487

Orthocentre, cercle d’Euler et hyperbole équilatère

L’étude géométrique est de J.-P. Friedelmeyer,
l’adaptation au niveau lycée et les activités GeoGebra sont de Marc Roux.
Les fichiers GeoGebra sont sur le site de l’APMEP,
rubrique Publications, Bulletin Vert, Sommaires

Le premier et le dernier des trois objets énumérés dans le titre de cet article sont bien connus individuellement des élèves de lycée, et leurs professeurs connaissent aussi le cercle d’Euler. Ce qui est moins classique, c’est leur remarquable conjugaison dans quelques belles propriétés géométriques pour lesquelles chacun joue un rôle spécifique et irremplaçable, tel un trio musical.
L’hyperbole équilatère se réduit aujourd’hui dans l’enseignement secondaire à un nom qualifiant la représentation graphique de la fonction $x \mapsto \frac{k}{x}$ dans un repère orthonormal, sans aucun contenu géométrique. Or elle a, tout comme le cercle, de
nombreuses propriétés qui peuvent donner lieu à d’intéressants exercices au niveau du lycée.

 

Première partie : étude géométrique

 

1. Une définition géométrique de l’hyperbole équilatère

Soit un segment $[A’A] $de longueur $2a$ dans un plan $(\Pi)$. De même que le cercle de diamètre $[A’A]$ peut être considéré comme l’ensemble des points $M$ de $(\Pi)$ tels que la
somme des angles et du triangle $MAA’$ mesure 90°, nous appellerons hyperbole équilatère $(H)$ de sommets $A$ et $A’$ l’ensemble des points $P$ du plan $(\Pi)$ tels que la différence en valeur absolue des angles $\hat {A}$ et $\hat A’$ du triangle $PAA’$ mesure $90^o$.
Cette définition entraîne directement que $(A’A) $ et la médiatrice de $[AA’]$ sont des axes de symétrie pour l’hyperbole $(H)$, et leur intersection $O$ un centre de symétrie que nous appellerons centre de l’hyperbole. Nous appellerons le cercle de diamètre $[A’A]$
cercle principal de l’hyperbole $(H)$. Soit $[BB’]$ le diamètre perpendiculaire à $[A’A]$.

 

2. Construction point par point de $(H)$

$P$ étant un point de $(H)$ pour lequel l’angle du triangle $PAA’$ est plus grand que l’angle $\hat {A’}$, soit $M$ la seconde intersection de $(A’P)$ avec le cercle principal ; on a :

$$\widehat{PAA’} - \hat {A’} = 90^o ; \widehat {MAA’} + \hat {A’} = 90^o,$$

donc en additionnant membre à membre :

$$ \widehat{PAA’} + \widehat{MAA’} = 180^o$$

ce qui signifie que les droites $(AM)$ et $(AP)$ sont symétriques par rapport à $(A’A)$, ainsi que par rapport à $(AL)$ perpendiculaire en $A$ à $(A’A)$. D’où la construction de $P$ : on prend un point $M$ sur le demi-cercle principal contenant $A$. Alors $P$ est l’intersection de $(A’M)$ avec la symétrique de $(AM)$ par rapport à $(AL)$ (figure 1).

Une construction analogue, permutant le rôle de $A$ et $A’$ donnera la branche complémentaire de $(H)$. Remarquons que lorsque $M$ se trouve en $B$ ou $B’$, les droites utiles pour la construction de $P$ sont parallèles : le point $P$ n’existe pas.

La figure dynamique correspondante se réalise facilement avec GeoGebra ou tout autre logiciel de géométrie dynamique : on place A sur l’axe (Ox), on trace le cercle de centre O passant par A, on appelle A’ son autre intersection avec (Ox), M un point libre sur le cercle ; on trace les droites (A’M) et (MA), puis la symétrique de celle-ci par rapport à (Ox) : son intersection avec (A’M) est P. Si le logiciel dispose de la commande « lieu », le lieu de P est l’hyperbole cherchée ; sinon, activer la Trace de P et déplacer
M. Voir fichier GeoGebra « Construction1 », sur le site de l’APMEP, rubrique Publications, Bulletin Vert, Sommaires.

