Pourquoi nous sommes tous doués en maths
Conférence inaugurale faite par Stanislas Dehaene
Cette conférence a eu lieu le samedi 18
octobre 2014 dans l’amphithéâtre de
l’Université Toulouse 1 Capitole (UT1, université de
Droit, Economie et Gestion).
Stanislas DEHAENE est un
mathématicien spécialiste de la psychologie expérimentale et l’un
des rares promoteurs des sciences cognitives en France. Il est membre
de l’Académie des sciences, professeur au collège de France et
directeur de l’unité de Neuroimagerie Cognitive, unité mixte
INSERM-CEA à Neurospin dans l’Essonne. Ses principaux domaines de
recherche concernent les bases cérébrales de l’arithmétique et de
la numération, la lecture et la conscience, thématiques qu’il
explore au moyen d’expériences de psychologie cognitive et par
l’imagerie cérébrale. Ses travaux portent sur les architectures
cérébrales de l’arithmétique, de la lecture, du langage parlé,
et l’accès d’information à la conscience, ce qui l’a amené à
s’intéresser à la dyscalculie et à la dyslexie. Il a popularisé
les recherches en sciences cognitives sur ces sujets dans deux
livres : La bosse des maths et Les neurones de la lecture.
Résumé de la conférence
D’où proviennent les compétences en mathématiques ?
L’origine des mathématiques continue de faire l’objet d’intenses
débats philosophiques. De nombreux mathématiciens et physiciens,
Platoniciens, pensent que les structures mathématiques abstraites
préexistent au cerveau humain et sont omniprésentes dans l’univers
qui nous entoure. Pour Galilée, « [L’univers] est écrit dans
la langue mathématique et ses caractères sont des triangles, des
cercles et autres figures géométriques, sans le moyen desquels il
est humainement impossible d’en comprendre un mot. » La
perspective des sciences cognitives est bien différente. Elle
suppose qu’au cours de l’évolution, le cerveau humain a été
doté de représentations approximatives de l’espace, du temps et
du nombre, que nous partageons avec de nombreuses autres espèces
animales, et qui sont au fondement de l’intuition mathématique.
Ainsi, tous les enfants, dès la naissance, possèdent un sens du
nombre, une capacité spécifique de représenter le cardinal
approximatif d’un ensemble d’objets, et de combiner ces nombres
dans des opérations simples. Nous héritons également de notre
évolution un sens de l’espace, une intuition des formes de la
géométrie et de la navigation dans l’espace. Les mathématiques
sont la formalisation de ces intuitions à l’aide d’une
hiérarchie de symboles. Au cours de cette conférence, je
présenterai quelques données récentes sur l’organisation du sens
des nombres et de l’espace dans le cerveau humain.
L’interaction entre ces deux systèmes nous fait percevoir l’espace
des nombres comme une « ligne numérique » orientée de
gauche à droite. Même les singes partagent cette intuition. Nous
sommes donc tous doués d’un minimum de bagage mathématique. La
mission de l’école consiste à le faire s’épanouir.