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Un carré dans une larme

Michel Carral [1], IUFM Midi-Pyrénées

Une des difficultés de l’activité en géométrie est de réaliser une représentation « correcte » de la situation spatiale que l’on se propose d’étudier. Cette représentation dépend de la lecture que l’on se fait de l’énoncé de l’exercice étudié mais aussi des relations premières entre les éléments simples que l’on doit avoir ; la réalisation de la construction de cette représentation à la règle et au compas est une précieuse aide à cette lecture. Or, le plus souvent, les relations d’ordre topologique ne font pas partie de l’apprentissage. À ce sujet on peut remarquer l’évolution des énoncés actuels : on est passé d’une lecture demandant une compréhension de la situation pour effectuer le tracé, à une procédure de construction, puis à une simple lecture d’un dessin donné.

Jadis, en classe de quatrième, la représentation de la figure était la première étape d’un exercice de géométrie ; elle était exigible bien que la demande n’en était pas, le plus souvent, demandée. On l’évaluait de la manière suivante : le professeur comptait quelques points si le dessin représentant la situation était correct et si, de part et d’autre du dessin, étaient mises à gauche les hypothèses en dessous de « H) » et la conclusion à droite en dessous de « C) » sous forme schématique ; parfois le
professeur demandait un codage des propriétés par des marques sur des éléments du dessin et/ou un jeu de couleurs. Cette manière d’opérer présentait l’avantage de voir si l’élève avait compris la situation proposée, mais aussi de l’aider dans cette compréhension première en identifiant ce qui était donné et ce qui était demandé. En outre elle représentait une aide dans la recherche de la solution de l’exercice. En effet, il est rare en géométrie que l’on montre directement un résultat demandé, on montre très souvent un résultat qui l’implique : un élève peut alors perdre l’objectif à
atteindre. D’avoir formalisé par écrit ce que l’on recherchait permettait à l’élève de ne pas perdre de vue l’objectif à atteindre.

Pour éclairer ces dires sur la compréhension de la situation spatiale et de sa topologie lorsqu’on découvre un énoncé, je me propose de traiter un exercice qui de temps à autre resurgit de l’ombre. La difficulté de l’exercice consiste à résoudre des points d’incidence et des relations topologiques pour concevoir correctement la configuration bien que les savoirs mathématiques mis en jeu ne soient que des connaissances de base du collège. La lecture de la rédaction peut surprendre car on n’est pas dans la culture habituelle de l’activité de la classe de géométrie, mais elle montre la difficulté de mener à bien un processus d’analyse : c’est l’organisation de cette analyse qui est à la source des difficultés rencontrées. En cela ce n’est pas un exercice de Collège, mais sa résolution peut permettre d’appréhender certaines difficultés qu’ont les élèves de la compréhension d’un énoncé plus classique de géométrie et sur sa traduction via un dessin à réaliser.

La solution de cet exercice m’ayant fait penser à une configuration classique de mécanique des fluides, assez ignorée dans le monde mathématique, nommée « cercles de MOHR », j’ai construis ce texte de la manière suivante : une situation Collège-Lycée introduisant l’exercice, les cercles de MOHR et la résolution exhaustive de l’exercice initial.

Tout d’abord rappelons l’exercice tel que proposé :

Énoncé :
On considère un demi-cercle de diamètre AC et de centre $O_1$. De part et d’autre du diamètre AC on trace deux demi-cercles de diamètre $AO_1$ et $O_1C$ respectivement.
Dessiner un carré sur cette configuration, c’est-à-dire positionner les quatre sommets d’un carré sur la courbe définie par les trois demi-cercles.

Cette courbe possède la forme d’une larme et nous la baptiserons ainsi [2]. Nous allons traiter cet exercice dans le cas où deux des demi-cercles ne sont pas nécessairement de même rayon (voir figure ci-contre). Ceci ne doit pas se comprendre comme un ajustement de variable didactique mais comme l’abandon d’un paramètre permettant de mieux comprendre la configuration le cas échéant.

1. La situation collège-lycée

Énoncé :


On considère trois points alignés A, B, C dans cet ordre et les trois cercles de diamètres AB, BC et AC. Un point M variable du cercle de diamètre AC définit un rectangle AMCN ; ses côtés AM et
AN (respectivement CM et CN) recoupent le cercle de diamètre AB (respectivement de diamètre
BC) aux points E et H (respectivement aux points G et F).

