JN 2021 — Bourges

Le discours d’ouverture
du président de l’APMEP

 

Mesdames, Messieurs, chers amis, chers collègues,

 

C’est un véritable plaisir de pouvoir vous retrouver toutes et tous aujourd’hui à Bourges.

Il y a eu bien des embûches pour organiser ces Journées Nationales... Je ne peux que féliciter l’équipe organisatrice pour son abnégation et sa force pour n’avoir rien lâché. Je suis certain que grâce à eux, grâce à vous toutes et tous, ces Journées seront joyeuses, une véritable fête des mathématiques et de son enseignement.
Il ne m’est pas possible d’ouvrir ces journées sans avoir une pensée toute particulière pour Jean-Marie, ancien président de la Régionale d’Orléans-Tours. Il fût à l’initiative de ce qui nous réunit aujourd’hui et nous a malheureusement quittés beaucoup trop tôt. Jean-Marie, de l’espace de dimension inconnue où tu t’es réfugié, je suis certain que tu es très fier de tes ami.e.s et collègues qui ont mis tout leur cœur dans l’organisation de ces Journées.

Les Journées nationales de l’APMEP sont un moment important de rencontre entre les acteurs du monde de l’éducation et de la communauté mathématique, aux niveaux national et international. J’en profite d’ailleurs pour saluer chaleureusement nos collègues de la FFAEM qui nous font l’honneur de leur présence.

Ces Journées nationales ont également pour moi une résonance particulière. Ce sont mes dernières journées en tant que président de l’APMEP. Cette présidence m’a beaucoup apporté sur le plan personnel. Cela m’a permis d’avoir un regard différent sur mon métier de professeur et sur l’enseignement des mathématiques. Mais, cela n’a pas toujours été simple en raison de la pandémie, et de la frénésie de réformes dans l’Éducation. C’est grâce à la force et la richesse de l’APMEP, à ses adhérentes et adhérents, à la grande diversité des sensibilités qui la compose, à l’ensemble de ses bénévoles, aux nombreux partenaires, à l’appui précieux de mes différents bureaux que j’ai tenu la barre.

Comme la plupart des associations, nous manquons de candidates et candidats pour être membre du Comité National, et de bénévoles. Alors n’hésitez plus ! Vivez avec nous cette belle aventure.

Ce qui nous réunit aujourd’hui, c’est sans doute le plaisir que nous éprouvons à faire des mathématiques et à vouloir les enseigner. Éprouver du plaisir à apprendre ce que d’autres ont pensé avant nous est un enjeu éducatif qui pourtant, ne va pas de soi pour tous.

Et ce souci est aigu en mathématiques. De nombreuses questions se posent. Pourquoi les mathématiques sont-elles nécessaires aujourd’hui ? Quelle place pour les mathématiques pour la formation du citoyen ? Lesquelles enseigner ? Peut-on renforcer et développer leur lien avec les autres disciplines ? Dans quelle direction doit évoluer la formation des professeurs de mathématiques ? La forme scolaire est-elle encore adaptée à l’enseignement des mathématiques ? En somme, quel enseignement des mathématiques au XXIe siècle ?

L’ensemble de ces questions est récurrent dans notre association. Elles sont naturelles et nécessaires. C’est pourquoi nous avons souhaité, le comité, le bureau et moi-même lancer une consultation de la profession à travers un questionnaire. Un millier de réponses et propositions attendent déjà leur dépouillement, pour moitié venant de non adhérents de l’APMEP. Cela montre une belle vitalité de la profession, et une envie de s’exprimer. Ce questionnaire est toujours accessible. Si vous ne l’avez pas encore complété ou diffusé auprès de vos collègues, je vous encourage à le faire.

Nous avons absolument besoin de vous pour faire entendre nos voix, nos préoccupations et nos souhaits.

Les évaluations internationales pointent du doigt certaines défaillances dans l’apprentissage des mathématiques. Et certains médias caricaturent ces résultats en disant que « les élèves français sont nuls en mathématiques »… Hélas, un certain nombre de compétences et de savoirs ne sont pas acquis par nos élèves, mais bien d’autres le sont et ne sont pas testés dans ces études. Aucune génération n’est identique à la précédente mais nos élèves ne sont pas moins aptes à apprendre et réussir en mathématiques qu’il y a dix ou vingt ans.

Cessons de renforcer ces fausses croyances de la « bosse des maths » ou d’un gène déterminant dans la capacité d’être bon ou mauvais en mathématiques. Cela ne fait qu’accroître la défiance de nos élèves sur leur capacité à réussir. L’enjeu pour retrouver de la confiance, et surtout du sens, dans l’enseignement des mathématiques est énorme. Malheureusement, malgré les effets d’annonce, je n’ai pas le sentiment que cet enjeu a été entièrement pris en compte par nos responsables politiques.

Vous me direz peut-être que j’exagère. Effectivement, il y a eu le rapport « 21 mesures pour l’enseignement des mathématiques » riche de propositions et salué par l’ensemble de la communauté mathématique. Cependant nombre de propositions qui y sont avancées n’ont pas été mises en œuvre ou n’ont pas trouvé de financement à la hauteur, pour les faire vivre. À la place, on assiste à la dérive de publication de guides (pour nous, le manuel des castors juniors) !

Ils ne pallieront jamais le manque de formation. Ils n’arriveront pas davantage à remettre les enseignants dans un supposé « droit chemin ». S’il existait un manuel qui permettait de bien enseigner les mathématiques, les Grecs anciens l’auraient pensé, et le problème serait rangé dans la catégorie des « problèmes déjà résolus »… CQFD.

