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Introduction au calcul littéral.

I. Deux rectangles … deux énoncés.

Voici deux énoncés posés à deux classes de Sixième début octobre :
Le professeur annonçait qu’il s’agissait d’un « mini défi », pas noté, anonyme. Les
élèves disposaient d’une feuille format A5 sur laquelle était noté l’énoncé du
problème.
Cette feuille servait de support de recherche et de réponse. Il était demandé aux élèves
d’expliquer comment ils arrivaient au résultat, et il leur était précisé de laisser toutes
les traces de leurs recherches, essais, …, donc gommer était interdit !
Les élèves travaillaient à leur rythme sur un travail de correction personnel. Une fois
ce travail terminé, ils le présentaient au professeur qui distribuait alors la fiche
« mini-défi ». Chaque élève l’a donc commencé à un moment différent. Au bout de
10 minutes environ, les élèves ramenaient leur solution.

Énoncé 1 posé à la classe A (27 élèves) :
Un rectangle a pour périmètre 30 cm. Sa longueur est le double de sa
largeur. Quelles sont ses dimensions ?

Énoncé 2 posé à la classe B (29 élèves) :
Je suis un rectangle. Mon périmètre est de 80 cm. Ma longueur mesure
20 cm de plus que ma largeur. Combien mesure ma largeur ? ma
longueur ?

Analyse a priori de la tâche :
Chacun des deux problèmes peut se résoudre par une équation. Celles-ci sont bien
entendu hors programme de Sixième.
Le premier énoncé pourrait éventuellement donner naissance à une égalité de la
forme : 6 × largeur = périmètre.
Quelles sont les tâches de l’élève :

Énoncé 1 :

Énoncé 1 : Énoncé 2 :
- Associer le mot « périmètre » à la mesure d’un contour - Associer le mot « périmètre » à la mesure d’un contour
–Associer par une opération les deux grandeurs longueur et largeur : « sa longueur est le double de sa largeur » : largeur × 2 = longueur. –Associer par une opération « ma longueur mesure 20 cm de plus que ma largeur ».
– Se représenter un rectangle. – Se représenter un rectangle.
– Mettre en relation deux grandeurs pour obtenir une égalité non triviale :
6 × largeur = périmètre.
– Mettre en relation deux grandeurs pour obtenir une égalité non triviale :
4 largeurs + 2 × 20 cm = périmètre.

Quelles procédures trouve-t-on chez les élèves ?
L’élève peut procéder par tâtonnements et essais successifs. À noter toutefois, que le
premier rectangle peut être tracé sur une feuille A5 sans problème, celui du deuxième
énoncé tout juste (il occupe quasiment tout l’espace disponible).

Énoncé 1 :

  • a) Procédure mentale avec tracé en parallèle : 20 élèves sur 27.
    Tous parviennent au résultat.
    Ces élèves-là essaient mentalement ou par écrit des valeurs pour la largeur.
     10 présentent uniquement le rectangle tracé avec les bonnes mesures pour 9
    d’entre eux. La moitié d’entre eux se contentent du tracé comme réponse :
    « tracer » = « trouver ».
     9 justifient les dimensions indiquées après coup :


     Un élève passe par le demi-périmètre et tente d’expliquer le 5 cm de la largeur :


    Aucune trace écrite d’un éventuel calcul :
    30 : 6 = 5 ou 6 × … = 30 ni 15 : 3 = 5 ou 3 × … = 15.
    Les seules traces écrites mentionnent :
     Le double de 5 c’est 5 + 5.
     J’essaie 3 + 6 = 9 ; 4 + 8 = 12 ; 5 + 10 = 15, ça marche.

  • b) Procédure calculatoire sans recours au dessin : 7 élèves sur 27.
    Aucun ne trouve le résultat.
    Pour la plupart les traces écrites sont :
     30 : 2 = 15 ; 15 : 2 = 7,5. Dimensions : 15 cm et 7,5 cm.
     30 : 3 = 10 ; 10 x 2 = 20. Dimensions : 10 cm et 20 cm.