 

3. Équation de $(H)$

Soit $(\vec i, \vec j)$ le repère orthonormal porté par $\overrightarrow{OA}$ et $\overrightarrow{OB}$ et $p$ la projection orthogonale de $P(x,y)$ sur $(A’A)$. La similitude des triangles $A’pP$ et $PpA$ donne pour $x \geq a$, $\frac{pP}{pA}=\frac{pA’}{pP}$, donc ${pP}^2 = pA.pA’$, soit $y^2 = (x-a).(x+a)$ ou

$x^2 - y^2 = a^2. \hspace{10cm} (1)$

Cette équation s’étend sans difficulté à la totalité de la courbe $(H)$ par les symétries mises en évidence. En remplaçant le repère $(\vec i, \vec j)$ par le repère $(\vec I, \vec J)$ tel que $\vec I = \frac{1}{\sqrt 2}(\vec i + \vec j)$ et $\vec J = \frac{1}{\sqrt 2}(\vec i - \vec j)$, l’équation $(1)$ devient

$XY = \frac{a^2}{2}. \hspace{10cm} (2)$

ce qui permet de retrouver la définition scolaire de l’hyperbole équilatère évoquée au début de cet article. En particulier nous mettons ainsi en évidence les asymptotes que sont les bissectrices des axes $(A’A)$ et $(B’B)$. Cela montre également qu’il existe une et une seule hyperbole équilatère d’asymptotes données perpendiculaires et passant par un point donné non situé sur elles.

 

4. Propriétés des cordes d’une hyperbole équilatère

Soient $M$ et $M’$ deux points distincts d’une hyperbole équilatère de centre $O$ et d’asymptotes $(OX)$ et $(OY)$. Nous avons fait deux figures, selon que $M$ et $M’$ sont sur la même branche ou sur des branches distinctes de l’hyperbole (figures 2 et 3). La droite $(MM’)$ coupe les asymptotes en $N$ et $N’$ respectivement. Soient $P$ et $Q$ les
projections orthogonales de $M$ sur $(OX)$ et $(OY)$, $P’$ et $Q’$ celles de $M’$. L’équation $(2)$ se traduit par $MP. MQ = M’P’ .M’Q’$ ou $\frac{MP}{M’P’} = \frac{M’Q’}{MQ}$ ce qui entraîne par Thalès :
$\frac{MN}{M’N} = \frac{M’N’}{MN’}$ d’où $\frac{NM}{NM’ - NM} = \frac{N’M’}{N’M - N’M’}$ ou encore, $MN = M’N’$ (utiliser la propriété : si $\frac{a}{b} = \frac{c}{d}$, alors $\frac{a}{b - a} = \frac{c}{c - d}$). D’où le

Théorème 1. Si une droite coupe une hyperbole équilatère en deux points $M$ et $M’$, et ses asymptotes en $N$ et $N’$, alors $[MM’]$ et $[NN’]$ ont même milieux.

Par ailleurs, soient $R$ l’intersection de $(MP)$ et $(M’Q’)$, $S$ celle de $(MQ)$ et $(M’P’)$, $I$ celle de $(MM’)$ et $(RS)$ qui est aussi le milieu commun des diagonales $[MM’]$ et $[RS]$ du rectangle $RM’SM$ ; les deux triangles $MSM’$ et $NON’$ sont homothétiques, dans une homothétie de centre $O$. Par conséquent les points $O$, $S$, $I$ et $R$ sont alignés. Ajoutons que si les points $M$ et $M’$ viennent à coïncider en un point $T$, la droite $(MM’)$ devient tangente à l’hyperbole, le point $T$ étant le milieu du segment $[NN’]$.

 

5. Cas de deux cordes perpendiculaires

Lorsque l’on considère simultanément deux cordes perpendiculaires, les droites joignant le centre aux milieux de ces cordes sont elles mêmes perpendiculaires. Cela découle du résultat plus général démontré dans le lemme suivant, et du fait que les milieux des cordes sont confondus avec les milieux des segments déterminés par les intersections avec les asymptotes.

Lemme. Soient deux droites perpendiculaires $(Oa)$ et $(Ob)$ coupées par deux droites perpendiculaires $(d)$ et $(d’)$ en des points $A$ et $B$ (resp. $A’$ et $B’$) ; soient $M$ et $M’$ les milieux de $[AB]$ et $[A’B’]$ ; alors l’angle $MOM’$ est droit.

