Audition de l’APMEP et de la CFEM auprès de l’Inspection Générale mercredi 15 février 2023

 

Audition du 15 février 2023 avec le groupe de travail [1] de l’Inspection Générale sur les maths pour tous (et toutes !)

 

  • Viviane Durand-Guerrier
    Présidente de la CFEM [2]
  • Claire Piolti-Lamorthe
    Présidente de l’APMEP
  • Anne Cortella
    déléguée de l’ADIREM [3] à la CFEM
    membre du bureau de la CFEM

 

Présentation

Nous vous remercions pour cette invitation qui nous permet de partager avec vous certains des enjeux essentiels de l’enseignement des mathématiques pour tous et pour toutes.

La question des mathématiques pour tous et toutes est une question très vaste qui touche aux questions de genre, de milieux socio-professionnelles et concerne la diversité des aspirations des élèves en termes de poursuite d’étude, de vie professionnelle et en tant que citoyen. La formation en mathématique doit permettre aux élèves de suivre avec profit la variété de fait des parcours mathématiques après le collège et après le lycée. Pour cela, un élément crucial est la maîtrise du langage, notamment, mais pas seulement, pour les élèves non francophones natifs ; la maîtrise du langage est nécessaire pour déployer les raisonnements. Il ne suffit pas d’offrir des outils mathématiques plus ou moins experts selon les parcours ; la maîtrise de la diversité des outils mathématiques et la diversité et la qualité des situations didactiques envisagées, ainsi que les compétences de raisonnement et les compétences rédactionnelles sont nécessaires tant pour la poursuite d’étude que pour la vie professionnelle et pour l’exercice de la citoyenneté. Ceci vaut pour le collège, le lycée général, technologique, et professionnel.

Nous avons organisé notre intervention suivant deux axes, qui croisent un certain nombre des questions que vous nous aviez transmises en amont de cette rencontre :

  • l’importance de la dialectique abstrait-concret et la nécessité de disposer d’une variété de registres ;
  • la nécessité de développer la formation en appui sur les résultats de la recherche.

 

La dialectique abstrait-concret

Le concret dans l’enseignement des mathématiques ne doit pas se réduire à une vision utilitariste, ni à des habillages, pour lesquels les mathématiques sous-jacentes sont transparentes.

Comme l’écrit le Physicien Paul Langevin dans un recueil de pensées, « le concret c’est de l’abstrait rendu familier pas l’usage ». En ce sens, l’abstraction est une ambition nécessaire pour les élèves — cela commence dès l’école primaire avec la construction du nombre comme mesure de la taille des collections finies ; Les nombres entiers et les opérations associées deviennent ensuite suffisamment familiers au début du collège pour pouvoir contribuer à l’entrée dans l’algèbre, sous réserve que l’on propose aux élèves des situations didactiques leur permettant de s’appuyer sur les connaissances qu’ils maîtrisent pour s’engager dans la construction de connaissances nouvelles, qui doivent permettent de revisiter les connaissances anciennes. Il ne s’agit pas de considérer les nouvelles connaissances comme un dépassement qui déclasserait la pertinence des outils précédents, mais comme un enrichissement. Par exemple, les techniques de résolution des équations du second degré ne sont pas nécessaires si on se pose la question de savoir si une valeur donnée est solution d’une équation donnée. Il en est de même par exemple pour les équations différentielles, ce que de nombreux étudiants arrivant à l’université ont oublié.

Privilégier des « solutions types » peut conduire à rejeter des procédures moins expertes mais néanmoins valides, ce qui peut générer de l’échec, et freiner l’autonomie et la créativité des élèves ; ceci s’oppose en outre à la prise en compte en classe de la diversité cognitive des élèves.

La question de la référence au concret pose aussi la question de la modélisation et de la mathématisation, dans une dialectique entre empirique et théorique.

La dialectique dessin-figure en géométrie relève également de cette dialectique concret/abstrait ; empirique/théorique.

Nous souhaitons également souligner la nécessité de disposer d’une variété de registres, de pouvoir travailler à l’intérieur d’un registre donné et de s’appuyer sur les changements de registres. À cet égard, le registre géométrique est important 1/ pour le développement du raisonnement ; 2/ comme outil de modélisation ; 3/ comme outil pour les usages des représentations graphiques, en appui sur la correspondance biunivoque entre les couples de réels et les points du plan, et pour comprendre ce qui se passe dans les logiciels de géométrie dynamique.

 

Développer la formation des enseignants

Pour remplir ces objectifs, il faut disposer de situations didactiques robustes, comme celles développées et expérimentées dans les IREM [4] en appui sur les résultats des recherches en Didactique des mathématiques. Ce qui nécessite que les enseignants soient formés, en formation initiale et en formation continue, à conduire de telles situations en classe. Ceci demande du temps, des effectifs réduits et de la continuité pour les apprentissages, ce qui a été mis à mal de manière brutale avec la dernière réforme du lycée général. Ceci nécessite également des moyens pour le développement et la diffusion des ressources, moyens qui sont aujourd’hui très insuffisants.

En effet, l’élaboration et la diffusion de situations didactiques robustes nécessite un travail collectif, associant les différents acteurs, appuyé sur les résultats de la recherche et sur les travaux conduits dans les IREM comme lieu de l’interface terrain/formation/recherche. Il y a une impérieuse nécessité de développer la formation continue et la formation de formateurs, en appui sur les résultats des recherches en Didactique des mathématiques. Il faut donner du temps au collectif et se donner les moyens de passer à un changement d’échelle pour la diffusion des ressources et la formation nécessaire à leur appropriation. Nous pensons qu’une rencontre avec l’ARDM [5] pourrait apporter des éléments complémentaires à nos échanges de ce jour.

Il y a aujourd’hui une préoccupation majeure de la société sur la question de la formation mathématique comme le montre la large audience des communiqués du collectif Maths&Sciences et des Assises des Mathématiques.

 

Notes

[1Ce groupe de travail, nommé « mathématiques pour tous », est à l’initiative de l’Inspection Générale de mathématiques ; il est composés d’IG et d’IA-IPR réfléchissant à moyen terme sur les programmes de mathématiques du secondaire.

[2Commission Française pour l’Enseignement des Mathématiques

[3Assemblée des Directeurs d’IREM

[4Instituts de Recherche sur l’Enseignement des Mathématiques

[5Association pour les Recherches en Didactique des Mathématiques

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