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Les mathématiques à l’école ? Plus complexe qu’il n’y paraît ! Le cas de l’énumération de la maternelle... au lycée !

Claire Margolinas [1], Floriane Wozniak [2],
Bruno Canivenc [3], Marie-Christine de Redon [4]
& Olivier Rivière [5]

Résumé

Les mathématiques de l’école élémentaire sont parfois considérées comme
« évidentes », notamment lorsqu’on se réfère aux apprentissages précoces – fin de
l’école maternelle et début de l’école primaire, cycle 2 des apprentissages
fondamentaux –.

Certaines activités très banales – c’est-à-dire présentes dans de nombreuses
classes ordinaires – sont souvent d’une complexité qui n’est parfois pas perçue par
les professeurs eux-mêmes, mais vécue de plein fouet par les élèves. La conférence
a pour objet de montrer ce phénomène sur le cas précis de l’énumération, savoir
mathématique méconnu, mis en lumière notamment par les travaux de Joël Briand et
Guy Brousseau, dans les années 90.

La conférence s’appuie sur les travaux récents du groupe Démathé (INRP).

Introduction

L’équipe Développement des Mathématiques à l’École (Démathé) de l’INRP a
commencé ses travaux en septembre 2003, sous la direction de Claire Margolinas.
Nous développons des ressources, en mathématiques, pour les professeurs de l’école
élémentaire. Notre démarche se situe en complémentarité de la documentation à la
disposition des professeurs.

Parmi les caractéristiques de notre travail, nous pouvons citer le lien que nous
entretenons avec les recherches en didactique des mathématiques. L’originalité de
notre démarche concerne le type de lien que nous établissons : nous partons plus
spécifiquement des réflexions épistémologiques de ces recherches, sans chercher à
développer des situations « clé en main » (Margolinas et al., 2006).

Les recherches qui sont à l’origine des travaux de notre premier ouvrage
(cédérom, parution prévue chez Hatier en 2008, peut-être sous le titre « Les dessous
du numérique ») sont ceux de (Briand, 1999), ces travaux ont déjà donné lieu à une
diffusion grand public (Briand et al., 2004) sous forme d’un cédérom, mais dans un
optique différente de la nôtre.

Notre article cherche à donner une petite idée du document en cours de
réalisation, en précisant au fur et à mesure certains partis pris concernant l’ouvrage.

Dans la conférence, nous avons pu faire une présentation – partielle – du
document numérique que nous sommes en train d’écrire, ce qui est bien évidemment
impossible dans ce bulletin. Pour vous en faire néanmoins partager certains aspects,
nous avons choisi d’inclure dans le texte des parties comprenant en marge un liseré
signalant une description du document numérique.

Un document visuel et sonore

Avant de donner une idée des caractéristiques de fond retenues pour le cédérom,
donnons quelques indications sur la forme. En effet, ces caractéristiques sont assez
différentes de celles qui sont présentes dans beaucoup de cédérom destinés aux
enseignants.

Notre document se présente comme un diaporama, c’est-à-dire d’une certaine
manière comme un livre sonore. Une certaine liberté de navigation est tout de même
possible, mais elle n’est pas privilégiée. Il s’agit d’un document qui, comme un livre,
a un début et procède selon une certaine logique. Comme un livre, il est possible de
commencer au chapitre 2 en ayant « sauté » le chapitre 1 mais, comme dans un livre,
l’auteur ne garantit pas la compréhension, dans ce cas !

Les pages présentent peu ou pas de texte, les explications étant, le plus souvent,
présentes sous une forme sonore, ces « sons » n’ont pas pour vocation d’être édités
sous forme d’un texte : on ne peut pas les citer, ni les détacher de leur contexte. Le
document présente quelques textes, qui peuvent être enregistrés sur l’ordinateur de
l’utilisateur et bien sûr imprimés, il s’agit de textes très courts (une page) qui donnent
essentiellement des définitions ou des bibliographies.

Dans cet article, pour donner une idée du cédérom, nous avons « écrit » quelques uns
des commentaires sonores, mais il faut se rappeler que telle n’est pas leur
vocation.

Entrer par les difficultés des élèves

Voici comment nous entrons dans le premier chapitre « l’énumération des
collections ».

