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L’évaluation aux Etats Unis

Le test que vous venez de lire en cachait un autre : vous devriez maintenant savoir
si vous êtes intéressé ou non par l’évaluation à l’américaine. Si oui, bienvenue dans
la suite de cet article (où vous trouverez notamment des adresses Internet fournissant
d’autres exemples de questions posées). Sinon, au revoir et sans rancune !

Le contexte général

Si les USA présentent au reste du monde une face cohérente (amicale ou hostile,
on peut discuter), c’est tout autre chose vu de l’intérieur. Leur nom même le dit : ce
sont cinquante États qui se sont unis.

Le U.S. Department of Education, qui n’existe que depuis 1979, joue seulement
un rôle d’incitation et d’observation : en matière scolaire, ce sont les États qui font
la loi. Ils ne donnent d’ailleurs qu’un cadre très souple, laissant aux 16 000 districts
une large autonomie. Le district précise ce cadre, mais les établissements gardent une
marge considérable. Ce qu’il peut y avoir d’unité dans un tel système repose donc
surtout sur le consensus.

En l’absence de programmes nationaux, pas d’examens nationaux. Le High
School Diploma
, diplôme de fin d’études secondaires, est délivré par le lycée. C’était
jusqu’à une date récente un simple certificat de scolarité. Ce l’est encore dans la
majorité des cas, bien que vingt-deux États exigent maintenant un examen terminal
interne, exit examination.

Un système aussi anarchique pose évidemment un problème pour l’accès à
l’enseignement supérieur. Pas tellement pour les formations supérieures courtes, qui
sont à peu près ouvertes à tous, mais pour les nombreuses universités sélectives qui
recrutent à l’échelle nationale. Celles-ci utilisent largement le dossier scolaire, mais
le besoin de données plus objectives a conduit à la création d’examens externes
dépourvus de statut officiel, mais largement reconnus sur le territoire américain.

À ces deux modes d’évaluation des élèves il faut, dans ce pays où la concurrence
est libre et féroce, joindre un type d’évaluation qui n’existe guère chez nous : celle
des établissements, aussi bien les high schools (grosso modo : la junior high school,
c’est le collège et la senior high school, c’est le lycée) que les universités.

Disons quelques mots sur ce dernier point avant d’aborder le cœur du problème :
l’évaluation des élèves.

L’évaluation des établissements

La plupart des écoles primaires et secondaires sont publiques, mais leurs
ressources sont extrêmement variables selon la richesse du district et selon l’intérêt
que ses responsables portent à l’éducation.

La qualité des écoles privées (en 2006 : 12% des effectifs dans le primaire, 9%
dans le secondaire) est garantie par des labels qui, gérés par des associations d’écoles,
n’ont aucun caractère réglementaire, mais sont à ce point reconnus que certains
établissements publics se soumettent à leurs procédures.

En outre, depuis 1982, un label d’excellence, le Blue Ribbon, est délivré aux
écoles publiques ou privées sous l’égide du Department of Education : environ 4%
des établissements se le sont vu attribuer. Et la loi No Child Left Behind (« aucun
enfant laissé à la traîne ») de 2001 attribue des récompenses aux écoles qui font un
effort particulier en direction des élèves de milieux défavorisés.
Quant à l’évaluation des universités, elle est le fruit naturel de leur mise en
concurrence. D’énormes recueils annuels, comme le College Handbook du College
Board
(l’édition 2008 répertorie 3 800 colleges [1] en plus de 1 500 pages) sont publiés
à l’intention des élèves de terminale, précisant pour chaque établissement les
modalités de candidature et le type d’études, et leur attribuant des étoiles selon leur
difficulté d’accès et leur réputation.

L’évaluation interne à la High School

L’élève est doublement libre dans le choix de son cursus : choix des matières,
choix des niveaux (les principales matières sont presque toujours offertes à deux
niveaux au moins). Le groupe « classe » à la française n’existe donc pas, ni les séries,
ni les décisions d’orientation du conseil de classe.

La seule restriction à cette liberté vient de quelques règles assez souples émanant de l’État, du district et de l’école elle-même, qui fixent des minima dans un certain
nombre de matières. Un système très développé d’aide et de conseil existe dans tous
les lycées.

Le système des « credits »

Pour obtenir le diplôme final de l’établissement, le lycéen doit avoir obtenu un
certain nombre de credits. Un credit, c’est une unité Carnegie (Carnegie unit) dûment
validée, soit une tranche de 120 heures [2] de cours reconnue comme valablement
suivie.

