Bulletin Vert n°519
mai — juin 2016

Éditorial du Bulletin 519

questions autour de l’informatique et du numérique

Depuis quelques temps, mois après mois, nombre d’annonces institutionnelles ont amené sur le devant de la scène scolaire le numérique et l’informatique.

Il y a d’abord un discours présentant le numérique comme une réponse essentielle, je dirai presque LA réponse, à l’échec scolaire. Il y a aussi des mesures fortes : apparition de la programmation dès la classe de cinquième avec promesse d’évaluation au brevet, nouveau CAPES de mathématiques pour 2017 avec un élargissement clair aux informaticiens, création d’une option ISN pour les classes de ES et de L.

On a l’impression d’assister à une véritable offensive : l’offensive du code. Tout concourt à nous en montrer l’importance. Nul n’y échappera, de la classe de cinquième aux littéraires. C’est sans doute pour cela qu’on prépare le recrutement de spécialistes.

Il ne s’agit pas de mettre en doute qu’à l’instar d’autres approches, l’apprentissage du code offre d’intéressantes perspectives : une démarche nécessairement rigoureuse et en même temps ludique, une meilleure compréhension de l’arrière-plan d’une société largement informatisée.

Évidemment, les partisans convaincus imaginent que cet apprentissage précoce permettra à tout un chacun de programmer un jour ce dont il aura besoin sans dépendre de logiciels propriétaires, et plus sérieusement que cela apportera à notre pays un plus grand nombre d’informaticiens. En mathématiques, nous vivons depuis longtemps sous l’illusion de la précocité des enseignements : il faut avoir acquis des savoirs et des savoir-faire à un moment donné sous peine d’être dans l’incapacité de se les approprier plus tard. Une telle pratique est peut-être à l’origine de l’excellence de l’école mathématique française, mais le prix à payer se voit dans nos classes et dans la société par une crainte et un rejet assez généralisés des mathématiques.

Car évidemment, l’enseignement de l’informatique, l’apprentissage du code risquent bien de perdre de leur « magie » dès que les apprenants seront confrontés à l’évaluation. Qu’elle soit par note ou par compétence ne change pas grand-chose ici. Un autre point important curieusement absent dans la plupart des analyses est celui de la pédagogie. Existe-t-il une didactique de l’informatique ? Même si un certain nombre de collègues ne s’y reconnaissent pas, les avancées de la didactique des mathématiques font leur chemin et ont petit à petit modifié des pratiques.

On nous promet des lendemains qui chantent, mais on nous demande avant tout d’y croire. Le ministère a pris presque toutes les mesures pour que ces lendemains chantent vraiment. Il manque sans doute la création d’une nouvelle discipline « informatique ». Elle est maintenant dans le droit fil de l’offensive du code… Sa probable arrivée ne se fera pas sans « dommages collatéraux », puisque l’emploi du temps des élèves n’étant pas extensible à loisir, il faudra bien prendre des heures ailleurs. On pourra toujours nous expliquer dans un premier temps que les maths ne sont pas touchées puisqu’au départ du moins, les enseignants de cette nouvelle matière seront titulaires d’un … CAPES de maths.

Il n’est pas innocent de parler d’informatique, même si l’on se sent obligé de lui accoler le mot « numérique ». Les enjeux du numérique ne sont pas ceux de l’apprentissage du code. Le numérique s’inscrit en général dans le cadre disciplinaire qu’il doit pouvoir enrichir. Personne ne soutiendra que cette incorporation se fait sans difficulté, personne ne soutiendra qu’elle est la seule bonne réponse à la question de l’échec scolaire. L’art, la philosophie ou le sport pour prendre trois domaines bien éloignés sont à même de permettre de réelles avancées sur ce plan. La grande différence avec ce qui nous est présenté, c’est qu’au départ il doit y avoir un projet pédagogique. Peu importe le média pourvu que dans mon travail d’enseignant, il me permette de répondre à des difficultés, à des attentes.

Si on se limite simplement au numérique, les approches sont multiples. Il ne s’agit pas d’en privilégier une. Elles répondent toutes à une même catégorie d’interrogations : quels outils peuvent permettre d’améliorer les performances des élèves qui nous sont confiés ? Comment réduire leurs difficultés sans renoncer à l’exigence ?

Le numérique change aussi notre façon d’enseigner. Les logiciels de géométrie dynamique ont permis une approche plus expérimentale de notre discipline. Mais si cette approche s’est peu à peu imposée, c’est bien parce qu’elle répondait à une attente, beaucoup d’enseignants se sentant un peu à l’étroit dans une pédagogie plus traditionnelle, une attente confortée par les travaux de la didactique avec les maintenant incontournables activités préparatoires et plus spécifiquement les activités d’étude et de recherche.

On pourrait ainsi parler d’enseignement des mathématiques assisté par le numérique. Et d’ailleurs, notre discipline n’est pas la seule concernée par ce mouvement, tant il est vrai que l’utilisation de ressources toujours renouvelées offre des perspectives riches sur le plan pédagogique.

La proximité supposée entre le numérique et l’informatique et plus précisément le code ne va pas autant de soi que cela est dit. S’il ne s’agit pas de rejeter ce qui nous est proposé, il est nécessaire de garder une vigilance sereine devant des effets d’annonce. La bonne foi des responsables n’est pas en doute, mais nous savons qu’elle est bien souvent biaisée par la nécessité de montrer qu’ils agissent et par la recherche de solutions miracles. L’introduction « massive » de la programmation pose des questions auxquelles il faudra bien répondre.

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