« Nous partons ici d’une évaluation proposée par le Ministère de
l’Éducation Nationale pour le cycle 2. Il s’agit de dire combien il y a de ronds,
d’abord dans la configuration alignée, puis dans la configuration en désordre.
[Une image montre les 12 ronds en ligne verticale et 8 ronds en désordre du
document ministériel]

Il ne s’agit pas nécessairement d’une tâche très difficile, mais elle est assez
simple pour nous permettre de montrer une difficulté isolée. Certains élèves
ont des difficultés avec la comptine, ce qui est bien repéré par les maîtres.
D’autres savent bien réciter la comptine, mais pourtant n’obtiennent pas le
bon résultat. Ce sont ces élèves-là qui nous intéressent ici. »

Le choix de partir de difficultés connues des professeurs est très important pour
nous. Nous avons en effet réalisé une enquête (Margolinas et al., 2004) auprès de
professeurs des écoles au sujet de leurs usages de la documentation scolaire en
mathématique et nous avons constaté qu’un nouveau type de document ne pourrait
être accueilli favorablement par les professeurs que s’il permettait de mieux
comprendre les difficultés des élèves et en particulier de mieux comprendre les
difficultés récurrentes.

Pourquoi écrire un document numérique ?

Le terme d’énumération ne vous est peut-être pas familier, en tout cas dans le sens
que lui a donné Briand (op. cit.). Définir formellement l’énumération n’est pas très
aisé, ni très facile à communiquer à des professeurs de l’école élémentaire. Pourtant,
l’énumération intervient dans toutes sortes de situations extrêmement banales, tant
dans les activités scolaires que la vie courante. Elle intervient également, et c’est ce
qui nous intéresse, dans de nombreuses difficultés des élèves, un des problèmes étant
de montrer ces difficultés.

Le choix de la forme numérique pour notre document n’a pas été dicté par des
contraintes externes, ni par une mode pédagogique ou institutionnelle. Au départ de
notre travail, la forme du document était une question ouverte. La forme numérique
s’est imposée dans le courant de la troisième année de travail, pour des raisons que
nous allons tenter de partager avec vous … par écrit !

En effet, quelle erreur peut-on faire en comptant des « ronds », si on ne se trompe
pas dans la comptine ? Les erreurs les plus courantes sont de sauter un (ou plusieurs)
rond(s) ou bien de compter deux fois (ou plus) le même rond.

Dans le document numérique, ces deux types d’erreurs sont montrés sur deux
courts clips vidéo et ceci pour plusieurs raisons. D’une part parce que la description
fine des actions appelle le plus souvent un vocabulaire technique qui permet d’être
compris (essayez de décrire les gestes que vous faites quand vous triez des jetons
selon les couleurs, par exemple), ce qui peut rendre difficile la lecture au moment où
l’on donne les exemples qui sont censés faciliter ou en tout cas illustrer les
explications. D’autre part parce que le professeur est justement confronté
quotidiennement à l’observation « à la volée » des élèves pendant la classe, il a
rarement le temps de s’installer à côté d’un élève pour le regarder travailler. Nous
pensons que si le professeur est entraîné à considérer certains gestes, certaines
dispositions, comme importants, il pourra les repérer dans son observation rapide.
Outiller cette observation des élèves dans le cadre quotidien de la classe est une de
nos ambitions (voir (Margolinas, 2002) pour un développement théorique qui montre
la place des connaissances d’observation dans la situation du professeur).

L’énumération des collections

La situation du « comptage des ronds » nous permet de donner une première
approche de l’énumération :

Énumérer, c’est pointer une fois et une seule chaque rond de la collection. C’est-à-dire
 > Choisir un premier rond.
 > Choisir un rond suivant.
 > Conserver la mémoire des ronds déjà pointés.
 > Savoir que l’on a choisi le dernier rond.

Plus précisément,

L’énumération est l’action de structuration d’une collection qui permet de la parcourir d’une façon ordonnée et contrôlée.
 > Ordonner : choisir un premier élément et son successeur.
 > Contrôler : conserver la mémoire des choix précédents, savoir que l’on a parcouru toute la collection.

Nous retrouverons cette définition très fréquemment dans l’ensemble du
document, car elle comporte de nombreuses facettes qui ne sont pas apparentes au
premier abord.

Les autres disciplines

Nous adressant à des professeurs des écoles, qui enseignent toutes les disciplines
scolaires, il était possible et pertinent de montrer que les questions qui touchent à
l’énumération ne se rencontrent pas uniquement dans des contextes numériques et
mathématiques. Dans le cédérom, entre la première approche de l’énumération et la
définition, nous avons inclus une diapositive qui réfère à des situations de prélecture,
très courantes en grande section de maternelle.

Notes

[1INRP, UMR ADEF. Case 49, 3 place Victor Hugo, 13331 Marseille Cedex 03.

[2LEPS-LIRDHIST, Université Lyon 1. La Pagode, 38 Boulevard Niels Bohr, 69622
Villeurbanne Cedex.

[3IUFM d’Aix-Marseille. 2 avenue Jules-Isaac, 13626 Aix-en-Provence Cedex 1.

[4INRP, UMR ADEF. Case 49, 3 place Victor Hugo, 13331 Marseille Cedex 03.

[5IUFM d’Auvergne. 36 avenue Jean Jaurès, CS 20001, 63407 Chamalières Cedex.

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