Le nombre global de credits exigé par les États et le nombre de credits qu’ils
exigent dans les disciplines de base augmentent régulièrement. Il n’y a plus que huit
États à exiger moins de 20 credits. La proportion de « bacheliers » ayant à la sortie
du lycée au moins 4 credits d’anglais, 3 de sciences sociales, 3 de maths et 3 de
sciences est passé de 14,3% en 1982 à 64,7% en 2006.

Depuis 2000, par exemple, le Texas, qui n’a pas une réputation spécialement
intellectuelle, a fixé un minimum de 22 credits : 4 d’anglais, 3 de sciences sociales
(incluant l’histoire), 3 de mathématiques, 2 de sciences, 1 de technologie. Mais le
nombre recommandé y est de 24, dont 2 credits de langue étrangère.

La notation

À la high school comme aux autres niveaux, exercices, devoirs, tâches diverses
sont évalués matière par matière et les notes arrêtées à la fin de chaque semestre. Elles
sont le plus souvent exprimées en lettres : A (excellent), B (bon), C (moyen), D
(médiocre), F (failure : échec) [3]. Elles sont de la responsabilité exclusive du
professeur, sans obligation de quotas. Les meilleures, A, B, C sont largement
attribuées, mais la note D suffit pour l’obtention du credit. Seule la note F, les
absences répétées ou l’abandon font obstacle à la validation du cours.

Les indicateurs globaux

L’évaluation globale d’un élève de la high school est exprimée par deux
indicateurs, le Grade Point Average (GPA) et le Class Rank.

Le GPA (moyenne des notes) est établi, en général chaque semestre, à partir du
nombre de credits acquis et des notes obtenues. Les notes littérales sont transformées
en valeurs numériques selon une grille de transformation qui tient compte de la
difficulté du cours suivi. Le GPA exprime donc une combinaison de la valeur de
l’élève et de l’ambition du cursus qu’il a choisi.

C’est ainsi qu’un A dans un cours d’Advanced Placement, d’Honors, ou
d’Advanced Education donne le plus souvent 5 points alors que le même A dans un
cours de niveau minimal en donne 3 ; de même un C dans ces cours de haut niveau [4]
vaudra 3 points contre 1 pour un cours de base. On divise alors le nombre de points
obtenus par le nombre de credits correspondants pour avoir le GPA. Ainsi 54 points
pour 20 credits, par exemple, donnent un GPA de 2,7. Un résultat inférieur à 2 traduit
de réelles difficultés.

Le Class Rank, calculé en 11ème et 12ème années (les deux dernières années de
lycée), exprime la situation relative de l’élève dans l’ensemble des élèves de
l’établissement qui en sont au même stade (class) que lui. Il est établi par un système
de moyenne pondérée : un élève sera classé, par exemple, 62e sur 309.

À la différence du GPA, qui n’est guère contesté, le Class Rank, considéré comme
dépendant trop du niveau du lycée, semble avoir du plomb dans l’aile. Selon une
enquête faite en 2005 par la National Association for College Admission Counseling,
près de 40% des high schools auraient cessé d’étiqueter ainsi leurs élèves ou en tout
cas de faire état de ce classement dans les dossiers pour l’entrée dans l’enseignement
supérieur.

Le transcript

Le transcript, c’est l’équivalent de notre livret scolaire, à ceci près qu’il est pris
beaucoup plus au sérieux. Il s’agit du relevé, habituellement sous la forme d’une page
de format A4, des informations essentielles sur la scolarité de l’élève.
Systématiquement joint au diplôme lui-même, il est destiné à éclairer l’éventuel
employeur ou l’université.

Il apporte en premier lieu des informations sur la high school qui a délivré le
diplôme : ses labels éventuels, l’organisation des études et les niveaux assurés, le
nombre de matières et de credits exigés, le système de notation, le mode de calcul du
GPA et du class rank.

Sur l’élève lui-même, le transcript donne des informations relative aux trois ou
quatre dernières années : cours et niveaux suivis, notes semestrielles et annuelles,
nombre de credits obtenus, GPA, éventuellement Class Rank, distinctions et
responsabilités diverses, etc.

Enfin, le transcript indique les résultats obtenus aux examens externes qui seront
décrits plus loin.

L’évaluation externe : les examens

Les examens externes sont conçus et organisés par des entreprises privées, notfor-profit [5] mais fort prospères. Les deux organismes qui se partagent le marché sont
ETS (Educational Testing Service), agissant pour le College Board, et ACT
(American College Testing Program).

