’en ce qui concerne leurs notes scolaires (un peu
plus d’un demi écart-type sur l’échelle normale réduite).

L’analyse implicative met en évidence que les élèves qui déclarent être décontractés
obtiennent de bons résultats et semblent relativement peu sujets aux pressions
externes (parents, autres adultes, …). Au contraire les élèves qui se déclarent anxieux
obtiennent de moins bon résultats tout en faisant état d’un suivi des parents plus
important. De plus, les élèves qui sont aidés par d’autres adultes que les parents
déclarent être anxieux dans une plus grande proportion que les autres.

5. Les changements ressentis par rapport au CM2

À ce propos, les mêmes questions ont été posées aux élèves de sixième et aux élèves
de cinquième. Les élèves de cinquième ne semblent pas avoir eu de difficulté à se
remémorer leur expérience de l’an passé. Quoi qu’il en soit, on n’observe pas de
différences notables entre les réponses des élèves de sixième et les réponses des élèves
de cinquième.

Dans leur ensemble, les élèves trouvent qu’en sixième, les mathématiques sont
légèrement plus difficiles qu’au CM2. Ils ne sont que 20 % à les trouver plus faciles,
ou beaucoup plus faciles, tandis qu’ils sont 37% à les trouver plus difficiles ou
beaucoup plus difficiles, 36 % les trouvant d’égale difficulté. Ils sont aussi 65 % à
estimer que les mathématiques demandent plus de travail qu’au CM2 et même 15 %
nettement plus : seuls 8 % disent qu’elles demandent moins de travail.

Cette relative difficulté et cette demande de travail ne semblent pas être source d’un
quelconque rejet ou désintérêt. En effet, 60 % des élèves trouvent les mathématiques
de sixième plus intéressantes que celles du CM2 et ils sont moins de 10 % à les
trouver moins intéressantes.

6. L’avis des élèves sur le volet évaluation des connaissances de notre
enquête

Environ la moitié des élèves ont trouvé les épreuves de connaissances plutôt faciles,
l’autre moitié les ayant trouvées plutôt difficiles ; ils ne sont que 7 % à les avoir
trouvées très difficiles et 11 % à les avoir trouvées très faciles. Plus des deux tiers des
élèves ont trouvé les questions des épreuves de connaissances, écrites et orales, plutôt intéressantes. Ils sont même 15 % à les avoir trouvées très intéressantes. Cependant
un peu de plus de 20 % des élèves les ont trouvées ennuyeuses, voire très ennuyeuses
(5 % des réponses).

Aussi bien en sixième qu’en cinquième, le questionnaire oral et visuel a été perçu
comme légèrement plus facile et légèrement moins intéressant que le questionnaire
écrit (différence de 10 %).

À noter que les filles de sixième, de façon significative, ont trouvé le questionnaire
oral plus difficile que les garçons. On a vu dans l’article sur l’étude statistique des
résultats que cela se traduit aussi par une réussite moindre du questionnaire oral pour
les filles que pour les garçons.

Enfin, s’ils sont 7 % à souhaiter qu’il y ait très souvent des évaluations de ce genre,
ils sont aussi 18 % à se méfier suffisamment de l’évaluation pour préférer qu’il n’y
en ait jamais. Les 75 % restant souhaitent qu’il y en ait souvent (18 %) ou au moins
parfois (53 %).

7. Questions relatives à la qualité des réponses

On peut effectivement se demander dans quelle mesure les réponses des élèves sont
sincères. Le fait que les élèves qui déclarent avoir habituellement de bons résultats
sont aussi ceux qui, statistiquement, obtiennent les meilleurs résultats aux épreuves
EVAPM et obtiennent les meilleures notes scolaires, est un premier indice de la
sincérité des résultats.

L’analyse implicative, d’autre part, montre une grande cohérence dans les réponses.
Les élèves qui déclarent apprendre facilement les mathématiques ont aussi tendance à
déclarer qu’ils les aiment et qu’ils les trouvent intéressantes. Ceux qui trouvent les
mathématiques ennuyeuses déclarent n’en faire que lorsqu’ils y sont obligés. On
pourrait multiplier les exemples à l’envi ; le lecteur intéressé est invité à se reporter
aux documents complémentaires.

8. Conclusion

Cette enquête auprès des élèves met en défaut bien des clichés. Il en ressort que, dans
leur grande majorité, les élèves de sixième et de cinquième aiment les mathématiques,
qu’ils les trouvent intéressantes et utiles. L’image des mathématiques est bonne et les
raisons comme le désir d’apprendre semblent bien présents.

Dans la mesure où, pour les raisons indiquées dans cet article, nous nous sommes
interdit de poser la question de la place de l’enseignant, nous ne pouvons pas affirmer
que ce rapport positif des élèves aux mathématiques est le fruit des efforts des
enseignants, mais il y a bien des raisons pour en créditer assez largement les
enseignants.

Enfin, notre étude ne remet pas radicalement en cause les observations qui ont pu être
faites à des niveaux plus élevés de la scolarité. Il n’est évidemment pas certain que
nous aurions obtenu des réponses de même type en fin de troisième ou en fin de
seconde, ou avec une population d’adultes pris au hasard. La question qui se pose est
de savoir comment maintenir ce rapport positif aux mathématiques, pour le plus
grand nombre d’élèves, tout au long de leur scolarité et quelles que soient les orientations qu’ils puissent prendre. De nombreuses initiatives existent dans ce sens
qui demandent à être fortement encouragées par l’institution et non considérées,
comme cela est parfois le cas, comme une perte de temps nuisible à l’acquisition des
savoirs fondamentaux.

Outre les informations qu’il apporte, nous espérons que ce questionnaire aura montré
qu’il était possible de demander aux élèves leur avis sans fragiliser l’autorité de
l’enseignant ou sans avoir en retour à céder sur les objectifs de formation que l’on se
donne. Au contraire amener les élèves à réfléchir sur le sens de leurs apprentissages
ne peut que contribuer à renforcer leur motivation et donc, finalement, à la qualité de
ces derniers.

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