Bulletin Vert no 444
janvier — février 2003

Editorial du Bulletin 444 Le Collège pour chacun

Il couvait depuis longtemps. Trop brûlant pour être étouffé, le débat sur le collège unique est aujourd’hui public. Chacun donne son avis par presse interposée, à commencer par le Ministre de l’éducation nationale. Les idéologies s’affrontent et sont mises à mal par la réalité : les enseignants sont découragés et les collégiens mal formés. Quelle est la mission du collège : instruire, éduquer, former, socialiser, intégrer ? À quel moment faut-il orienter les élèves ?

Pour Valéry Giscard d’Estaing et René Haby, fondateurs du collège unique, il aurait dû permettre de donner une même culture à tous les jeunes Français et de réduire ainsi l’inégalité des chances. Cela supposait la définition d’objectifs de compétences, certes bien difficiles a établir, des professeurs mieux formés et des moyens nécessaires pour faire face à ce nouveau public... L’enjeu étant la formation des élèves, une voie unique, celle conduisant au lycée, pouvait-elle prendre en compte leur diversité ? Comment éviter une dérive égalitariste d’un même enseignement pour tous ? Dans de telles conditions l’enseignement ne pouvait que devenir plus inégalitaire, les élèves les plus fragiles en étant les premières victimes et n’étant pas les seules.

Aujourd’hui, Luc Ferry et Xavier Darcos affichent l’intention de réformer le collège pour que tous les élèves puissent y « réussir ». Tout en conservant le collège unique, ils envisagent de changer quelques contenus, les méthodes d’enseignement et les parcours. Pour introduire une éducation au choix et reconnaître la diversité des intelligences en valorisant l’enseignement professionnel, ils proposent, pour les élèves en difficultés, des classes ou parcours individualisés en alternance dès la fin de la cinquième.

Ceux qui s’opposent à toute orientation précoce voient dans ce projet la création de nouvelles filières. C’est aussi au nom de la réussite pour tous qu’ils les accusent de reproduire la ségrégation sociale. Pour eux, « le collège doit être le lieu où toute une classe d’âge apprend à vivre ensemble, acquiert ensemble un socle commun, indispensable à chaque citoyen, de savoirs, savoir-faire, savoir-être, de compétences, sur lequel les jeunes bâtiront leur spécialisation progressive par les voies de la formation au-delà du collège et leur avenir personnel, professionnel et social ».

L’apparent consensus sur l’objectif « la réussite pour tous » ne masque-t-il pas des conceptions différentes ? Quant aux moyens de l’atteindre, il y a de réelles divergences, tout particulièrement pour les élèves en difficultés. L’APMEP estime qu’il serait plus efficace et moins coûteux de traiter les difficultés dès leur apparition, par exemple dès l’école élémentaire, plutôt que de les laisser s’aggraver et d’intervenir trop tard.

L’APMEP constate que l’exigence démocratique du collège pour tous n’est pas satisfaite par l’organisation actuelle des enseignements. Parce qu’elle a le souci d’assurer la formation mathématique la mieux adaptée aux capacités et aux besoins divers du plus grand nombre possible d’élèves, au « collège pour tous », elle préfère « un collège pour chacun ». Les mathématiques sont une discipline exigeante. Leur apprentissage ne tolère ni l’à-peu-près, ni la superficialité, et s’accommode mal d’une trop grande hétérogénéité, surtout dans un contexte où le temps consacré à leur enseignement diminue alors que les élèves travaillent trop peu. Corrélativement les exigences institutionnelles sont de plus en plus floues et les dispositifs pédagogiques de plus en plus morcelés. L’APMEP demande la mise en place, à partir de la classe de quatrième, de structures différenciées adaptées aux besoins des élèves, assorties de vraies passerelles entre ces structures. Il ne s’agit, ni de reconstituer des filières, ni de hiérarchiser ces structures, mais de permettre à chaque élève de progresser selon son rythme, ses capacités et de s’épanouir en tirant le meilleur profit de sa formation. Restent à définir les objectifs et déterminer les critères sur lesquels seraient construites ces structures...

De plus, il faut, aussi et surtout, changer l’état d’esprit des élèves face à leur formation. Cessons de les tromper en leur donnant une image déformée des apprentissages et du savoir. L’institution tout entière doit privilégier la formation des élèves et non pas les taux de passage en classe supérieure ou de réussite aux examens. Elle doit favoriser le travail des élèves au sein des établissements plutôt que les inciter à le quitter au plus vite. Elle doit faire preuve de plus de cohérence entre les exigences réelles et affichées, se montrer ferme sur des objectifs raisonnables, ce qui n’exclut nullement la prise en compte de vrais cas particuliers. Elle doit privilégier les objectifs pédagogiques sur les contraintes administratives. Elle doit clarifier les raisons pour lesquelles les élèves sont à l’école. C’est un vaste chantier. Il nécessite une prise de conscience de toute la société et surtout une réelle volonté et du courage chez les décideurs qui doivent avoir le double souci d’une implication de tous les acteurs du système éducatif, notamment les enseignants, et de la faisabilité réelle des dispositifs qu’ils mettent en place.

Fidèle à ses principes, l’APMEP continuera à se montrer ferme et exigeante autant que constructive sur la qualité de la formation de tous les élèves. Pour cela, elle compte sur la détermination et l’implication de tous ses membres.

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