En effet (figure 4) : considérons la similitude de centre
$O$ transformant $[OA’]$ en $[OB]$. Elle transformera la droite $(a)$ en la droite $(b)$ et la droite $(d’)$ en la droite $(d)$, donc le point $B’$ en le point $A$, le segment $[A’B’]$ en $[BA]$ et le milieu $M’$ en le milieu $M$, et donc la droite $(OM’)$ en une droite perpendiculaire $(OM)$.

Réciproquement : si $M$ est le milieu de $[AB]$ et si $(OM)$ est perpendiculaire à $(OM’)$, la même relation conduit à $(d’,OM’) = (a,d)$ puis au fait que le triangle $OM’B’$ est isocèle de sommet $M’$ et donc que $M’$ est le milieu de $[A’B’]$.

 

6. Construction de la tangente en un point de l’hyperbole équilatère

La dernière propriété nous donne une construction très simple de la tangente en un point $M$ quelconque de l’hyperbole. Il suffit, en effet, de tracer le cercle centré en $M$ passant par le centre $O$ de l’hyperbole et de joindre les intersections de ce cercle avec les asymptotes (figure 5).

 

7. Une autre construction de l’hyperbole point par point

Les propriétés mises en évidence ci-dessus permettent
aussi la construction d’un point courant $M’$ d’une hyperbole équilatère dont on connaît un point $M$ et les deux asymptotes. Il suffit de tracer une droite quelconque par $M$, de prendre le milieu $I$ du segment $[NN’]$ défini par les intersections avec les asymptotes. Le symétrique $M’$ de $M$ par rapport à $I$ est sur l’hyperbole (figure 6).

 

Ici aussi on pourra facilement faire cette construction avec un logiciel de géométrie, en suivant strictement les indications ci-dessus ; cependant, pour définir la droite quelconque passant par $M$, il faudra utiliser un point $D$ qui parcourt un cercle (ou toute autre courbe fermée) entourant $M$, à défaut de quoi la fonction « lieu » ne fonctionne pas. Voir fichier GeoGebra « Construction 2 ».

 

8 . Triangle inscrit dans une hyperbole équilatère et cercle d’Euler

Rappelons que le cercle d’Euler d’un triangle est aussi appelé cercle des neufs points, parce qu’il passe par les trois milieux des côtés, les trois pieds des hauteurs et les trois milieux des segments joignant l’orthocentre aux trois sommets du triangle.

Considérons un triangle $ABC$ dont les trois sommets sont situés sur une hyperbole équilatère $(H)$ de centre $O$ et d’asymptotes $(OX)$ et $(OY)$. Nous allons démontrer que $O$ appartient au cercle d’Euler du triangle $ABC$. La figure 7 est faite en prenant deux
points $A$ et $B$ sur la même branche et le troisième $C$ sur l’autre, mais la démonstration s’adapte au cas ou les trois points sont sur une même branche. Soient $A’$, $B’$, $C’$ les milieux des côtés, $D$ et $E$ les intersections de $(AC)$ (respectivement $F$ et $G$ celles de $(BC)$) avec les asymptotes. En vertu des propriétés démontrées au § 4., $B’$ est aussi
le milieu de $[DE]$ et $A’$ celui de $[FG]$. Alors, du fait que les asymptotes sont perpendiculaires, les triangles $OB’D$ et $OA’F$ sont isocèles, et l’on a, modulo $\pi$ :

$ \begin{align} (OB’,OA’) &= (OB’,OD) + (OD,OF) + (OF,OA’) \\ &= (Da,DA) + (Oa,Ob) + (FB,Fb) \\ &= (Oa,A’C’) + (Oa,Ob) + (B’C’,Ob) \\ &= (C’B’,C’A’) \\ \end{align} $

en utilisant le fait que les triangles $DOB’$ et $FOA’$ sont isocèles.
Les points $A’$, $B’$, $C’$ et $O$ sont donc cocycliques et donc :

Théorème 2. Le cercle d’Euler d’un triangle ABC inscrit dans une hyperbole équilatère passe par le centre de l’hyperbole.

Encore une situation qui s’illustre facilement avec GeoGebra : on construit l’hyperbole (par exemple par l’équation $x^2 - y^2 = k$, $k$ étant piloté par un curseur) ; on place dessus $A$, $B$, $C$, on trace le triangle ; on demande les milieux $A’$, $B’$, $C’$, et le cercle passant par ces trois points : on constatera que, où que l’on mette $A$, $B$, $C$, le cercle passe toujours par $O$.