On obtient ainsi neuf rectangles que l’on classe de la manière suivante :

  • Classe 1 : Leurs quatre sommets sont situés sur un seul cercle. Ils sont au nombre de trois et sont homothétiques.
  • Classe 2 : Au moins un sommet est situé sur chaque cercle, en fait sur trois demi-cercles situés tous d’un même côté par rapport à la droite AC. Ils sont au nombre de deux.
  • Classe 3 : Au moins un sommet est situé sur chaque cercle, mais en fait sur trois demi-cercles situés de part et d’autre de la droite AC. Il y a ainsi quatre configurations.

Question :
Déterminer les positions du point M pour lesquelles un de ces rectangles est un carré.

L’utilisation d’un logiciel de géométrie dynamique permet de voir qu’il y a des solutions à cette question pour chaque rectangle considéré.
Notons que si on restreint l’étude au cas où le point B est milieu du diamètre AC la réponse est évidente pour les rectangles des classes 1 et 2 : le point M est milieu de l’arc $\overset{\frown}{AB}$.

  • Rectangles de la classe 1 :
    Par homothétie il est évident que si le point M est le milieu de l’arc $\overset{\frown}{AC}$ les trois rectangles de cette classe sont des carrés.
  • Rectangles de la classe 2 :
    Il suffit de traiter le cas du rectangle EMGB, le cas du rectangle BFNH se traite de la même manière.
    Les triangles rectangles AEB et BGC sont semblables et on a

    $${AE \over AB}={BG \over BC} ;$$


    par le théorème de Pythagore, on a

    $$AE^2 + EB^2 = AB^2 \text{ et } BG^2 + GC^2 = BC^2.$$


    Par suite on obtient

    $$1=\left( {AE \over AB}\right) ^2 + \left({EB \over AB}\right)^2 = \left({BG \over BC}\right)^2 + \left({EB \over AB}\right)^2$$


    Si le rectangle EMGB est un carré, les segments EB et GB sont égaux et on obtient :

    $${1 \over AB^2} + {1 \over BC^2} = {1 \over BG^2}$$


    Les relations métriques usuelles dans un triangle rectangle de côtés de l’angle droit AB et AC impliquent que le segment BG est égal à la hauteur issue du sommet de l’angle droit (utilisation simultanée du théorème de Pythagore et des deux formules donnant l’aire du triangle rectangle ABC). Cela permet la construction du point M. 

Un autre regard  : si le rectangle EMGB est un carré le segment EB se déduit du segment GB par une rotation de centre B et d’angle de mesure ±90° selon la disposition des points. Notons C’ l’image du point C par cette rotation ; le cercle de diamètre BC’ recoupe le cercle de diamètre AB au point E et le rectangle EMGB est un carré.
De fait c’est le même résultat : le segment BE est hauteur du triangle rectangle ABC’

  • Rectangles de la classe 3 :
    Chaque rectangle est inscrit sur une des quatre larmes ci-dessous, larmes symétriques deux à deux. Il suffit de déterminer le point M pour un seul des quatre rectangles de cette classe.

Par exemple déterminons le point M, correspondant à la première larme, pour que le rectangle AMGH soit un carré.

Par le théorème de Thalès on a ${MG \over MC}= {AB \over AC}$.
Si le rectangle AMGH est un carré on a ${MA \over MC}= {AB \over AC}$
Notons C’ l’intersection de la droite perpendiculaire à AC passant par A avec la droite CM.
Les relations métriques dans le triangle rectangle nous permettent d’écrire ${MA \over MC}= {AC’ \over AC}$.
La construction du point M est alors la suivante : élever du point A la perpendiculaire à AC et, sur cette perpendiculaire, reporter le point C’ tel que AC’ = AB. La droite CC’ recoupe le cercle de diamètre AC au point M cherché :

$${MA \over MC}= {AB \over AC}={MG \over MC}$$


et

$$MA = MG. $$

  • Conclusion :
    On a inscrit un carré dans la courbe « larme ».
    Pour terminer l’exercice, il reste à voir que c’est le seul carré possible. Ceci sera étudié plus avant et c’est une des difficultés, pour ne pas dire la difficulté, de cet exercice. Les difficultés rencontrées pour la résolution sont d’ordre topologique (ordre) et organisationnel par l’étude de tous les cas possibles. Dans une première lecture, on peut regarder en détail une des situations A) et une des situations B) pour n’appréhender que les difficultés d’ordre topologiques.

