Éditorial du BGV n°203

Entre sens et technique, faut-il choisir ?

La question du sens de l’enseignement des mathématiques est au cœur de nos préoccupations en tant qu’enseignants et, a fortiori, en tant que membres de l’APMEP. On pourrait espérer qu’elle préside aux choix faits pour la conception de programmes. Les réformes des lycées et des baccalauréats, vu leur ampleur, auraient mérité du temps pour poser sérieusement cette question : quelles mathématiques enseigner aux lycéens au début du 21e siècle ? pourquoi enseigner les mathématiques au lycée ? à quoi renonçons-nous quand nous ne proposons pas de mathématiques à une partie des lycéens pendant le cycle terminal ?

Les projets de programmes pour la seconde et les premières générale et technologiques ont suscité des réactions diverses. On observe en particulier deux grandes tendances : certains se réjouissent d’une réelle ambition sur le calcul et la démonstration, certains (parfois les mêmes) regrettent l’étendue trop vaste de ces projets, craignant qu’elle ne permette pas de prendre le temps nécessaire pour leur appropriation par tous les élèves (surtout en seconde et première générale). Ne pourrions-nous pas trouver un juste équilibre ? Un programme ambitieux sur les compétences mathématiques, mais qui soit d’une étendue raisonnable pour permettre des temps de recherche en classe, pour laisser les élèves se tromper, analyser leurs erreurs, pour pouvoir construire une trace écrite riche et qui soit un véritable outil d’apprentissage.

D’une manière générale, il serait dangereux de penser que mettre l’accent sur la maîtrise de techniques et de procédures serait une condition suffisante pour permettre de meilleurs apprentissages. C’est pourtant l’impression que donnent ces projets de programmes pour le LEGT, mais aussi les repères pour les cycles de l’école primaire, surtout si on les replace dans un contexte plus général incluant toutes les disciplines. Il ne s’agit pas de nier les apports de la technique et de l’acquisition d’automatismes, nous savons leur nécessité. Mais comme le montre la théorie des champs conceptuels, la vision binaire opposant sens et technique est trop réductrice. Dans cette théorie, Gérard Vergnaud a analysé ce que nous appelons « concept » : un ensemble de situations ou de problèmes qu’il permet de traiter, des propriétés et des techniques afférentes, et des éléments langagiers ou non langagiers qui permettent de le représenter. Ces trois éléments sont indissociables et doivent opérer en interaction permanente. Le processus qui amène à cette construction est lent et les concepts ne sont jamais isolés mais toujours intriqués.
Le problème auquel se confronte tout enseignant est que le temps didactique qu’impose le professeur et celui de chaque élève ne concordent que rarement. Les programmes et les diverses préconisations les accompagnant devraient être conçus pour aider les enseignants à s’approcher au mieux d’un temps didactique plus cohérent avec celui des apprentissages des élèves. Ce n’est pas ce que nous comprenons de la programmation par période des repères pour les cycles 2 et 3. Ce n’est pas non plus ce que nous lisons dans les projets de programmes du lycée où les contenus sont présentés comme des savoirs déjà « savants ». Il est d’ailleurs notable que la préparation de l’oral qui concerne la spécialité mathématique de première et terminale générale n’est jamais mentionnée. Nous n’avons, en général, que peu d’expérience dans la formation à l’oral de nos élèves en mathématiques, mais nous pouvons d’ores et déjà anticiper qu’elle demandera un temps spécifique qui n’est pas prévu dans les projets qui nous ont été présentés.

Nous avons, à l’APMEP, toujours été attachés à la démocratisation des contenus mathématiques. C’est pourquoi nous rejetons les repères par périodes dans les cycles de l’école et demandons à ce que les programmes du LEGT soient revus pour qu’ils soient moins conséquents.

Il serait temps enfin d’arrêter d’opposer travail sur le sens et systématisation de techniques. L’un nourrit l’autre et nous voulons pouvoir faire vivre les deux dans nos classes.

Le bureau de l’APMEP

 

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