Inversement, tout point $O$ du cercle d’Euler d’un
triangle $ABC$ est le centre d’une hyperbole équilatère
passant par $A$, $B$ et $C$. Déterminons en effet, sur $(BC)$
les points $b$ et $c$ tels que $A’b = A’c = A’O$ ; l’hyperbole équilatère d’asymptotes $(Ob)$ et $(Oc)$
passant par $B$ passera aussi par $C$, symétrique de $B$
par rapport à $A’$, milieu de $[bc]$ (figure 8). Reste à
démontrer qu’elle passe aussi par $A$, ce qui revient à
démontrer que, si $a$ et $d$ sont les intersections des
asymptotes avec $(AC)$, alors $[AC]$ et $[ad]$ ont même
milieu $B’$.
Pour cela, montrons que les angles $(aB’,aO)$ et $(aO,OB’)$ sont égaux modulo $\pi$, en utilisant le fait que le triangle $ObA’$ est isocèle. Or

$ \begin{align} (aO,OB’) &=(aO,Ob) + (Ob,OA’) + (OA’,OB’) = (Oa,Ob) +(BC,Ob) + (C’A’,C’B’)\\ &= (Oa,Ob) +(BC,Ob) + (CA,CB) = (Oa,Ob) + (AC,Ob)\\ \end{align} $

et

$ \begin{align} (aB’,aO) = (AC,Ob) + (Ob,Oa) \end{align}$

Les deux angles sont donc égaux ; le triangle $aB’O$ est isocèle et comme le triangle $aOd$ est rectangle en $O$, $B’$ est bien le milieu de $[ad]$.

 

9. Orthocentre d’un triangle inscrit

Soit ABC un triangle inscrit dans une hyperbole équilatère $(H)$ et $(Aa)$ la hauteur issue de $A$, avec $a$ pied de la hauteur. Soit $K$ le second point d’intersection de cette hauteur avec $(H)$. Le cercle d’Euler du triangle $ABC$ passe par $a$ et par le centre $O$ de l’hyperbole. Soit h le second point d’intersection du cercle d’Euler et de la hauteur $(Aa)$. Comme $(hA’)$ est un diamètre, $(Oh)$ et $(OA’)$ sont perpendiculaires. Donc d’après le lemme, comme $A’$ est le milieu de la corde $[BC]$, $h$ est aussi le milieu de la corde $[AH]$, donc $K$ est l’orthocentre du triangle $ABC$ (figure 9). D’où le

Théorème 3. L’orthocentre d’un triangle inscrit dans une hyperbole équilatère appartient aussi à cette hyperbole.

On le vérifiera graphiquement en ajoutant, sur la figure dynamique GeoGebra précédente, les trois hauteurs et leur intersection.

 

10. Application : hyperbole équilatère passant par quatre points

L’ensemble de ces résultats permet de montrer qu’il existe une et une seule hyperbole équilatère $(H)$ passant par quatre points $A$, $B$, $C$, $D$ donnés, non alignés trois à trois et ne formant pas un « quadruple orthocentrique » (c’est-à-dire tels que l’un ne soit
pas orthocentre du triangle formé par les trois autres).

En effet, les cercles d’Euler des triangles $ABC$ et $DBC$ par exemple, ont le milieu $A’$ de $[BC]$ en commun, donc encore en général un autre point $O$ (figure 10). $O$ étant sur le cercle d’Euler de $ABC$, il existera une unique hyperbole équilatère passant par $A$, $B$ et $C$, de centre $O$ et d’asymptotes $(Ob)$ et $(Oc)$, $b$ et $c$ étant les points de $(BC)$ tels que $A’b = A’c = A’O$. Mais $O$ étant aussi sur le cercle d’Euler de $DBC$, il existera une hyperbole équilatère passant par $D$, $B$ et $C$, de centre $O$ et d’asymptotes $(Ob’)$ et $(Oc’)$, $b’$ et $c’$ étant les points de $(BC)$ tels que $A’b’ = A’c’ = A’O$. C’est donc la même que celle passant par $A$, $B$ et $C$.