Nous ne parlerons ici que des examens correspondant à notre baccalauréat [6] . Leur
programme est fixé par l’entreprise elle-même. Compte tenu de la grande diversité des
formations, il est très réduit. Il est à noter que les candidats peuvent se présenter à
différentes dates de l’année scolaire et même avant d’être en dernière année.

Un point essentiel est à noter : le jeune Américain qui sort de la high school a un
niveau qui est à peine supérieur à celui de l’élève français sortant de la seconde. Il ne
faut donc pas s’étonner que les épreuves de ces « baccalauréats » américains nous
paraissent à l’occasion simplettes.
Le coût de l’examen (43 $ pour le SAT Reasoning Test proposé par ETS, 30 $ pour son concurrent ACT) est à la charge du candidat. Un prix aussi modeste exige
des épreuves courtes et de correction facile, si bien que le QCM (questionnaire à choix
multiple) a longtemps régné en maître exclusif.

Entre ces deux examens concurrents, SAT et ACT, s’est établie de fait une sorte
de partage du terrain. Le SAT, plus ancien et plus prestigieux, domine là où sont les
universités les plus célèbres : la côte est et la côte ouest. L’ACT, moins ambitieux
et moins coûteux, triomphe dans le Middle West et les États du sud. Notons que
beaucoup d’étudiants présentent les deux pour accroître leurs chances : une bonne note
simultanément aux deux tests est un atout sérieux.

Nous parlerons d’abord brièvement d’ACT, pour insister davantage sur les
examens élaborés par ETS, qui propose une gamme beaucoup plus étendue que son
rival.

L’ACT

Le siège de l’American College Testing Program, devenu il y a quelques années
ACT tout court, est situé dans la banlieue de Iowa City, en pleine Amérique blanche
et rurale. Cet organisme, not-for-profit bien sûr, a été créé en 1959 pour faire pièce
au SAT jugé trop « focalisé sur la détection des étudiants les plus capables sur le plan
académique et leur admission dans les universités sélectives ». Il vise donc en priorité
les lycéens moyens.

L’examen, désigné lui aussi par le sigle ACT (1 300 000 candidats en 2007),
comprend quatre QCM :

 anglais : 45 minutes, 75 questions sur 5 courts textes de prose ;
 lecture : 35 minutes, 40 questions portant sur la compréhension de textes ;
 mathématiques : 60 minutes, 60 questions (grosso modo : niveau seconde) ;
 raisonnement scientifique (c’est le test le plus original) : 35 minutes, 40 questions.

Les réponses fausses ne sont pas pénalisées. La calculatrice est autorisée en
mathématiques, mais elle ne sert pas à grand-chose. Les quatre parties sont notées de
1 à 36 ; une note globale est aussi attribuée, de 1 à 36, en faisant la moyenne des
quatre notes arrondie à l’unité.

Depuis 2005 s’y ajoute, de façon optionnelle (pour 14,5 $ de plus), un ACT
Writing Test
de 30 minutes, qui consiste en la rédaction d’un bref « essai », c’est-à-dire
une mini-dissertation de vingt ou trente lignes, que de méchantes langues ont
qualifié, comme son homologue du SAT, de fast food essay.

Le lecteur désireux d’avoir des exemples du genre de questions posées dans ces tests
pourra se reporter au site : http://www.actstudent.org/sampletest

Le College Board

Cette association sans but lucratif, dont le siège est à New York, a été fondée en
1900. Elle regroupe quelque cinq mille lycées, universités et associations éducatives.
Son propos essentiel est d’assurer un contact permanent entre les enseignements
secondaire et supérieur. Elle a joué et joue encore un grand rôle dans l’évolution de
l’enseignement. Elle est aussi et peut-être surtout le maître d’oeuvre d’un ensemble
d’examens destinés aux lycéens désireux de poursuivre des études, ensemble réalisé
par ETS.

ETS (Education Testing Service)

Cette association not-for-profit a des liens étroits, mais non exclusifs, avec le
College Board. Créée en 1947, elle emploie plus de 2 500 personnes. Son siège social
est à Princeton, à mi-chemin entre New York et Philadelphie.

Son travail est le test « clés en main » : fabrication, passation, correction,
statistiques. Les tests dont il s’agit sont le plus souvent, mais pas toujours, des
questionnaires à choix multiple. C’est la plus grosse entreprise du monde dans ce
domaine : plus de 12 millions de tests administrés chaque année.

Elle réalise notamment, selon les directives du College Board, deux types
d’examens pour l’accès à l’enseignement supérieur, dont la notoriété dépasse
largement le cadre des États-Unis : le SAT et les Advanced Placement.

