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Ce que PISA nous apprend.

Séminaire APMEP 2011

Intervention de Yves Olivier [1]

1. L’évaluation PISA en trois mots

 Qu’est-ce que PISA ?

Organisée par l’OCDE [2], cette évaluation vise à connaître la « culture » des élèves
de 15 ans (âge de fin de la scolarité obligatoire dans la plupart des pays) dans trois
domaines : la compréhension de l’écrit (on dit plutôt « littératie »), la culture
mathématique (on dit plutôt « littératie » mathématique) et la culture scientifique.

Elles se déroulent tous les trois ans sur un cycle de 9 ans permettant à chacun des
domaines d’être une majeure et les autres des mineures.

Certains items sont repris lors de chaque évaluation pour faciliter les comparaisons,
certains autres sont dits libérés et rendus publics.

Le nombre de pays concernés a augmenté régulièrement. En incluant les 34 pays de
l’OCDE, le nombre est passé de 32 en 2000, à 42 en 2003, 60 en 2006 et 65 en 2009.

(Pour en savoir plus sur les résultats 2009 :
http://www.oecd.org/pisa/46624382.pdf)

 Quelle culture mathématique ?

Par culture mathématique, les experts de l’OCDE entendent en 2003 :
« La culture mathématique est l’aptitude d’un individu à identifier et comprendre le
rôle des mathématiques dans le monde
, à porter des jugements fondés à leur
propos
, et à s’engager dans des activités mathématiques en fonction des exigences
de sa vie, en tant que citoyen constructif, impliqué et réfléchi".

Cette définition contrastait avec notre façon de voir les mathématiques
traditionnelles (pratiquées à l’École au sens large) qui ne sont pas si importantes.
Essentiellement, en France, après avoir enseigné un concept, une compétence ou une
technique, les enseignants demandaient aux élèves de résoudre des problèmes qui
font appel à ces dites connaissances. Les concepts mathématiques et les techniques
requis sont classiques et les évaluations sont aisées : ou les étudiants ont appris la
technique ou ils ne l’ont pas apprise. Dans ce type d’exercice, l’utilité des
mathématiques n’avait pas vraiment une grande place. Cependant la réflexion sur les
compétences introduites par le Socle Commun de Compétences et de Connaissances
a fait évoluer notablement cette représentation des mathématiques.

La prochaine évaluation PISA dans laquelle les mathématiques seront la dominante
aura lieu en 2012. Le cadre de référence évoluera. En particulier la culture
mathématique devient « l’aptitude d’un individu à formuler, employer et interpréter
les mathématiques dans des contextes variés
. Cela inclut l’aptitude à raisonner
mathématiquement et à utiliser des concepts, procédures, faits et outils
mathématiques pour décrire, expliquer et prévoir des phénomènes. Elle aide
l’individu à comprendre le rôle des mathématiques dans le monde, à porter des
jugements bien fondés et à prendre des décisions nécessaires en tant que citoyen
constructif, impliqué et réfléchi
. »

Les ressemblances entre les deux définitions sont en gras, les différences en italique
gras. Cela permet de préciser l’activité mathématique souhaitée.

Le cycle de modélisation est décrit par le schéma suivant. La pratique de la culture
mathématique requiert la formulation d’un modèle, le travail intra math,
l’interprétation et la validation des résultats ; cependant, les individus mettent
souvent en œuvre leur « culture mathématique » sans mettre en oeuvre toutes ces
étapes à la fois.

La schématisation ci-dessous permet de mettre en évidence les interactions entre
monde réel et monde mathématique

Les modalités de l’évaluation en mathématiques

La répartition des items s’est faite chaque fois en quatre sous-domaines encore
appelés idées majeures :
 « Variations et relations » : Les compétences évaluées sous cet intitulé sont
très variées parmi lesquelles : lire, interpréter, exploiter une représentation
graphique ; appliquer une relation ; établir une expression algébrique.
 « Quantité », nombres et grandeurs : Les items proposés mettent en jeu la
proportionnalité ainsi que des compétences telles que : s’informer, trier en
fonction de critères donnés. Ils peuvent aussi faire appel à des méthodes de
dénombrement à l’aide, par exemple, d’arbres.
 « Espace et formes » : Le travail demandé repose sur l’interprétation des
configurations, sur des calculs d’aires et de périmètres ou l’appréhension de
figures de l’espace.
 « Incertitude », statistiques et probabilités : En statistique : les tâches
demandées concernent la lecture et/ou l’interprétation de relevés statistiques
présentés sous différentes formes, l’utilisation de caractéristiques de position
d’une série statistiques, la lecture critique d’une représentation graphique, …,
et en probabilités : tirages aléatoires, lancés de dés, …

En 2012, le contenu mathématique est couvert par les mêmes quatre idées majeures.