Énoncé 2  :
Les élèves ont tous procédé par essais-erreurs-rectifications pour répondre, seuls deux
élèves ont tracé le rectangle (difficile dans l’espace dont ils disposaient).
 16 élèves trouvent la bonne réponse et répondent que « Ma largeur est de 10 cm et
ma longueur est de 30 cm », ou que « Ta largeur est de 10 cm et ta longueur est de
30 cm ».
 11 ne prennent pas en compte la donnée du périmètre.
- 2 passent par le demi-périmètre et proposent 15 et 35 ou 15 et 25.

Qu’en conclure ?
Que le recours à la représentation mentale du rectangle et de la visualisation de ses
propriétés (côtés opposés égaux), et celle de la notion de périmètre (voir, anticiper le
contour à mesurer) permet au premier problème de géométrie, comme à bien d’autres
de prendre forme. En quatrième, par exemple, on attend d’un élève qu’il visualise le
rectangle avec ses côtés opposés égaux, ses diagonales, son cercle circonscrit, …
Si on prend le temps de solliciter le dessin, il deviendra instinctif, un outil disponible
et pas un handicap comme cela semble le cas pour les élèves en difficulté : ceux-là
mêmes qui ne se sont pas lancés dans le dessin du rectangle dans l’exercice 1.
Retournons à nos rectangles, l’objectif serait d’arriver avec les élèves à de telles
représentations :

Les résolutions possibles sont alors pour l’élève :

Utiliser le fait que le périmètre du rectangle vaut 30 cm et « compte » 6 largeurs ou se calcule en multipliant la largeur par 6.
Détermination de la largeur soit par opération à trou, soit par division.
Pour obtenir la valeur de la largeur, retirer 2 fois 20 cm au périmètre. Le reste vaut 4 fois la largeur. L’élève peut déterminer par division ou opération à trou la valeur de la largeur.

L’écriture des équations viendra en Cinquième.

II. À travers les programmes.

On peut lire en tout début du document d’accompagnement intitulé « Du numérique
au littéral » (mise à jour de février 2008) :
Un des objectifs de l’enseignement mathématique au collège est que le calcul littéral
prenne place dans les moyens d’expression et de résolution de problèmes disponibles
pour les élèves au côté du calcul numérique, des figures, des représentations
graphiques. Dans cette optique, il s’agit d’installer progressivement l’habitude de
recourir au calcul littéral, le programme s’organisant autour de quelques lignes
directrices :
 en 6e et 5e, initiation à l’usage des lettres, dans des situations où leur utilité
peut être reconnue par les élèves, notamment au travers de l’élaboration et
l’utilisation de formules ;
 en 4e et 3e, initiation à la résolution de problèmes par des méthodes
algébriques liées souvent à l’utilisation de fonctions.

Au sortir du cycle 3, les élèves ont, en effet, rencontré des lettres en mathématiques
et les utilisent :
 comme symbole d’unités : 3 m,
 pour désigner un objet précis : le point A,
 pour désigner une grandeur dans une formule : P = (L + l) × 2.

Lorsqu’on les interroge sur cette dernière formule qu’ils brandissent avec fierté au
premier « périmètre » venu, à condition que l’on demande un calcul de périmètre, car
dans l’expérimentation précédente elle n’est apparue sur aucune fiche réponse, ils
répondent que P est la première lettre du mot Périmètre, L, celle du mot longueur, et
l celle du mot largeur et précisent alors « ça veut dire que, pour calculer le périmètre
d’un rectangle, j’ajoute la longueur et la largeur, et je multiplie par deux. »

La route est longue et semée d’embûches pour le collégien : cette bonne vieille lettre
va leur jouer bien des tours ; tour à tour variable, indéterminée, inconnue, paramètre,
statuts bien différents pour nous, professeurs, mais pas tant que ça pour eux, élèves !

En quatrième, par exemple, la démonstration de l’égalité $\frac{a}{c}+ \frac{b}{c} =\frac{a+b}{c}$ est
soigneusement faite. Combien d’élèves perd-on ce jour-là ? Pourquoi « démontrer » ?
Combien, au fond d’eux ne songent pas que c’est (encore ?) une lubie du prof de math
qu’ils ont devant eux ? une démonstration qui nous vaut à la prochaine réunion
parents-professeurs l’incontournable « ah ! moi les équations j’ai jamais compris… ».
Je l’ai dit, la route est longue !