Cette démonstration ne convient pas lorsque $D$ est l’orthocentre du triangle $ABC$ car, dans ce cas, les triangles $ABC$ et $DBC$ ont même cercle d’Euler. On retrouve le fait que toute hyperbole équilatère passant par les trois sommets d’un triangle, passe aussi par leur orthocentre. Dans ce cas il y a une infinité d’hyperboles équilatères passant par les quatre points $A$, $B$, $C$, et $D$.

Une autre situation pose problème, celle où $(DA)$ est perpendiculaire à $(BC)$ sans que $D$ soit l’orthocentre de $ABC$. Dans ce cas, le centre $O$ de l’hyperbole est situé sur $(BC)$, l’hyperbole est dégénérée en ses asymptotes qui sont portées par $(BC)$ et $(AD)$.

Illustration GeoGebra : le logiciel donne automatiquement la conique passant par cinq points ; si on demande celle passant par $A$, $B$, $C$, $M$ et $H$ ($M$ point quelconque, $H$
orthocentre de $ABC$), on verra qu’il s’agit bien d’une hyperbole équilatère ; impression visuelle encore confirmée en demandant ses asymptotes. On pourra en déplaçant $M$ visualiser les cas où elle est dégénérée. Voir fichier GeoGebra « HypEqui5points ».

L’utilisation de ce résultat rend alors possible une démonstration analytique, au niveau du lycée, de la propriété énoncée par Rivoallan dans le BV no 480, p. 543 :

Dans un plan on considère un triangle $ABC$ et un point $M$ quelconque non situé sur les droites $(AB)$, $(BC)$, $(CA)$. Soient $A’$, $B’$, $C’$ les orthocentres des triangles $MBC$, $MCA$, $MAB$. Alors les triangles $ABC$ et $A’B’C’$ ont la même aire.

Voir seconde partie, B.3.2.

 

Seconde partie : travaux dirigés et problèmes – Terminale S

 

Nous avons cherché à mettre ce qui précède à la portée d’un lycéen moyen. Pour cela, la géométrie analytique nous a paru préférable, et nous avons tenté d’introduire le moins possible de notions hors du programme actuel : nous ne parlerons donc ni du cercle d’Euler, ni de l’équation générale des coniques. Cependant nous n’avons pas pu
échapper à un changement de repère.
Ces activités pourraient s’étaler sur plusieurs séances, et être faites en partie à la maison.

 

A : préliminaires

1. Hyperbole équilatère et orthocentre.

 

Rappels : la représentation graphique dans un repère orthonormal de la fonction « inverse » $f(x) = \frac{1}{x}$ est appelée « hyperbole équilatère » ; plus généralement, toute fonction définie par $f(x) = \frac{k}{x}$ ($k$ réel non nul quelconque) a pour
représentation dans un repère orthonormal une hyperbole équilatère, ayant les axes pour asymptotes. Son équation (dans un repère orthonormal porté par les asymptotes) est donc $y = \frac{k}{x}$ ou, ce qui revient au même, $xy = k$.

1.1 Travaux dirigés sur GeoGebra :

a) Créer un curseur $k$, puis la courbe $\Gamma$ d’équation $xy = k$ ; faire varier $k$ ; observer ce qui se passe quand $k$ augmente, diminue, devient nul, devient négatif, …

b) Placer trois points $A$, $B$, $C$ sur $\Gamma$ ; construire l’orthocentre $H$ du triangle $ABC$ (intersection de 2 hauteurs) ; comme il y aura plusieurs fois dans cette activité à placer des orthocentres, on a intérêt à créer un « Outil », baptisé « orthocentre », avec comme objets initiaux $A$, $B$, $C$, comme objet final $H$. Que remarque-t-on ? Déplacer $A$, $B$, $C$, faire varier la valeur de $k$, pour vérifier que la remarque faite reste vraie dans tous les cas.
Voir fichier GeoGebra « Figure 1 ».

 

1.2. Nous allons démontrer la conjecture faite en 1.1.b). Pour cela, on suppose que $k$ = 1 (sinon, il suffit de changer l’unité, et éventuellement le sens d’un des vecteurs du repère). On appelle $a$, $b$, $c$ les abscisses de $A$, $B$, $C$.
a) Quelles sont les ordonnées de $A$, $B$, $C$ ?
b) Calculer les coordonnées de $H$, en fonction de $a$, $b$, $c$ (utiliser le produit scalaire).
c) Montrer que $H$ est sur $\Gamma$.