Le SAT Reasoning Test

Cet examen (1 500 000 candidats en 2007), le plus célèbre et de loin le plus ancien
des tests de fin d’études secondaires utilisés aux États-unis, date de 1926, mais c’est
en 1941 qu’il a vraiment pris forme. Cette forme est restée à peu près inchangée
pendant un demi-siècle.

Ses responsables initiaux ne le considéraient pas comme un test d’évaluation des
acquis, mais comme un test d’aptitude. Il s’agissait de déterminer, en dépit de
l’absence de programmes nationaux et de l’extrême variété des high schools, dans
quelle mesure un adolescent était capable de suivre des études supérieures. Afin de
prendre appui sur des références communes, l’examen portait seulement sur l’anglais
et sur des rudiments de mathématiques. C’est encore le cas maintenant, mais il est
complété par des SAT Subject Tests (tests SAT par matières) dont nous dirons deux
mots plus loin.

Le nom initial, Scholastic Aptitude Test (test d’aptitude scolaire), a été changé en
1990 pour répondre aux critiques qui contestaient sa capacité de mesurer les aptitudes ;
il est devenu alors Scholastic Assessment Test (test d’évaluation scolaire). Depuis
1994, il s’appelle SAT Reasoning Test (test de raisonnement SAT), sans que les
initiales SAT soient maintenant autre chose qu’un « logo » bien connu.

Le
changement de nom n’a pas rendu tellement plus modestes les responsables de
l’examen, car ils affirment toujours qu’il mesure « the critical thinking skills you’ll
need for academic success in college » [7].

Organisation générale

Le SAT est organisé 7 fois dans l’année scolaire, de novembre à juin. Il comporte
trois parties (la troisième, le Writing Test, est une innovation récente, datant de
2005) :
 Mathematics : 3 sections pour en tout 70 minutes et 54 questions, dont 44 à choix
multiple (5 réponses chacune) et 10 à réponse « à grille ». Ces derniers demandent
deux mots d’explication. À chacune de ces questions correspond une grille composée
le plus souvent de 4 colonnes, sur lesquelles sont marqués les chiffres de 0 à 9 et
quelques symboles ; si par exemple la réponse est − 5/7, le candidat doit cocher « −
 » dans la colonne 1, « 5 » dans la colonne 2, « / » dans la colonne 3, « 7 » dans la
colonne 4.

Pour des exemples de questions, voir les sites :

http://www.collegeboard.com/student/testing/sat/prep_one/multi_choice/pracStart.
html

http://www.collegeboard.com/student/testing/sat/prep_one/spr/pracStart.html

 Critical Reading (lecture critique) : QCM de 70 minutes en 3 sections : compléter
des phrases à trous (19 questions), répondre à des questions sur le sens d’un mot,
d’une phrase ou d’un paragraphe (48 questions).
 Writing (écriture) : censé évaluer en 60 minutes la syntaxe, le style, le choix des
mots, il comporte un essai de 25 minutes (sic) et un QCM de 35 minutes ; ce dernier
demande de repérer des erreurs dans un texte court (18 questions) et de corriger des
formulations dans des phrases (25 questions) ou des paragraphes (6 questions).

À cela s’ajoute une section témoin. C’est un QCM qui peut être de n’importe lequel
des types ci-dessus. Le candidat ignore quelle est la section témoin, dont la note n’est
pas prise en compte.

Dans cet examen, comme dans l’ACT, la vitesse est essentielle : le candidat n’a
guère plus d’une minute en moyenne pour lire une question et y répondre. Pour les
QCM et les questions à grille, le candidat fait ses brouillons dans les blancs du
fascicule de test et coche avec un crayon graphité ses réponses sur un feuillet semi-rigide
 ; la correction est totalement mécanisée (15 000 feuilles à l’heure, avec par
prudence deux passages).

Correction et notation

Il y a trois notes indépendantes : Math, Lecture, Écriture. Pour les QCM, qui sont
tous à cinq réponses proposées, tous les items ont le même poids ; pour chacun, on
compte 1 pour la bonne réponse, 0 pour l’absence de réponse, − 1/4 pour une réponse
fausse, ce qui élimine l’effet des réponses choisies au hasard. Pour les questions de
mathématiques « à grille », on n’enlève rien quand la réponse est fausse [8] Le total
brut ainsi obtenu est transformé selon une procédure complexe pour donner, pour
chacune des trois parties, une note allant de 200 à 800.

