Bulletin Vert n°488
mai — juin 2010

Mémoire et Étude des Mathématiques Une approche didactique à caractère anthropologique

par Yves Matheron

Presses Universitaires de Rennes, Collection Paideia, novembre 2009
220 pages en 17 × 24, prix : 16 €, ISBN 978-2-7535-0934-4

 

Alors que foisonnent les publications sur la mémoire issues de nombreux champs disciplinaires : neurochimie, neurophysiologie, psychanalyse, psychologie cognitive, sociologie, anthropologie, …, l’abord de la mémoire en tant que dimension cognitive de première importance pour l’étude scolaire des mathématiques dont l’enseignement se poursuit de l’école maternelle à l’université n’a pas encore été porté à la connaissance publique à l’exception de quelques travaux de thèse. Ce livre se rattache d’ailleurs à la thèse de l’auteur Une étude didactique de la mémoire dans l’enseignement des mathématiques au Collège et au Lycée. Quelques exemples. (Marseille 2000) et y renvoie pour la méthodologie de recueil des données.

L’avant propos précise le cadre des observations et place la mémoire spécifique à l’étude des mathématiques dans le champ de la mémoire d’activités réalisées à l’utilisation réglée.

L’introduction précise : la mémoire est envisagée comme externe et sociale tout en restant une dimension essentielle des processus cognitifs .

Le premier chapitre, Un cadre pour la mémoire didactique, l’anthropologie des savoirs, montre sur l’exemple de la résolution d’une équation du second degré comment l’expression de la mémoire pratique des personnes est en grande partie contrainte par les institutions ; il détaille ensuite une observation d’élèves étudiant les mathématiques liées à l’introduction de e à partir de la fonction ln, puis propose la re-production des souvenirs et le principe d’économie de « l’énergie cognitive » comme explication de l’oubli.

Dans le second, Le savoir comme mémoire, le cas des mathématiques, c’est sur l’exemple de la démonstration dans quatre copies d’élèves que quatre points dont on donne les coordonnées sont les sommets d’un rectangle qu’est éclairé le fonctionnement et le rôle mémoriel du triptyque constitué de domaines de réalité, de pratiques sociales et du savoir. L’histoire du calcul différentiel montre comment les ostensifs [1] f ’(x), \(\frac{dy}{dx}\) et \(\int\) outillent les pratiques.

Le troisième, Le rôle de la mémoire ostensive dans la construction de la cohérence institutionnelle, après avoir rappelé le cadre anthropologique de cette mémoire et son rôle dans la production adidactique [2], prend l’exemple des variations d’une fonction, puis s’appuie sur les travaux de M. Halbwachs, G. Brousseau et Y. Chevalard pour présenter la gestion des milieux dans les situations didactiques ; il revient sur la fonction exponentielle et l’asymptote de sa représentation graphique, définit les situations de rappel et les gestes d’indications qui apparaissent dans le journal des fractions, et analyse la mémoire didactique de l’enseignant.

Le quatrième, Observer et analyser des phénomènes mémoriels liés à l’étude des mathématiques s’articule autour de plusieurs exemples : enseignement du calcul en Cinquième, équations en \(ln x\), binôme de Newton, Thalès et proportionnalité, fonctions logarithme et exponentielle et montre qu’un trop grand assujettissement à l’institution didactique interdit anticipation et autonomie dans l’étude.

Le cinquième, Perspectives : diriger le travail mémoriel dans l’étude des mathématiques, fait un bilan et donne un exemple de dispositif didactique permettant le travail de la mémoire pratique à partir du travail des ostensifs : il s’agit de calculer de combien de chambres à une personne et de chambres à deux personnes possède un hôtel disposant de 50 chambres pouvant recevoir 83 personnes et de passer de cette situation à la résolution d’un système de deux équations. Il se termine par la comparaison des ostensifs 1 et 0,99999999999...999...

En Conclusion, l’auteur rappelle le modèle de mémoire pour l’étude des mathématiques qu’il a pu avancer et qui repose sur trois types : une mémoire du savoir qui contient une mémoire de l’accomplissement des pratiques historiquement choisies, une mémoire pratique qui permet la reproduction de certains gestes appris au sein d’une institution et enfin une mémoire donnée à voir par une institution.

Le livre s’achève par une bibliographie étoffée qui privilégie quelques grands auteurs (Bachelard, Bourdieu, Brousseau, Chevallard, Descartes, Halbwachs, Mercier et Namer) et par un index donnant pour chaque entrée ses occurrences : on y trouve à la fois les usuels du vocabulaire de la didactique (Apprentissage, calcul, classe(s), contrat, élèves, enseignement, étude, institutions, mathématiques, pratique, professeur, savoir(s), sens, situations, souvenir(s), sujets, système, technique, temps, théorie(s)) mais aussi des termes plus techniques qui structurent la recherche et les modèles : anthropologie, assujettissement(s), dévolution, habitus, ostensifs, que le lecteur pourra ainsi s’approprier.

Cet ouvrage bien présenté et structuré, s’appuyant sur une abondante littérature et une grande érudition, intéressera deux catégories de lecteurs : les chercheurs en didactique, par la théorisation à partir d’un matériel expérimental riche et bien choisi et d’observations étalées dans le temps, mais aussi tous les enseignants de mathématiques confrontés en permanence avec les à peu près de la mémoire qui y trouveront analysées des situations variées du collège ou du lycée, ainsi que tous les candidats à un master d’enseignement et à un concours de recrutement, CAPES ou agrégation et bien entendu tous les animateurs d’Irem.

 

Notes

[1Un ostensif est un objet qui se donne à voir : matériel, geste, langage, discours, graphique.

[2Selon G. Brousseau, un milieu est adidactique s’il est dénué d’intentions didactiques dirigées vers les élèves.

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