 

2. Hyperbole équilatère passant par 4 points.

2.1. Travaux dirigés préparatoires sur GeoGebra (nouvelle feuille de travail)
a) Créer un triangle $ABC$, et un point $M$, libres. On évitera de placer $M$ sur les droites $(AB)$, $(BC)$, $(CA)$. Construire $H$, orthocentre de $ABC$.
b) Créer un curseur $k$ (nombre, de −5 à 5 par exemple, pas 0,01 ou 0,02), un curseur $\alpha$ (angle de −180° à +180°, pas 1°), un point libre $V$, le vecteur $ \vec{v} = \overrightarrow{OV}$ ; créer $\Gamma$, hyperbole équilatère d’équation $xy = k$ ; créer $\Gamma’$, image de $\Gamma$ par la rotation de centre $O$, d’angle $\alpha$ ; créer $\Gamma’’$, image de $\Gamma’$ par la translation de vecteur $\vec{v}$ ; on pourra cacher $\Gamma$ et $\Gamma’$.
c) En agissant sur les curseurs et en déplaçant $V$, amener par tâtonnements l’hyperbole équilatère $\Gamma’’$ dans une position où elle passe par $A$, $B$ et $C$. Constater qu’elle passe aussi par $H$. Montrer qu’on peut l’amener à passer par M. Déplacer ces quatre points, recommencer plusieurs fois.
Voir fichier GeoGebra « Figure 2 ».
d) Pour vérifier autrement ce que l’on a constaté, et pour étudier des cas particuliers, sur une nouvelle figure GeoGebra, créer la conique passant par les cinq points $A$, $B$, $C$, $M$ et $H$, puis ses asymptotes (les coniques sont les courbes dont les équations sont du second degré ; elles comprennent les hyperboles, les paraboles et les ellipses). Que se passe-t-il lorsque la droite joignant un sommet du triangle $ABC$ à $M$ est perpendiculaire au côté opposé ? Quand $M$ est confondu avec $H$ ?
Voir fichier GeoGebra « HypEqui5points ».

 

2.2. Conjecture : d’après ce qui précède, on peut émettre la conjecture : par quatre points quelconques du plan, trois à trois non alignés, il passe toujours une hyperbole équilatère. Il en passe une infinité si $M$ est l’orthocentre des trois autres. Lorsque la droite joignant un sommet du triangle $ABC$ à $M$ est perpendiculaire au côté opposé, l’hyperbole est « dégénérée », c’est-à-dire confondue avec ses asymptotes.

2.3. Problème 1 : Démonstration de la conjecture A.2.2 [1] (on se limitera au cas d’une hyperbole non dégénérée).

2.3.1. Soient A, B, C, M quatre points du plan, trois à trois non alignés, et ne déterminant pas des droites perpendiculaires (en particulier (AM) et (BC) ne sont pas perpendiculaires). Pour simplifier les calculs, on choisit un repère orthonormal $(O,\vec{i}, \vec{j})$$O$ est le milieu de $[BC]$ et tel que $\vec{i} = \overrightarrow{OC}$ ; on a donc les coordonnées suivantes : $C(1,0)$ ; $B(−1,0)$ ; $A(a,a’)$ ; $M(m,m’)$.
a) Expliquer pourquoi on a $a \neq m$, et pourquoi $a’$ et $m’$ sont non nuls.
b) Montrer, en résolvant un système d’équations, qu’il existe quatre réels $b$, $p$, $q$, $r$ tels que la courbe $(C)$, d’équation $x^2 + bxy - y^2 + px + qy + r = 0$, passe par $A$, $B$, $C$ et $M$. Calculer les coordonnées de l’orthocentre $H$ du triangle $ABC$. Que devient le système d’équations lorsque $M$ est confondu avec $H$ ?