2. Les cercles de Mohr

La configuration des cercles de Mohr est une configuration classique de mécanique des fluides. Cette configuration, peu connue dans le monde mathématique, n’a a priori aucun lien avec le problème proposé bien que sa représentation (son dessin) soit proche de celui-ci, contienne la courbe « larme », et que certaine propriété mise en jeu peut permettre d’anticiper la solution de l’exercice.

Cercles de Mohr : On considère trois cercles $C_1, C_2, C_3$ de centre $O_1, O_2, O_3$, de rayon $R_1, R_2, R_3$, telles que $C_2$ et $C_3$ sont tangents extérieurement en un point B, et tous deux tangents intérieurement au cercle $C_1$ en A et C respectivement. On suppose de plus que les centres $O_1, O_2, O_3$ sont alignés.

1°) Un cercle $C$ de centre $O_3$ de rayon R supérieur à $R_3$, recoupe le cercle $C_1$ en un point M et le cercle $C_2$ en un point N, points situés d’un même côté par rapport à la droite AD. Alors les points C, N, M sont alignés.

2°) Un cercle $C$ de centre $O_1$ recoupe le cercle $C_2$ en un point M et le cercle $C_3$ en un point N, points situés d’un même côté par rapport à la droite AC. Alors les angles $\widehat{CO_2M}$, $\widehat{CO_3N}$ sont supplémentaires.

Dans l’exercice 290 de Géométrie [3], il est donné une démonstration utilisant seulement les savoirs de géométrie synthétique du collège, mais c’est une démonstration qui transforme le problème ; en mécanique je n’ai trouvé que des démonstrations de géométrie analytique. Cette démonstration ne montre pas l’alignement des points, elle montre que si les points sont alignés il existe un cercle $C$ de centre $O_3$ passant par les deux points d’intersection. Cette démonstration convainc, peut se faire en collège, mais n’explique pas la configuration. Brièvement :

Une droite d passant par le point C coupe le cercle $C_1$ au point M et le cercle $C_2$ au point N. Les droites AM et BN sont parallèles car perpendiculaires à la droite d. Le point $O_3$ est milieu du segment AB, et si I est milieu de MN les droites $O_3I$, AM et BN sont parallèles : la droite $O_3I$ est médiatrice du segment MN et les segments $O_3M$ et $O_3N$ sont égaux. Le cercle de centre $O_3$ passant par le point M passe par le point N.

Démonstration directe :

Cette démonstration exige un savoir faire plus élaboré bien que les outils mis en oeuvre soient aussi ceux du collège, de plus elle se situe dans l’esprit de cet article.
C’est-à-dire, lorsqu’on trace plusieurs courbes intersectant une même courbe, savoir comment sont positionnés les points entre eux, l’ordre dans lesquels on les trouve.
Cela est peut être un des sens de la phrase suivante énoncée par les anciens « La géométrie est l’art de raisonner juste sur une figure fausse ».

Un cercle $C$ de centre $O_3$ intersecte les cercles $C_1$ et $C_2$ aux points M et N situés d’un même côté par rapport à la droite des diamètres communs AC. La médiatrice d de la corde MN passe par le point $O_3$ : les perpendiculaires $d_1, d_2$ menées des points M, N respectivement au segment MN comprennent entre elles le point $O_3$. Si elles coupent la droite AC aux points M’ et N’ respectivement, le point $O_3$ est milieu du segment M’N’ et le point M’ est situé sur la demi-droite $O_3A$ d’origine $O_3$.

i) Premier cas : La droite $d_1$ passe par le point A.
L’angle $\widehat {AMN}$ est droit : la droite MN passe par le point diamétralement opposé au point A, c’est-àdire
le point C. Les points M, N, C sont alignés.


ii) Deuxième cas : La droite $d_1$ passe par le point $O_3$.
Les droites d et $d_1$, étant parallèles, sont confondues : les droites d, $d_1, d_2$ le sont aussi. Par suite les
points M, N, C sont confondus.
C’est le cas limite de i) : le cercle $C$ est de rayon $O_3C$.

iii) Troisième cas : Les droites $d_1$ et AC sont parallèles.


