Bulletin Vert n°478
septembre — octobre 2008

Hommage à Henri Bareil Texte de Pierre Legrand et Jacques Dablanc

 

Henri Bareil est mort le 20 juin 2008. Il avait 83 ans.

Sa vie peut être résumée en quelques mots : il s’est dévoué corps et âme à sa famille, à ses amis, à ses élèves et à la cause qui lui était chère entre toutes, l’enseignement des mathématiques. Une existence simple et toute droite, donc, mais exemplaire à bien des égards.

Il naît en 1925 à Laurabuc, petit bourg qui fut jadis la capitale de la région du Lauragais, de parents paysans. Il passe de l’école primaire de Laurabuc à l’école primaire supérieure, puis au lycée de Castelnaudary. C’est à la fin de ses études secondaires, dans une classe de « math élem » de quatre élèves, menée par un maître passionné, que se révèle sa double vocation : les mathématiques et l’enseignement. C’est ensuite une année de mathématiques supérieures au lycée Fermat, où il suit les cours d’Edmond Ramis, puis l’Université, avec pour professeur Robert Deltheil dont il restera l’ami. Peut-être est-ce l’influence de ces deux maîtres, auteurs l’un d’un cours de mathématiques spéciales qui fut longtemps une référence, l’autre d’un très célèbre traité de géométrie, qui l’encouragera plus tard à se lancer dans l’élaboration d’une série de manuels.

Reçu au CAEC en 1949, il est nommé à Nevers où il épouse en 1951 une jeune licenciée de lettres classiques, Josette. Ils auront deux enfants. En 1951 se place aussi une anecdote qu’Henri racontait volontiers. Ayant exprimé au doyen Thiberge son désir de se rapprocher de Toulouse, ce dernier lui répondit : « Bien sûr, avec votre accent, trop au nord on ne vous comprendrait pas ».

Ce ne fut pourtant pas à Toulouse qu’il fut d’abord muté, mais au lycée Bernard Palissy d’Agen, où il resta sept ans avant d’aboutir en 1958 à Toulouse, au lycée Bellevue. Il demeura dans ce dernier jusqu’à sa retraite, prise en 1987.

Il fit le choix délibéré, malgré une notoriété qui lui vint rapidement, de faire toute sa carrière dans le premier cycle, estimant que c’est à ce stade que se fixent, pour le meilleur ou pour le pire, les relations d’un adolescent avec les mathématiques.

C’est ainsi qu’il devint le premier professeur certifié exerçant en collège à être promu au grade d’agrégé.

Le lycée Bellevue faisait partie des quatre ou cinq lycées pilotes mis en réseau autour du lycée international de Sèvres. Henri y fut responsable du département de mathématiques. Mais son activité au service de l’enseignement déborda bientôt ce cadre.

Ce fut d’abord, avec Christiane Zehren et quelques autres, la renaissance en 68 de la régionale toulousaine de l’APMEP.

Il prend en 1971 une part déterminante au démarrage de l’IREM de Toulouse, en même temps qu’à la rédaction de la charte de Caen de l’APMEP.

En 1972, il est élu à la présidence de l’APMEP et entre à la commission Lichnerowicz responsable de la réforme des «  mathématiques modernes », créée en 1967 et qui pendant longtemps ne comporte aucun professeur de collège. Il y est l’un des rares à garder toujours, malgré les polémiques qui font rage, une vue claire des problèmes et à ne jamais perdre de vue la réalité des classes.

L’enseignement des mathématiques est alors en pleine crise. Les nouveaux programmes de quatrième, en vigueur depuis un an, désarçonnent élèves et professeurs.

Sous sa présidence, l’APMEP prend très vite l’initiative d’une pétition nationale contre les excès de la mise en place d’une axiomatisation précoce de la géométrie. Il plaide sans se lasser et avec succès, tant au sein de l’association que de la commission une double cause : formation des enseignants, amodiation des programmes.

C’est peut-être pendant ces années si difficiles qu’Henri montra le mieux toutes ses qualités – finesse, courtoisie, calme inaltérable, réalisme – pour mener au milieu des écueils la barque de l’association.

Lorsqu’à la fin de 1974 il quitta la présidence de l’APMEP, il continua à œuvrer au sein du bureau et dans les groupes ministériels de travail sur les programmes qui se succédèrent sans désemparer pendant des années : COPREM de 1983 à 1989, puis GREM de 90 à 92.

Mais surtout il joua, il a joué jusqu’au bout un rôle primordial dans les publications de l’association, aidé en cela par la vaste culture qu’il cachait derrière une modestie souriante : brochures pour la formation et l’information des professeurs en exercice, brochures thématiques, comptes rendus d’ouvrages de tous niveaux.

Il a publié dans le Bulletin vert, sous son nom ou sous pseudonyme, de nombreux articles, dont il faut espérer qu’ils seront un jour réunis et qui constituent une remarquable défense et illustration de la géométrie élémentaire comme outil de formation.

On ne saurait non plus oublier que, de 1980 à 1986, il assure avec Christiane Zehren la publication d’une collection de manuels pour les collèges, dont la marque distinctive est un souci constant de clarté et d’accessibilité.

La Légion d’honneur qui lui fut décernée en 1999 n’a pas seulement été la reconnaissance de son exceptionnel travail ; elle a aussi, nous semble-t-il, honoré la République en montrant que celle-ci sait à l’occasion récompenser ceux qui, loin des projecteurs, œuvrent pour le bien de tous.

La dernière année de sa vie fut assombrie par le très grave accident de santé dont fut victime sa femme. Il fit preuve d’une abnégation sans bornes, allant la voir à l’hôpital chaque jour pendant des mois, alors que lui-même aurait eu un besoin urgent de soins hospitaliers, ce qui sans doute précipita sa fin.

À tous ceux qui l’ont connu dans le cadre de son activité, il laisse le souvenir d’un professionnel passionné et hautement compétent. Et ceux qui l’ont fréquenté de plus près garderont toujours la mémoire de cet homme chaleureux, discret, plein d’humour et de bonté.

 

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