2.3.2. On va montrer que $(C)$ est une hyperbole équilatère en faisant tourner le repère, puis en le translatant, de façon à retrouver une équation de la forme $XY = K$. Tout d’abord, on va faire disparaître les termes en $x^2$ et $y^2$, grâce à une rotation du repère bien choisie.
On pose $ \vec{u} = cos(\theta).\vec{i} + sin(\theta).\vec{j}$, $ \vec{v} = -sin(\theta).\vec{i} + cos(\theta).\vec{j}$.
a) Montrer que $(O,\vec{u}, \vec{v})$ est un repère orthonormal.
b) Un point quelconque $T$ a des coordonnées $(x,y)$ dans le repère $(O,\vec{i}, \vec{j})$, des coordonnées (X,Y) dans le repère $(O,\vec{u}, \vec{v})$, ce qui signifie que $ \overrightarrow{OT} = x\vec{i} + y\vec{j} = X\vec{u} + Y\vec{v} $ ; montrer que $x = cos(\theta).X - sin(\theta).Y$ et $y = sin(\theta).X + cos(\theta).Y$
c) En déduire une équation de $(C)$ dans le repère $(O,\vec{u}, \vec{v})$ ; exprimer ses coefficients en fonction de $cos(2\theta)$ et $sin(2\theta)$. Ensuite on distinguera deux cas selon les valeurs de $b$ (coefficient de $xy$) :

Premier cas : $b = 0$
Trouver une valeur de $\theta$ telle que les coefficients de $X^2$ et $Y^2$ soient nuls ; montrer qu’alors le coefficient de XY n’est pas nul : en divisant par ce dernier, obtenir dans ce cas une équation de la forme $XY + PX + QY + R = 0$.

Deuxième cas : $b \neq 0$
Montrer que, en supposant $\theta \neq \frac{\pi}{4}$, l’équation peut se mettre sous la forme :


$(cos(2\theta))\left(1 + \frac{b}{2}tan(2\theta)\right)X^2 - (cos(2\theta))\left(1 + \frac{b}{2}tan(2\theta)\right)Y^2$
$ + (b cos(2\theta) - 2sin(2\theta))XY + qsin\theta.X +qcos\theta.Y - 1 = 0 $

Pour que le coefficient de $X^2$, et celui de $Y^2$, soient nuls, il suffit que $tan(2\theta)$ ait une certaine valeur : laquelle ?

 

Rappel : quand x varie de $-\frac{\pi}{2}$ à $\frac{\pi}{2}$, tan(x) varie de $-\infty$ à $+\infty$, et prend donc toutes les valeurs réelles. En particulier, si $b \neq 0$, il existe $x_0 \in \left]-\frac{\pi}{2},\frac{\pi}{2}\right[$ tel que $tan(x_0) = -\frac{2}{b}$.

 

On prend $\theta = \frac{x_0}{2}$ ; vérifier qu’alors le coefficient de $XY$ n’est pas nul ; en divisant par ce coefficient, obtenir encore une équation de la forme $XY + PX + QY + R = 0$.
d) Soit $\Omega$ le point de coordonnées $(-Q,-P)$ dans le repère $(O,\vec{u}, \vec{v})$ ; on considère le repère $(\Omega,\vec{u}, \vec{v})$. Montrer que si un point quelconque $T$ est de
coordonnées $(X,Y)$ dans le repère $(O,\vec{u}, \vec{v})$, $(X’,Y’)$ dans le repère $(\Omega,\vec{u}, \vec{v})$, alors $X = X’ - Q, Y = Y’ - P$. Déterminer une équation de $(C)$ dans $(\Omega,\vec{u}, \vec{v})$ ; en déduire que $(C)$ est une hyperbole équilatère.

2.3.3. Exemple numérique : calculer $b$, $q$ et $r$ (coefficients respectivement de $xy$, de $q$, constant, dans l’équation de $(C)$), puis déterminer $\theta$ et $\Omega$ dans le cas où les coordonnées de A et M sont : $A\left(\frac{1}{2},\frac{1}{2}\right)$, $M\left(-\frac{3}{2},-\frac{5}{2}\right)$.

 

2.4. Travaux dirigés de vérification. Sur un nouveau fichier GeoGebra, placer $B(-1,0)$, $C(1,0)$, $A$ et $M$ points libres ; définir les nombres $a$, $a’$, $m$, $m’$, puis $b$, $p$, $q$, $r$ conformément aux données et aux résultats de 2.3 ; créer alors la courbe d’équation $x^2 + bxy - y^2 + px + qy + r = 0$, et ses asymptotes. Déplacer $A$ et $M$. Que constate-t-on ?
Voir fichier GeoGebra « Figure 3 ».

 

B.