Les droites d, $d_1, d_2$, et AC sont parallèles. Le point $O_3$ est commun aux droites d et AC : elles sont confondues et la droite MN est perpendiculaire à la droite AC. Les points M et N étant situés d’un même côté par rapport à la droite AC, les droites $d_1$ et $d_2$ ne peuvent comprendre entre elles le point $O_3$ à moins d’être confondues.
Dans ce cas les points M, N, et C sont confondus et on est ramené au cas précédent.

iv) Quatrième cas : Le point M’ est situé sur le segment $O_3A$ et n’est pas une de ses extrémités.


La droite $d_1$ coupe le cercle $C_1$ au point E situé dans le demi-plan défini par la droite AC et ne contenant pas le point M : la droite MN intersecte le cercle $C_1$ au point diamétralement opposé E’ situé du même côté que les points M et N par rapport à la droite AC.
Ainsi la droite MN recoupe l’arc $\overset{\frown}{BNC}$ au point F, et la droite $d_2$ recoupe le cercle $C_2$ au point F’ diamétralement opposé : le point N’ est situé sur le segment BC.
Les longueurs des segments $O_3M’, O_3A$ égal à $O_3B, O_3N’$ sont dans cet ordre et sont différentes. Le point $O_3$ ne peut être milieu du segment M’N’, ce qui est contradictoire.

v) Cinquième cas : Le point M’ est situé sur le prolongement du segment $O_3A$.


La droite $d_1$ recoupe le cercle $C_1$ au point E situé du même côté que le point M par rapport à la droite AC : la droite MN recoupe le cercle $C_1$ au point E’ diamétralement opposé au point E. Le point E’ est situé dans le demi-plan défini par la droite AC ne contenant pas le point M. Par suite la droite MN recoupe le cercle $C_2$ au point F situé dans ce même demi-plan.
La droite $d_2$ recoupe le cercle $C_2$ au point F’ diamétralement opposé au point F. Le point N’ n’est pas situé sur le segment BC, il est situé sur la demi-droite BA d’origine B.
Les longueurs des segments $O_3N’, O_3B$ égal à $O_3A, O_3M’$ sont dans cet ordre et sont différentes.
Le point $O_3$ ne peut être milieu du segment M’N’, ce qui est contradictoire.

Conclusion :
Les points M, N, et C sont alignés.

3. La situation générale

Si dans une des courbes « larme » on a pu inscrire un carré, la question se pose de savoir si on peut en inscrire d’autres : c’est la question difficile de cet exercice. Trouver un tel carré, s’il existe, nécessite une étude approfondie pour savoir où positionner les sommets sur les demi-cercles.

Essayer de répondre à cette question peut nous amener à prendre conscience des difficultés que peuvent avoir certains élèves à la lecture d’un énoncé et au positionnement de certains éléments simples (triangles, cercles, etc.) entre eux. Il faut qu’ils comprennent la disposition spatiale de ces éléments et, pour cela, qu’ils anticipent certaines relations d’ordre et de coïncidences.

L’étude préliminaire que nous venons de faire dans le paragraphe « La situation collège » nous permet d’éliminer certains « cas de figures » de l’étude restante. En effet il est facile de voir que si un des trois points A, B, ou C est situé sur la droite définie par un côté du carré, ou plutôt du rectangle, les deux autres points seront aussi situés sur une droite définie par un côté. On est ramené à l’étude de la « situation collège-lycée ».

Relâchement de conditions :

Il est souvent intéressant lorsqu’on cherche un problème de relâcher une ou plusieurs conditions ; ce faisant, on obtient une famille de figures qui comprend la figure cherchée. Une fois cette famille déterminée, on regarde qu’elles sont les conditions qu’il nous faut prendre en compte pour trouver la figure cherchée dans cette famille. Il est clair que l’action de relâcher certaines conditions et d’en garder d’autres n’est pas neutre [4].

Dans le cas présent, nous allons essayer d’inscrire un rectangle non aplati dans la courbe définie par les trois demi-cercles (dont aucun côté ne passe par les points A, B ou C) puis, si cette famille n’est pas vide, de voir quelles conditions il nous faudra considérer pour obtenir un carré. Pour cela il nous faut étudier toutes les positions possibles des sommets sur la courbe et procéder par élimination si nécessaire.