Ne nous trompons pas ! Ce n’est pas en contraignant la liberté pédagogique des enseignants que s’améliorera leur enseignement. Nous sommes fiers de notre rôle de « créateurs de moments d’apprentissage ». Nous ne voulons pas devenir de simples exécutants. Nous avons prouvé notre force d’inventivité, d’adaptabilité et de créativité pour accompagner nos élèves lors des confinements. Il faut plutôt nous faire confiance quant à nos capacités d’enseigner, et répondre à nos vrais besoins de formation.

L’une des mesures du rapport de la mission Villani-Torossian est de « proposer aux élèves des lycées un module annuel de réconciliation avec les mathématiques sur des thématiques et des démarches nouvelles ». Ce module n’existe pas !

Les parlementaires lors de la mission flash sur l’enseignement ont pointé l’importance de renforcer l’enseignement des mathématiques dans le tronc commun.
Une portion congrue est laissée aux mathématiques dans l’enseignement scientifique, MAIS j’ai bien peur que notre discipline risque de s’y évanouir suite notamment à la suppression des épreuves communes du baccalauréat. C’est ce que Leibniz appelaient une « quantité évanouissante »… Un epsilon QUOI !

Mais cela ne semble pas inquiéter nos hauts responsables. Peut-être que les mathématiques ne sont pas si importantes pour la culture générale des citoyens. Ils semblent oublier cette phase de Victor Hugo « La liberté commence où l’ignorance finit ». Ayons son exigence et ne faisons pas le choix d’un savoir délavé ! Pour être apte à comprendre le monde dans lequel nous vivons et ses changements, sans les subir, les mathématiques ont nécessairement leur part. Pour tous. Il n’est pas question que tous deviennent matheux, mais plutôt que chacun ait eu à sa disposition les outils fondamentaux.

Une question se pose aujourd’hui : quel est le rôle du lycée ?

L’évaluation dirigée DIRIGE de fait l’enseignement. Ce qui est pensé au ministère aujourd’hui nous inquiète. La transformation du cursus du lycée en long contrôle continu le fait-il changer de nature ? Le bac y a déjà perdu son caractère national et son statut de premier grade universitaire. La disparition des filières a transformé les années de lycée en une course d’orientation. Le lycée est-il toujours un lieu de formation de l’esprit, avant d’entrer dans la spécialisation du supérieur ? Ou n’est-il plus qu’une longue suite d’épreuves où l’échec ponctuel peut déjà compromettre la poursuite des études ? Le « bachot » qui jouait son rôle de fin de cursus se retrouve affaibli par l’anticipation des épreuves de spécialités au mois de mars. Auparavant, les élèves reprenaient au mois de mai l’ensemble de leur savoirs pour se sentir prêts. Le baccalauréat était un rituel de passage et une préparation à l’entrée dans le supérieur. Et DE FAIT, ils étaient prêts !

La place de plus en plus importante du contrôle continu au bac et surtout de son cadrage institutionnel, met l’enseignant dans un rôle complexe qui risque de créer davantage de tensions au sein des établissements et aussi avec les familles. Les retombées du « guide de l’évaluation » seront-elle à la hauteur de nos objectifs et pratiques pédagogiques ?

Cette révolution anti-copernicienne de l’évaluation ne risque-t-elle pas de nous transformer en contrôleurs permanents des connaissances au détriment de notre devoir d’innover, créer et expérimenter ?

Nous sommes inquiets.

Le lycée professionnel a aussi subi la réforme. La place et le rôle des mathématiques y est devenue floue, comme la part des enseignements généraux. D’après les derniers chiffres de l’analyse de Parcoursup, un bachelier professionnel sur trois a été éliminé dans la course aux études supérieures. Ce bac n’en est plus tout à fait un, puisqu’il n’octroie pas le droit à poursuivre ses études. Mais si l’on reste sur le domaine de l’enseignement des mathématiques, il est clair que la réforme a changé profondément le métier de nos collègues. Ils le vivent assez mal.

Nous sommes inquiets.

N’oublions pas la réforme qui se met en place cette année pour les masters préparant au métier d’enseignant. La redéfinition des épreuves écrites orales nous laisse présager de nouvelles difficultés à mettre en œuvre durant ces deux années une formation qui soit réellement professionnalisante. Comment atteindre le difficile équilibre entre savoirs disciplinaires et pédagogiques ? C’est l’enjeu pour que les futurs professeurs de mathématiques du secondaire soient en capacité de concevoir des cours dans une indispensable globalité. À trop vouloir secouer l’édifice, il y a menace d’écroulement.

Je n’ose ajouter que d’ici trois ans, les étudiants qui vont s’inscrire à ces masters n’auront peut-être pas suivi l’enseignement de spécialité maths de Terminale… D’ailleurs y aura-t-il encore des étudiants pour s’inscrire dans ces masters ?

Nous sommes inquiets.

Mais gardons l’optimisme qui nous anime toujours. Il reste l’APMEP !

Et voici venu le temps de nos journées… À Bourges, c’est tous les jours le printemps.

Au cours de ces journées nationales, organisées avec entrain et passion par nos amis de la régionale du Centre-Val de Loire, nous allons trouver une fois de plus beaucoup d’occasion de débattre, de belles rencontres, d’idées de pratique pédagogique, … de réflexion sur l’enseignement des maths. Et nous allons repartir gonflés d’énergie pour affronter tous nos défis.

Merci à eux. Merci à vous toutes et tous d’être là pour partager ces moments.

Je vous souhaite à toutes et tous d’excellentes Journées Nationales de l’APMEP.

 

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