III. Que font nos élèves avec les lettres ?

Alors que faire en Sixième et Cinquième ?
C’est le début de la scolarité du collège, les bases continuent à se mettre en place, et
c’est l’occasion de commencer à formaliser certaines notions, d’apporter du neuf pour
s’exprimer, expliquer, justifier.

  • a) Les lettres pour désigner
    L’énoncé suivant a surpris bien des élèves lors du passage de l’épreuve visuelle : yeux
    arrondis !, mou dubitative, regard interrogateur en direction du prof-minuteur
    Questionnaire visuel en Sixième


    Et c’est en reconnaissant le modèle « à trous »
    … < 100 < … < 1 000 < … < 10 000 < … < 100 000
    qu’ils ont pu y répondre.
    L’utilisation de lettres dans les questions suivantes n’a pas perturbé les élèves :

    On pourrait peut-être demander aux élèves de ce qu’ils pensent des lettres. Faire
    émerger alors l’idée qu’il est plus simple de désigner un objet ou son emplacement
    par une lettre plutôt que par une description « le premier … en partant de la gauche ».
    De plus, l’identification par les lettres facilite grandement les échanges lors des
    discussions.

  • b) Les lettres dans les formules.
    On l’a dit, lorsqu’il s’agit de calculer un périmètre de rectangle, la formule surgit sans
    problème. En Sixième, le périmètre du cercle vient se rajouter ; une formule donc qui
    contient des lettres au statut d’indéterminées (p et r), mais une désigne un nombre
    connu, et pas n’importe lequel : $\pi$.
    Questionnaire 6°
  • c) Les lettres pour exprimer
    Questionnaire visuel Sixième et Cinquième

    Difficile ici de formaliser la construction : à la n-ème étape on rajoute n petits carrés
    aux n(n − 1)/2 déjà présents, mais amorcer l’idée
     à la première étape on ajoute 1 petit carré
     à la deuxième on rajoute 2 petits carrés (2 + 1 = 3)
     à la troisième, 3 petits carrés (3 + 3 = 6)
     à la quatrième, 4 petits carrés (6 + 4 = 10)
     donc à la cinquième, 5 petits carrés (10 + 5 = 15)
    et ensuite demander en classe : et à la 10-ème ? 20-ème ? en autorisant les calculatrices
    par exemple ou un tableur…
    Deux questions portaient en Cinquième sur le thème « exprimer en fonction de … »
     la première dans le questionnaire visuel :

    Cotés feuilles de réponses, on peut relever ....

    La route est longue, très longue.
    La deuxième question de ce type dans l’épreuve écrite en Cinquième :


    Sur les copies des élèves, on trouve comme réponse :
     f + 25 ;
     f + 7 + f + f + 4 + f + 1 + 7 + 4 + f + f + 7 ;
     30 + f ou 30 f (qui vient de 7 f + 23) ;
     (f + 7 + f + f + 4 + f + 1) × 2.

  • d) Les lettres pour résoudre, peut-être…
    Pas d’équation a priori, ici, mais première approche des équations via ce genre
    d’exercices.
    Faire appel, en effet, à une mise en équation pour résoudre un problème est souvent
    « peu naturel » pour les plus jeunes élèves, d’autant que, trop souvent, le-dit problème
    peut se résoudre sans avoir recours à une équation !
    Questionnaire visuel 6° et 5°


    Questionnaire visuel 6°


    Les questionnaires oraux et visuels détachent l’élève de la rédaction d’une réponse.
    Celle-ci reste très importante en mathématiques, mais il est aussi important de
    développer le goût de l’essai, du calcul rapide, mental qui permet de débloquer une
    situation. Pourquoi les élèves de troisième ne résolvent pas, sans hésitation,
    l’équation 4x + 7 = 42 sans toute une artillerie de « je fais passer de l’autre côté » ?

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