S’il est possible d’inscrire un rectangle dans la courbe formée par les trois demicercles, on est sûr d’avoir deux sommets sur un même demi-cercle : si n + 1 objets sont répartis dans n tiroirs, un tiroir contient au moins deux objets.

Par ailleurs si un rectangle possède trois sommets sur un cercle, le quatrième est aussi sur le cercle : on a donc deux diamètres de directions distinctes, et le rectangle que nous cherchons ne peut avoir trois sommets sur un même demi-cercle.

Il reste donc six cas possibles à étudier : trois dont les sommets du rectangle seraient deux à deux sur deux demi-cercles, et trois dont les sommets du rectangle seraient deux sur un demi-cercle et un sommet sur chacun des deux autres.

Soit MNPQ un rectangle inscrit dans la courbe « larme », les sommets étant nommés dans le sens des aiguilles d’une montre.

Une disposition topologique

Supposons que deux sommets non consécutifs M et P sont sur un même demi-cercle. Comme l’angle $\widehat {MNP}$ est droit, la corde MP est diamètre et le point N est sur le même demi-cercle. C’est un positionnement que nous venons d’éliminer : les quatre sommets seraient sur ce demi-cercle.

Ainsi deux sommets situés sur un même demi-cercle sont consécutifs.

Notons $C_1, C_2, C_3$ les demi-cercles de diamètres respectifs AC, BC, AB et $O_1, O_2, O_3$ leurs centres.

A) : Les sommets du rectangle sont situés sur deux demi-cercles.

  • Les sommets consécutifs M, N sont situés sur $C_1$ et les sommets P, Q sur $C_2$.

Les côtés MN et PQ du rectangle ont même médiatrice : c’est un axe de symétrie du rectangle.
Cette médiatrice passe par les centres $O_1$ et $O_2$ des demi-cercles, c’est la droite AC.
Les demi-cercles sont situées d’un même côté par rapport à la droite AC. Les points M, N, A (respectivement P, Q, B) sont confondus et le rectangle est aplati. Nous avons éliminé ce cas.

  • Les sommets consécutifs M, N sont situés sur $C_1$ et les sommets P, Q sur $C_3$.

Les côtés MN et PQ du rectangle ont même médiatrice : c’est un axe de symétrie du rectangle.
Cette médiatrice passe par les centres O1 et O3 des demi-cercles, c’est la droite AC.
Les demi-cercles sont situés de part et d’autre de la droite AC. Les points M, N, A (respectivement
P, Q, B) sont confondus et le rectangle est aplati ou réduit à un point. Nous avons éliminé ce cas.

  • Les sommets consécutifs M, N sont situés sur $C_2$ et les sommets P, Q sur $C_3$.

Les côtés MN et PQ du rectangle ont même médiatrice : c’est un axe de symétrie du rectangle.
Cette médiatrice passe par les centres $O_1$ et $O_3$ des demi-cercles, c’est la droite AC.
Les demi-cercles sont situés de part et d’autre de la droite AC. Les points A, P, Q ou B, P, Q sont
confondus : il en est de même des points B, M, N ou C, M, N : le rectangle est aplati ou réduit à un
point. Nous avons éliminé ce cas.

B) Seulement deux sommets sont situés sur un demi-cercle.

Dans ce paragraphe, notons M, N les deux sommets consécutifs situés sur un même demi-cercle et AA’DD’ le rectangle inscrit dans la « larme » tel que les droites AA’ et MN soient parallèles. Rappelons que la droite DD’ passe par le point B.

  • Les sommets consécutifs M, N sont situés sur $C_1$, le sommet P sur $C_2$, et le sommet Q sur $C_3$.

Les sommets M et N sont situés sur l’arc $\overset{\frown}{AA’}$de $C_1$ : ils sont contenus dans la partie du plan comprise entre les droites parallèles A’D et AD’.
La droite NP étant parallèle à la droite A’C, le point P est situé sur l’arc $\overset{\frown}{BD}$ ; de même, la droite MQ étant parallèle à la droite AD’, le point Q est situé sur l’arc $\overset{\frown}{D’B}$. Ainsi les points P et Q sont situés de part et d’autre de la droite DD’.
Comme les droites DD’ et PQ sont parallèles, elles sont confondues. Si les points P et Q sont distincts, le rectangle cherché est AA’DD’, cas que nous avons déjà étudié, et, s’ils sont confondus, le rectangle cherché est un segment, cas que nous avons éliminé.