Les descriptions de ces idées majeures restent très générales. Afin d’améliorer les
items intra-mathématiques, une liste précise de contenus a été établie à partir des
programmes d’un échantillon de pays. La liste qui suit n’est volontairement pas
reliée aux idées majeures. La voici :
  Fonctions  : concept de fonction, linéaires ou autres, leurs représentations
diverses (langage naturel, écriture algébrique, diagrammes, tableaux de
valeurs, courbes représentatives) ;
  Expressions algébriques  : production de formules, et manipulation
d’expressions impliquant nombres, symboles, opérations, puissances, racines
carrées ;
  Équations linéaires et s’y ramenant ;
  Repérage du plan  : en relation avec des tableaux de valeurs, des figures
géométriques et l’algèbre ;
  Géométrie  : Relations algébriques entre éléments d’une figure (Pythagore,
…), position relative, triangles semblables, congruence, transformations,
lieux géométriques, dans le plan comme dans l’espace ;
  Grandeurs  : distance, angle, longueur, périmètre, aire, volume ;
  Nombres et unités  : sens, représentations et propriétés des entiers, des
rationnels et de certains aspects des irrationnels. Quantités et unités se référant
aux temps, monnaies, poids, température, distance, aire, volume ;
  Opérations arithmétiques  : sens et propriétés, conventions de notation ;
  Pourcentages, ratios, proportions  : utilisation de la proportionnalité pour
résoudre des problèmes ;
  Estimation  : Ordres de grandeurs, arrondis ;
  Gestion de données  : statistiques descriptives, variables, distribution, position
centrale et leurs descriptions et interprétations ;
  Échantillonnage  : à partir de populations, propriétés de base d’un
échantillon ;
  Probabilité  : événement aléatoire, fréquence, notions de base.

Les élèves doivent résoudre des exercices avec des supports étroitement liés à la vie
quotidienne (prévisions météo, dés à jouer, télésiège, notes à un examen, etc.), ou
mettant en jeu des compétences très variées comme : utiliser un langage et des
opérations mathématiques, donner une argumentation mathématique, savoir
identifier une question à caractère mathématique, savoir modéliser une situation pour
poser un problème mathématique, etc. Les anciennes compétences de 2003 pour
2012 sont maintenant nommées sous compétences. Elles sont au nombre de sept :
communication, représentation, raisonner et argumenter, utilisation de
symboles et formalisation d’opérations, utilisation d’outils mathématiques

(principalement évalué en support informatique), mathématisation (anciennement
modélisation !) et conduire des stratégies (anciennement résolution de problèmes).

On les retrouve sur le schéma précédent. Il est intéressant de constater qu’il y a
concordance avec les compétences à développer dans le cadre du socle commun de
connaissances et de compétences qui seront à valider dans le Livret Personnel de
Compétences (LPC) des élèves en fin de Troisième.

Ainsi en 2003, où la culture mathématique était une majeure, il y avait 85 items
répartis sur les quatre domaines. Une différence entre les évaluations classiques en
France et PISA réside également dans les « formats d’items » et le type de réponses
attendues. Ce qui conduit à des formes variées de questionnement variées.

En guise de conclusion : changer l’organisation du temps pédagogique

Il est nécessaire de souligner que la majorité des situations valorisent les recherches
et les prises d’initiative. Est-ce réellement le cas dans notre enseignement ? Or, ne
retrouve-t-on pas cela dans les compétences du socle commun des connaissances et
de compétences. N’est-ce pas ce que l’on voudrait pour chaque citoyen ?
Il faut aussi reconnaître que, « coincé » par le temps, le professeur se contraint
souvent à limiter le temps de recherche pour pouvoir tenir les objectifs qu’il s’est
fixé. L’obligation de « boucler » le Programme, peut inciter même certains
enseignants à ne jamais proposer ce genre de situation.
Pourtant les élèves français de 15 ans montrent, si on les sollicite, qu’ils disposent de
procédures leur permettant de résoudre des problèmes pour lesquels ils n’ont pas de
solution experte mathématique. Il semble donc nécessaire de proposer des situations
variées, ouvertes qui ne contribuent pas à un formatage du questionnement et des
raisonnements.

Donner du temps à la recherche de problèmes, c’est donner du sens aux
mathématiques, c’est développer des compétences, c’est exercer les compétences et
c’est également créer une culture des différentes situations. Cette culture nécessite un
investissement collectif (de la classe et du professeur) qui prend en compte tous les
élèves, qui aide à comprendre le problème, à en montrer les analogies ou les
différences avec les précédents problèmes résolus. Cette culture donne de
« l’expérience » aux élèves. Elle privilégie l’imagination, développe de la créativité
et des méthodes de résolution : simplification, modélisation, essai-erreur,
approximation, etc. Elle introduit ou accompagne de nouveaux savoirs. Elle valide
des techniques.
Cela nécessite un certain regard posé sur l’élève, une certaine attitude
du professeur qui encourage, aide, stimule, relativise l’erreur et contraint chaque
élève à toujours se dépasser puis ensuite le confronte aux autres et l’aide à partager
« son expérience ».

Les évaluations PISA nous apprennent aussi qu’au fil des années
(malheureusement !) les écarts se creusent en France entre nos élèves des niveaux de
performances 5 et 6 et ceux des élèves des niveaux de performance inférieurs ou
égaux à deux. Cela doit nous faire réfléchir à la performance (on pourrait dire
efficience) de notre enseignement obligatoire en particulier en mathématiques.

Rappelons que le Haut Conseil de l’Éducation en a fait un argument pour développer
le socle commun de connaissances et de compétences.
<redacteur|auteur=13>

Notes

[1IA-IPR de Maths, Académie d’Orléans-Tours, membre du groupe français des experts en
mathématiques de l’évaluation internationale PISA.
yves.olivier@ac-orleans-tours.fr

[2OCDE : Organisation de coopération et de développement économiques née en 1961 et
regroupant 34 pays.

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