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Les triplets pythagoriciens : une source d’exercices et problèmes au lycée et au collège ?

Introduction


Dans les « Nouveaux éléments de géométrie » d’Antoine Arnauld, édition de 1683, on lit [1] : « Tout nombre composé de deux carrés, comme 4 + 1 (5), 9 + 4 (13), 16 + 1 (17), 16 + 9 (25), a son carré égal à deux carrés. Et il n’y a que ces nombres-là, ou leurs multiples, qui aient cette propriété ».
Il est clair qu’il faut entendre carrés non nuls, car pour tout $n, n^{2} = n^{2} + 0^{2}$.
Je désignerai par (P1) la première de ces deux affirmations, par (P2) la deuxième.
(P1) n’est pas exacte si l’on ne précise pas « tout nombre composé de deux carrés différents… » ; en effet, $8 = 2^{2} + 2^{2}$, pourtant 64 n’est pas somme de deux carrés non nuls. Moyennant cette précision, la démonstration donnée par Arnauld est élémentaire, et peut faire l’objet d’un exercice de calcul littéral : en effet, en notations modernes, si $n = a^{2} + b^{2}$, alors

$n^{4} = a^{2} + 2a^{2}b^{2} + b^{4} = a^4 - 2a^{2}b^{2} + b^{4} + 4a^{2}b^{2} = (a^{2} - b^{2})^{2} +(2ab)^{2}$

Arnaud aurait pu ajouter (P3) : « tout nombre multiple d’une somme de deux carrés (inégaux) a son carré égal à deux carrés » (même démonstration en introduisant un facteur k).
Ceci permet de trouver une infinité de triplets pythagoriciens (longueurs entières de côtés de triangles rectangles).
Exemple : sachant que $51 = 3(4^{2} + 1^{2})$, on en déduit qu’il existe un triangle rectangle dont les côtés ont une longueur entière, d’hypoténuse $51$ ; en effet :

$$51^{2} = 2601 = 3^{2}(4^{2} - 1^{2})^{2}+ 3^{2}(2\times{4}\times{1})^{2} = 45^{2} + 24^{2}$$


L’affirmation (P2) n’est autre que la réciproque de (P3) ; elle permet de dire que les triplets trouvés ci-dessus sont les seuls. Mais je n’ai pas trouvé sa démonstration générale dans le texte d’Arnauld, ni dans les notes de D. Descotes [2]. J’ai entrepris de rédiger cette démonstration avec des notations modernes. Je pense que les enseignants de divers niveaux pourraient en tirer des exercices ou problèmes. J’ai vérifié a posteriori qu’elle correspond en substance à l’article « Triplets pythagoriciens » de Wikipedia.

Soit donc à prouver la propriété suivante (toutes les lettres désignant des entiers strictement positifs) :

Si $n^{2}= A^{2} + B^{2}$, alors il existe $k$, $a$, $b$ tels que $n = k(a^{2} + b^{2})$.

1. Réduction du problème

Supposons $n^{2} = A^{2} + B^{2}$ ; soit $k$ le PGCD de $A$ et $B$. Posons : $A’ = \frac{A}{k}$, $B’ = \frac{B}{k}$ : $A’$ et $B’$ sont donc premiers entre eux. On a $n^{2} = k^{2}({A’}^{2} + {B’}^{2})$ ; $n$ est donc multiple de $k$ (car tout facteur premier de $k$ est forcément facteur premier dans $n^{2}$, donc dans $n$). On pose ; alors où $A’$ et $B’$ sont premiers entre eux. $A’$ et $B’$ ne sont donc pas tous deux pairs ; ils ne sont pas non plus tous deux impairs, car s’ils l’étaient, on aurait ${n’}^{2} = (2p+1)^{2}+(2q+1)^{2}= 4(p^{2}+{q}^2+p+q)+2$ ; ${n’}^{2}$ serait pair mais non multiple de 4, ce qui est impossible pour un carré. Les rôles de $A’$ et $B’$ étant symétriques, nous pourrons supposer dans la suite que $A’$ est impair et $B’$ pair.

2. Solution du problème réduit

Étant donnés $A’$ et $B’$ premiers entre eux, $A’$ impair, $B’$ pair, et tels que $ {A’}^{2} + {B’}^{2} = {n’}^{2} $, on cherche une solution dans $N^{*}$ de l’équation à deux inconnues $a$
et $b$ :

$a^{2} + b^{2} = n’ (E)$

Remarquons que $n’$ est impair, et premier avec $A’$ et avec $B’$.
L’égalité $ {A’}^{2} + {B’}^{2} = {n’}^{2} $ s’écrit aussi $(n’ - A’)(n’ + A’)={B’}^{2} $.
Tout diviseur commun à $n’ - A’$ et $n’ + A’$ divise $2n’$ et $2A’$, donc divise 2 (puisque $ n’ $ et $ A’$ sont premiers entre eux). Les deux nombres étant pairs, leur pgcd est 2.
On pose $ n’ + A’ = 2u $ et $ n’ - A’ = 2v $, avec ; u et v, étant des entiers naturels premiers entre eux dont le produit est un carré, sont des carrés. On pose $ u = a^{2} $ et $ v = b^{2} $ ; il vient aussitôt : $a^{2} + b^{2} = n’ $.