  • Les sommets consécutifs M, N sont situés sur $C_2$, le sommet P sur $C_3$, et le sommet Q sur $C_1$.

Les sommets M et N sont situés sur l’arc $\overset{\frown}{BD}$ de $C_2$ définissant la courbe. En effet toute parallèle à AA’ passant par un point de l’arc $\overset{\frown}{DC}$ ne coupe l’arc $\overset{\frown}{BC}$ définissant la courbe qu’en un seul point.
Le point P est situé sur l’arc de $C_3$ définissant la courbe et dans le même demi-plan défini par la droite AA’. La droite PQ étant parallèle à la droite AA’, le point Q est situé sur l’arc $\overset{\frown}{A’C}$.
Par suite les points M et Q sont situés de part et d’autre de la droite A’C. Comme les droites A’C et MQ sont parallèles, elles ne peuvent être que confondues : les points M, Q, C sont confondus. Le rectangle MNPQ esr un segment, cas que nous avons éliminé.

  • Les sommets consécutifs M, N sont situés sur $C_3$, le sommet P sur $C_1$, et le sommet Q sur $C_2$ :

Les points M et N sont situés sur $C_3$ et MN est parallèle à AA’ : les points M et N sont situés sur l’arc $\overset{\frown}{D’B}$ de l’arc de $C_3$ définissant la courbe.
En effet toute parallèle à AA’ passant par un point de l’arc $\overset{\frown}{AD’}$ ne coupe l’arc $\overset{\frown}{AB}$ définissant la courbe qu’en un seul point.
Le point P est situé sur l’arc de $C_1$ définissant la courbe et dans le même demi-plan défini par la droite A’C que le point N. La droite NP étant parallèle à la droite A’C, le point P est situé sur l’arc $\overset{\frown}{AA’}$ .
Par suite les points P et Q sont situés de part et d’autre de la droite AA’.
Comme les droites AA’ et PQ sont parallèles, elles ne peuvent être que confondues : les points P, Q, C sont confondus. Le rectangle MNPQ est un segment, cas que nous avons éliminé.

Autre démonstration

La démonstration que nous allons donner ici, si elle peut convaincre plus facilement un lecteur, n’éclaire pas sur le pourquoi de cette impossibilité, c’est pour comparaison que nous l’avons ajoutée.

Les côtés MN et PQ du rectangle ont même médiatrice, c’est un axe de symétrie du rectangle. Cette médiatrice passe donc par le centre $O_3$ et les points P et Q sont à égale distance du point $O_3$. La configuration des cercles de Mohr nous dit que les points P, Q, C sont alignés ; c’est la situation étudiée au début de cet article et que nous avons ici éliminée.

  • Conclusion  : Il n’y a pas d’autre rectangle inscrit dans la courbe que nous avons appelée « larme ».

Note : Les derniers « cas de figure » de cette étude peuvent se traiter avec comme seule connaissance mathématique qu’un angle droit inscrit dans un cercle définit un diamètre. L’utilisation d’un logiciel de géométrie dynamique permet de poser des questions d’ordre et d’incidence. Ces questions rendent l’étude plus accessible. À titre d’exemple, je vais traiter, de cette manière, un cas de l’étude.

  • Les sommets consécutifs M, N sont situés sur $C_2$, le sommet P sur $C_3$, et le sommet Q sur $C_1$ :

La droite QM recoupe $C_2$ au point diamétralement opposé au point N : elle ne coupe pas l’arc de $C_2$ définissant la courbe larme ; d’où la droite QM recoupe $C_1$ au point Q’ non situé sur l’arc de $C_1$ définissant la courbe larme.
La perpendiculaire à la droite QM, menée du point Q recoupe $C_1$ au point Q’’ diamétralement opposé au point Q’ : le point Q’’ est situé sur l’arc de $C_1$ définissant la courbe. Par suite cette
droite QQ’’ ne coupe pas l’arc de $C_3$ définissant la courbe larme. Or le point P est situé sur cette droite, c’est impossible.

