Éditorial du BGV n°209

Où sont les futurs profs de Maths ?

Un des problèmes majeurs de l’enseignement des mathématiques est son manque d’enseignants. De nombreux élèves se retrouvent sans enseignant pendant des périodes longues, ce qui rend leur formation mathématique incomplète. Cela entraîne une forte hétérogénéité dans les classes, qui n’est pas prise en compte par l’institution.

Pour pallier le manque d’enseignants, les rectorats font appel à des contractuels. Dans l’académie de Versailles, par exemple, environ 1 000 enseignants de mathématiques sont des contractuels, soit 1/5 des enseignants. Ces contractuels ont souvent une formation pédagogique et didactique quasi-inexistante.

Depuis de nombreuses années, tous les postes au CAPES externe ne sont pas pourvus et depuis peu, ceux de l’agrégation externe de mathématiques non plus, faute de candidats qualifiés. Lors de la réunion de la communauté mathématique aux Journées Nationales de l’APMEP, Anne Burban, IGESR de Mathématiques et présidente du jury du CAPES, nous a annoncé qu’il y avait entre 10 et 15 % d’inscrits en moins à la session 2020 (du) CAPES de Mathématiques par rapport à l’année précédente.

Mais pourquoi ne trouvons-nous plus de personnes motivées pour devenir professeur de mathématiques ? Pourquoi constatons-nous une augmentation du nombre d’enseignants abandonnant le métier ? Plusieurs éléments peuvent expliquer cette situation.

Notre métier est souvent présenté dans les médias au travers de problématiques de terrain (par exemple les problèmes de violence). Il est regrettable qu’à aucun moment ne soient valorisées les autres facettes positives de notre métier, comme notre capacité à développer le plaisir de faire des mathématiques chez nos élèves.

L’augmentation des tâches administratives, les changements de programmes récurrents qui ne laissent plus le temps d’avoir du recul sur les pratiques, le travail dans l’urgence et les fausses représentations du métier contribuent à l’augmentation des démissions.

Enfin n’oublions pas la question des salaires. En effet, pour un niveau d’études similaire, le salaire dans d’autres professions est beaucoup plus élevé. En Angleterre, en raison de la pénurie d’enseignants de mathématiques, le gouvernement a fait le choix de doubler leur salaire. Est-ce la solution ? Peut-être ! Mais nous ne pensons pas que le problème soit uniquement une question de salaire, il est beaucoup plus profond et mérite réflexion.

La réforme de la formation initiale associée à la place du concours en fin de master risque de renforcer la diminution du nombre de candidats inscrits. En effet, les étudiants vont devoir, la même année, préparer le concours, être en stage de responsabilité pour un tiers-temps et écrire un mémoire professionnel. Seront-ils en mesure d’accomplir l’ensemble de ces tâches ? D’autre part, cela signifie retarder d’une année l’entrée dans la vie active. Pour des raisons financières, certains étudiants pourraient être découragés à préparer le concours.

En 1957, pour répondre au besoin croissant d’enseignants, il avait été créé un institut de préparation aux enseignements de second degré (IPES) dans les facultés de sciences et de lettres. Des élèves-professeurs rémunérés, généralement durant 3 ans, en vue de l’acquisition des titres habilitant à l’enseignement dans le premier et second degré, y étaient formés. Ces élèves-professeurs étaient recrutés sur concours parmi les étudiants des facultés ainsi que parmi les élèves des classes préparatoires aux grandes écoles, justifiant d’une année au moins de scolarité. Le nombre de postes d’élèves-professeurs mis au concours était fixé pour chaque discipline par le ministre en tenant compte des besoins en enseignants. Ce dispositif efficace a été supprimé en 1979. L’APMEP souhaite qu’un dispositif équivalent soit mis en œuvre pour répondre à l’enjeu du déficit d’enseignants.

À l’heure actuelle, la préprofessionnalisation dès la L2 est un outil mis en œuvre par le ministère pour inciter les étudiants à découvrir le métier d’enseignant. Les missions confiées aux étudiants définies par le ministère sont :

  • un contrat de trois ans pour des étudiants inscrits à l’université en L2-L3-M1 (pouvant aller jusqu’à 4 ans) ;
  • une quotité de travail dans les écoles ou les établissements fixée à 8 heures par semaine sur 39 semaines, soit 312 heures annuelles ;
  • un service d’enseignement d’un tiers-temps en M1 ;
  • un contrat de droit public signé dans un EPLE, mais le recrutement est assuré par le Rectorat et l’Université.

Malheureusement, la contrainte d’inscription uniquement en L2 ne laisse pas la possibilité à des étudiants de L3 et M1 volontaires de participer à ce dispositif. Sans obligation de passer le concours, certains étudiants feront le choix de réaliser cette préprofessionnalisation pour des raisons financières plutôt que de vouloir véritablement découvrir le métier. De plus, actuellement, le nombre de candidats est très limité faute de valorisation de ce dispositif.

Mais encore faut-il avoir des étudiants qui souhaitent se diriger vers l’enseignement de mathématiques. Pour cela, il faut proposer des études qui leur permettent de prendre plaisir à faire des mathématiques et de vouloir les enseigner. Où est la place de la créativité, que prône Cédric Villani, dans la spécialité de première ? Nous n’osons même plus nous arrêter sur une notion de peur de ne pas boucler le programme. Comment, dans ces conditions, arriver à donner le goût de l’enseignement ?

Avec la réforme du lycée général et technologique, le ministère a-t-il réfléchi à cette question ? Si cela avait été le cas, il aurait certainement accepté la création d’une seconde spécialité de mathématiques, une spécialité avec une approche différente, qui puisse donner et redonner le goût aux mathématiques à travers des problématiques, conçue dans le même esprit que l’option mathématique complémentaire, en proposant un enseignement des mathématiques tournées vers le monde et pas seulement vers les sciences expérimentales.

Allons-nous devoir bientôt interpeler l’Unesco parce que nous sommes en train de devenir une espèce en voie de disparition ? « Nous nous refusons à baisser les bras ! » Cette question du recrutement est au cœur des débats de notre association depuis de nombreuses années et nous devons réfléchir à la façon de donner envie de devenir enseignant de mathématiques. Faut-il, par exemple, concevoir des publicités sur notre métier, comme le fait l’armée ? Nous allons prochainement engager un travail important sur ce sujet. Comme toujours toutes vos propositions et idées seront les bienvenues et permettront d’enrichir nos débats.

Le bureau de l’APMEP

 

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