1. Introduction : si on a quatre points quelconques $A$, $B$, $C$, $M$, trois à trois non alignés, d’après Première partie, 2.2, on peut trouver une hyperbole équilatère qui passe par $A$, $B$, $C$ et $M$. Et, d’après 1.1., en choisissant bien le repère, on peut faire en sorte que cette hyperbole ait pour équation $xy = 1$. Dans la suite, nous tracerons donc d’abord cette hyperbole, et nous placerons les points dessus.

 

2. TD Geogebra :
a) Sur une nouvelle feuille de travail, créer l’hyperbole équilatère $\Gamma$ d’équation $xy = 1$, et quatre points $A$, $B$, $C$, $M$ sur $\Gamma$.
b) Créer $A’$, $B’$, $C’$ orthocentres des triangles $MBC$, $MCA$, $MAB$, et le triangle $A’B’C’$.
c) Où sont $A’$, $B’$, $C’$ ? Pourquoi fallait-il s’y attendre ?
d) Faire afficher les aires des triangles $ABC$ et $A’B’C’$. Que remarque-t-on ? Déplacer $A$, $B$, $C$, constater que cette remarque reste valable.
Voir fichier GeoGebra « Figure 4 ».

 

3. Problème 2 : démonstration de la conjecture faite en B.2. d).

3.1. Pour cette démonstration, nous aurons besoin d’une formule qui n’est plus au programme de lycée ; elle donne l’aire d’un triangle en fonction des coordonnées des sommets.
a) Étude dans un cas de figure :

dans le plan rapporté à un repère orthonormé, on donne les points $A(x_A,y_A)$, $B(x_B,y_B)$, $C(x_C,y_C)$ ; on suppose que $x_A < x_B < x_C$, $y_A < y_B < y_C$, et que le segment $[AC]$ est entièrement au dessus de la droite $(AB)$ ; on trace la droite $D$ passant par $A$ et parallèle à l’axe $(Ox)$ ; on appelle $B’$ et $C’$ les projetés orthogonaux de $B$ et $C$ sur $D$.
Exprimer, en fonction des coordonnées des points $A$, $B$, $C$, les aires des triangles $AB’C$, $ABC’$, $ABB’$, $BB’C$, $BB’C$ ; en déduire l’aire de $ABC$.

b) Autres cas de figure :

Si on échange la place des points $B$ et $C$, l’aire ne change pas, mais la différence se fera en sens contraire ; on peut exprimer les deux cas en utilisant une valeur absolue :
$\vspace{0.5cm}$
$Aire(ABC) = \frac{1}{2}\lvert (x_B-x_A)(y_C-y_A)-(y_B-y_A)(x_C-x_A) \rvert \hspace{1cm} (1)$
$\vspace{0.5cm}$
Il existe de nombreux autres cas, selon que $x_A < x_B$, $x_A > x_B$ ou $x_A = x_B$, selon que $[AC]$ est au dessus ou au dessous de $[AB]$, etc. Nous admettrons que la formule $(1)$ reste valable dans tous les cas.
On pourra visualiser ces différents cas sur le fichier GeoGebra « Figure 5 ».

3.2. Démonstration de la conjecture B.2.d) :

$A$, $B$, $C$, $M$ sont quatre points de l’hyperbole équilatère d’équation $xy = 1$ ; on note $a$, $b$, $c$, $m$ leurs abscisses. $A’$, $B’$, $C’$ sont les orthocentres des triangles $MBC$, $MCA$,
$MAB$.
a) Quelles sont les ordonnées de $A$, $B$, $C$, $M$ ?
b) Calculer en fonction de $a$, $b$, $c$, $m$ les coordonnées de $A’$, $B’$, $C’$ (utiliser le résultat de A.1.3.b).
c) Utiliser la formule (1) de B.3.1.b) pour calculer l’aire de $ABC$ et celle de $A’B’C’$.
d) Conclure en énonçant la propriété que l’on vient de démontrer.

 

Bibliographie

COLLET M. et GRISO G. Le cercle d’Euler, Vuibert, 1987.
LEMAIRE J. Étude élémentaire de l’hyperbole équilatère et de quelques courbes dérivées, Vuibert, 1927.

<redacteur|auteur=103>

Notes

[1Cette partie, plus difficile, et peu dans l’esprit de la terminale S actuelle, peut
éventuellement être réservée aux élèves visant une entrée en CPGE.

Les Journées Nationales
L’APMEP

Brochures & Revues
Ressources

Actualités et Informations
Base de ressources bibliographiques

 

Les Régionales de l’APMEP