4. Conclusion

Le positionnement des sommets d’un rectangle inscrit dans la configuration proposée n’utilise que des outils mathématiques du collège, mais demande d’avoir construit mentalement les figures « rectangle » et « cercle » avec la relation topologique de l’inscriptibilité. On doit contrôler sans s’appuyer sur le dessin, c’est-à-dire a priori, les incidences entre les lignes, les arcs et les segments, ce qui n’est pas du champ des compétences d’un élève de Collège.

Cet a priori permet de mieux comprendre pourquoi cette activité est éludée dans le secondaire, et la lecture de cet article peut en être une confirmation. C’était aussi le cas lorsqu’on faisait un enseignement soutenu de géométrie dans le secondaire. De mon point de vue, la raison principale de ne pas être et de n’avoir pas été incluse dans l’apprentissage est que cette activité n’est pas créatrice de savoirs attendus et se situe davantage dans une évaluation proche de l’axiomatique sous-jacente à ces savoirs. Elle porte de fait sur les fondements de la géométrie par les questions qu’elle pose (axiome de Pasch, relation d’ordre, …). Dans la pratique, tout au plus, on vérifiait où l’incidence pouvait avoir lieu et c’était le dessin qui le disait sur le cas de figure considéré pourvu que ce dessin soit « suffisamment exact ». Parfois, pour le faire souligner aux élèves, on l’oubliait pour « démontrer » les sophismes [5] en faisant un dessin à main levée idoine. Remarquons que les vérifications d’incidence, d’ordre, d’étude de cas particuliers, est une des premières activités lorsqu’on travaille dans le cadre d’espaces vectoriels qui opèrent sur un ensemble. Cette démarche est à l’opposée d’un apprentissage initial de la géométrie, apprentissage qui consiste à acquérir des savoirs et non à les structurer : on ne structure pas le vide. Il convient, dans une démarche d’apprentissage des savoirs, d’étudier en premier lieu les cas génériques avant de regarder les possibles cas de dégénérescence ponctuels : on est dans une situation de validation de ces cas génériques et de reconnaissance de cas « pathologiques ». De plus cela permet de choisir, le cas échéant, par continuité entre des résultats possibles, bien qu’en géométrie il faille être très prudent en ce qui concerne les passages à la limite.

Faire un dessin « correct » permet de s’affranchir des contraintes liées à la position des éléments simples entre eux, à l’incidence et à la relation d’ordre qui s’avèrent essentiels lorsqu’on raisonne sur le dessin. L’utilisation d’un logiciel interactif de géométrie permet de remédier à certaines de ces difficultés. L’évolution de l’écriture des énoncés qui tend à donner une procédure de la construction de la figure permet de contourner cette difficulté. Cette démarche n’est pas créatrice ou révélatrice de sens, elle tend plutôt à le cacher ce qui est regrettable et, même si elle permet à des élèves d’avancer dans l’exercice proposé, elle ne s’inscrit pas dans un apprentissage à moyen ou à long terme.

Pour revenir à l’introduction de ce texte, le détour que nous avons pris pour résoudre cet exercice peut nous permettre de mieux appréhender, par analogie, les difficultés qu’ont certains élèves à traduire par un dessin correct la figure proposée par un énoncé géométrique. Il me parait raisonnable de pouvoir exiger d’un élève la réalisation de ce dessin même si cette demande ne lui est pas formellement demandée, et de le lui donner ne résoudra pas les difficultés d’apprentissage. Rappelons le conseil de J. PETERSEN [6] : « On comprend bien mieux une figure et on se la rappelle bien plus facilement quand on l’a vue pendant la période de la construction. Mon idée, c’est de forcer les élèves à travailler le présent ouvrage et non pas simplement à le lire. »

<redacteur|auteur=500>

Notes

[1michel.carral@toulouse.iufm.fr

[214e Championnat International des Jeux Mathématiques et Logiques, 1/4 de finale individuels 2000 fin catégorie L1, GP.

[3M. Carral, Géométrie, Ellipses, 1995

[4M. Carral, Géométrie du secondaire et programme d’Erlangen, Bulletin APMEP no 431, novembre 2000.

[5M. Carral. Géométrie. Ellipses, (1995).

[6MÉTHODES ET THÉORIES pour la résolution des problèmes de CONSTRUCTIONS GÉOMÉTRIQUES, par Julius PETERSEN, Copenhague 1879, traduction de O. CHEMIN, 5ème édition, Gauthier-Villars 1916.

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