484

Parties carrées à l’école élémentaire !

Daniel Djament
IUFM de l’académie de Créteil, université Paris 12.

Rassurez-vous, derrière ce titre égrillard se cache un honnête problème de mathématiques pour de jeunes élèves.
Supposons que l’on dispose d’un carré et d’une paire de ciseaux et que l’on veuille découper ce carré en parties carrées. Il revient au même de tracer une partition du carré initial en parties toutes carrées.

Voyons quelques exemples de partitions, on peut facilement couper en 4, en 7, en 9 :

Il est tentant de se poser la question : pour quels entiers naturels n peut-on couper le carré initial en n parties carrées ?

Il est clair que chaque trait de coupe doit être parallèle à l’un des côtés du carré initial, sinon, il faudrait recoller des morceaux pour en faire des carrés ; en donner une preuve formelle rigoureuse est trop difficile pour l’école élémentaire, les élèves l’admettront sans difficulté.
Chaque sommet du carré initial appartient à une partie carrée, ce qui exclut les valeurs n = 2 et n = 3 (n = 1 signifie que l’on ne coupe pas).

Peut-on couper en 5 carrés ? Puisque chaque sommet du carré initial appartient à une partie carrée,

  • soit les 4 carrés de coins n’ont jamais de côtés communs :

    et la cinquième partie n’est pas carrée,

  • soit deux parties ont un côté commun :

    et la cinquième n’est toujours pas un carré,

  • soit trois carrés ont un côté commun et la cinquième partie n’est pas carrée :
  • soit on coupe en 4 et il n’y a pas de cinquième carré.

    Donc n = 5 est impossible.

    On peut découper le carré initial en 6 carrés :

    Le cas n = 7 a déjà été vu, le cas n = 8 se traite de la même façon que n = 6

    Résumons : on sait couper en 6, en 7 et en 8 ; nous avons trois valeurs consécutives et, lorsqu’on coupe un carré en 4, on ajoute 3 au nombre total de parties.
    Donc, toutes les valeurs de n sont possibles à partir de n = 6.

    Par exemple, pour n = 11, on part d’un découpage en 8 et on coupe un carré en 4 :

    Les valeurs de n possibles sont donc 1, qui est sans intérêt, 4 et toutes celles supérieures ou égales à 6. De plus, on a un procédé de découpe : si n est pair avec n = 2k, on découpe un grand carré dans un coin, bordé de 2k − 1 petits carrés comme nous l’avons déjà vu pour n = 6 ou n = 8. Voici par exemple le cas n = 18 :

    Si n est impair, on retire 3, n − 3 est pair, on découpe en n − 3, puis on découpe une partie quelconque en 4 comme nous l’avons déjà vu pour n = 11. Voici, par exemple, n = 13 :

    Bien sûr, les découpages ne sont pas uniques et l’on peut s’amuser à en trouver de nombreux différents. En voici trois parmi tous les découpages en 12 possibles :

    On s’aperçoit que toutes les notions mathématiques que nous avons utilisées sont accessibles à l’école élémentaire. Le point le plus délicat est de comprendre que si on a trois valeurs consécutives de n, alors on a toutes les suivantes par ajout de 3, mais il faut bien réfléchir un peu.
    Pour que les élèves conservent des traces écrites de ce problème, le maître utilisera du papier quadrillé à petits carreaux ou du papier millimétré. Il veillera à proposer un carré initial avec un côté qui se prête facilement au tracé de la solution (par exemple un multiple de 3 pour n = 6, de 4 pour n = 8).

    Il est légitime maintenant de se poser trois autres questions :
    1) Quelles sont les valeurs de n pour lesquelles on peut découper un carré en n carrés tous différents ?
    2) Quelle est la réponse si on remplace le carré initial par un triangle équilatéral que l’on découpe en triangles équilatéraux (pas obligatoirement différents) ?
    3) Et si on découpait un triangle rectangle isocèle en triangles rectangles isocèles (pas obligatoirement différents) ?

    Il a été difficile de trouver le premier découpage d’un carré en carrés tous différents.
    Le problème général est probablement encore ouvert à ce jour. On trouvera en bibliographie deux références qui relatent la découverte du premier exemple et analysent le problème. On remarquera à cette occasion qu’il suffit d’un petit changement dans la formulation pour passer de l’école élémentaire à un problème inaccessible.

    La seconde question est très simple, on se convainc rapidement que la solution est la même que pour les carrés.

    Quant à la troisième, elle est également très simple, je vous laisse chercher si elle est différente ou non de la deuxième.

    Je n’ai pour l’instant testé ce problème qu’avec des stagiaires de formation continue, ils l’ont cherché avec enthousiasme. N’hésitez pas à le pratiquer en classe car les programmes de 2008, pourtant critiqués pour une certaine rigidité stipulent :
    « La pratique des mathématiques développe le goût de la recherche et du raisonnement,
    l’imagination et les capacités d’abstraction, la rigueur et la précision »
    Alors, pourquoi s’en priver ? Vos remarques et suggestions sont les bienvenues ainsi que vos témoignages de réactions d’élèves.

Bibliographie :
Martin Gardner. « Problèmes et divertissements mathématiques », tome 2, Dunod 1965.
Jean-Paul Delahaye. « La délicate géométrie du carré », Pour La Science no 329, mars 2005.

<redacteur|auteur=500>

Les Journées Nationales
L’APMEP

Brochures & Revues
Ressources

Actualités et Informations
Base de ressources bibliographiques

 

Les Régionales de l’APMEP