Première conclusion : si $A’$ et $B’$ sont premiers entre eux, $A’$ impair, $B’$ pair, et tels que $ {A’}^{2} + {B’}^{2} = {n’}^{2} $ alors $n’ = a^{2} + b^{2} $, avec $ a = \sqrt {\frac {n’+A’}{2}} $ et $ b = \sqrt {\frac {n’-A’}{2}} $.
Exemple numérique : ${25}^{2} = 625 = 7^{2} + {24}^{2} $ ; $ a = \sqrt {\frac {25+7}{2}} =4 $ ; $ b = \sqrt {\frac {25-7}{2}} = 3 $ ; on a bien $ 25 = 4^{2} + 3^{2} $.

Deuxième conclusion : si $n^{2} = A^{2} + B^{2}$, et $k$ le pgcd de $A$ et $B$, alors $ n = k(a^{2} + b^{2}) $, avec $ a = \sqrt {\frac {n+A}{2k}} $ et $ b = \sqrt {\frac {n-A}{2k}} $.
Exemple numérique : ${25}^{2} = 625 = {15}^{2} + {20}^{2}$ : $ k = pgcd(15, 20) = 5 $ ; $ a = \sqrt {\frac {25+15}{2\times5}} = 2 $ ; $ b = \sqrt {\frac {25-15}{2\times5}} = 1$ ; on a bien $ 25 = 5(2^{2} + 1^{2})$.
Remarque : les valeurs de a et b étant trouvées, on pourrait rédiger la démonstration beaucoup plus brièvement, en « parachutant » ces valeurs ; mais on perdrait alors tout intérêt pédagogique.

Conclusion générale : les triplets pythagoriciens sont exactement les triplets $(x,y,z)$ tels que $ x = k(a^{2} + b^{2}) $, $ y = k(a^{2} - b^{2}) $, $ z = 2kab $, $a$, $b$, $k$ naturels non nuls
quelconques tels que b < a.

3. Mise en œuvre dans nos classes.

a) Au collège, aussitôt vu le théorème de Pythagore et sa réciproque, ainsi que l’exemple 3, 4, 5, on peut lancer le défi : construire dans une feuille A4 le plus possible de triangles rectangles différents, à côtés de longueur entière, en centimètres.
Pour éviter des enchevêtrements de dessins anarchiques, il vaudra mieux imposer d’emblée que les côtés de l’angle droit soient parallèles aux bords de la feuille. Après un temps de recherche libre, les élèves devraient être amenés à une systématisation, et à transformer le problème graphique en problème numérique. On pourra alors les
inciter à utiliser le tableur ; il y a plusieurs moyens de le faire ; le plus synthétique que j’ai trouvé est le suivant :
– on entre dans la colonne A, à partir de A2, les entiers de 1 à 21 ;
– on entre dans la ligne 1, à partir de B1, les entiers de 1 à 29 ;
– en B2, on entre la formule :

=SI(ENT(RACINE(B$1^2+A$2^2))=0 ; RACINE(B$1^2+A$2^2) ;" ")

– on recopie vers le bas, puis vers la droite : on obtient ainsi un tableau où apparaissent les longueurs possibles pour l’hypoténuse, les longueurs des côtés correspondants se lisant en colonne A et en ligne 1 ; les cases où le résultat n’est pas entier restent vides. On trouvera 12 triangles à tracer, dont deux d’hypoténuse 25 : côtés 15 et 20, ou 7 et 24 (cf. exemples dans partie 2.) Voir la figure ci-dessous :

Le tracé effectif de ces triangles pourra être l’occasion de se familiariser avec un logiciel de géométrie :

Ceci fait, rien n’empêche de demander les longueurs entières en millimètres : il suffira, sur le tableur, de « tirer » vers la droite jusqu’à 210, vers le bas jusqu’à 297, … mais pas question de les dessiner tous !
On peut aussi poser une question de probabilités : probabilité d’avoir une hypoténuse entière dans un triangle rectangle, les côtés de l’angle droit étant tirés au hasard entre 1 et 20 (par exemple).

b) En Troisième ou Seconde, la démonstration de P1 vue dans l’introduction peut être une bonne occasion de mobiliser les identités remarquables.

c) En Première S, on peut envisager un TPE (interdisciplinarité maths/histoire ?) où, après la recherche d’exemples comme en collège, et la consultation d’ouvrages historiques, on aborderait les généralisations vues dans les parties 1 et 2.

d) En Terminale S, dans le cadre du cours d’arithmétique (spécialité), on peut donner en devoir maison l’ensemble de la recherche vue plus haut ; je laisse le soin aux collègues concernés de rédiger les questions, en fonction du niveau de leurs élèves, de façon à les guider sans leur ôter toute initiative.

Liste non limitative, bien sûr !
<redacteur|auteur=103>

Notes

[1In Géométries de Port-Royal, par Blaise Pascal, Antoine Arnauld, François de Nonancourt - édition critique par Dominique Descotes - Éditions Honoré Champion, 2009 - page 327.

[2Cette propriété était connue d’Euclide, d’après le Dictionnaire des Mathématiques d’A. Bouvier, M. Georges, F. Le Lionnais, article Pythagore, triplets pythagoriciens

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