Un gros effort a été fait pour une notation objective et stable dans le temps. La
section témoin que comporte chaque SAT contient des questions qui ont figuré dans
certains des précédents ; ainsi l’ensemble des SAT depuis 1941 constitue une chaîne
continue d’examens dont les notes peuvent être ajustées pour obtenir un niveau
d’exigence toujours égal. On estime, donc, qu’un candidat ayant eu 520 en
mathématiques à la session de mars 2005 aurait eu sensiblement la même note si,
transporté d’un coup de baguette magique en décembre 1941, il avait passé le test de
l’époque.

Au départ, la notation avait été élaborée pour donner une moyenne de 500 et un
écart type de 100. L’évolution de cette moyenne au fil des ans est suivie avec
attention : elle donne une idée de l’évolution du niveau des élèves sur une période de
plus d’un demi-siècle [9]

Un tel système demande un énorme travail technique … et une foi robuste en la
psychométrie.

De temps en temps, un couac se produit. En octobre 2005, plusieurs milliers de
candidats ont reporté leurs résultats sur des feuillets qui avaient été entreposés dans un
local humide. Il en est résulté des erreurs souvent considérables. La chose ne fut
découverte que trop tard : les candidats avaient déjà déposé leurs dossiers dans les
universités. Cela s’est terminé en justice par une class-action [10] des victimes. Un
accord finit par être passé : chacun des 4 400 plaignants reçut 275 $, avec la
possibilité de réclamer davantage s’il estimait le préjudice plus élevé.

Des contestations d’un autre type ont porté sur le test de lecture, Critical Reading,
dont certaines questions avantageaient les enfants issus d’un milieu aisé (connaissance
de tel ou tel sport, par exemple). Mais les responsables du test font des efforts
considérables pour éviter tout biais raciste ou sexiste. Cela n’empêche pas d’ailleurs
la réussite au SAT d’être fortement liée à la communauté d’origine et plus encore au
niveau d’études des parents.

Les SAT Subject Tests

Ces examens, qui sont la forme nouvelle (depuis 2005) d’examens auparavant
appelés SAT II et plus anciennement encore Achievement Tests, sont des QCM d’une
heure spécialisés dans une discipline donnée : littérature anglaise, histoire des USA,
histoire mondiale, mathématiques niveau 1 et niveau 2, physique, chimie, biologie,
latin et un certain nombre de langues vivantes.

Nombre d’universités sélectives demandent en plus du SAT Reasoning Test un ou
plusieurs SAT Subject Tests.

Les deux tests de mathématiques acceptent les calculatrices (une liste de modèles
homologués est publiée). Ils ont un programme modeste :
 niveau 1 : arithmétique, algèbre, géométrie et trigonométrie élémentaires, un peu
de géométrie dans l’espace et de géométrie analytique, fonctions rationnelles,
éléments de statistique et de logique, suites arithmétiques et géométriques.
 niveau 2 : la même chose, plus un peu d’analyse (fonctions, suites, limites) et de
combinatoire.

Pour des exemples de questions, voir :

http://www.collegeboard.com/student/testing/sat/lc_two/math1c/prac/pracStart.html?
math1c

http://www.collegeboard.com/student/testing/sat/lc_two/math2c/prac/pracStart.html?
math2c

Nous ne nous étendrons pas sur ces tests, car ils sont de plus en plus éclipsés par les
examens d’Advanced Placement.

Le programme Advanced Placement (AP)

Le programme AP a été lancé en 1955 par le College Board ; il en détermine les
lignes directrices et confie la réalisation à ETS. À la différence des SAT et d’ACT, qui
évaluent les élèves tels que les high schools les forment, AP est à la fois un système
de formation et un système d’évaluation.

Les AP courses sont un réseau de classes accueillant des « ambitious and capable
high school students
 » et leur dispensant un enseignement de haut niveau (le niveau
du college plus que de la high school), sanctionné par les AP examinations, qui
comportent à peu près une moitié de QCM et une moitié de questions à réponse libre.

Tout lycée qui se respecte se doit d’en accueillir un certain nombre ; certains États
commencent d’ailleurs à imposer aux lycées publics cette disposition.

Une high school qui souhaite dispenser des AP courses doit nommer un AP
coordinator
, qui assure le lien avec les responsables nationaux du AP et organise le
déroulement de l’examen lorsque celui-ci se passe dans l’établissement, ce qui est le
cas le plus courant. Il s’occupe également de l’acheminement des copies.

Les élèves préparant un AP ou plus ont de solides raisons d’être motivés : une
bonne note dans un ou mieux plusieurs AP constitue non seulement un atout solide
pour l’entrée dans un bon college, mais aussi permet le plus souvent d’obtenir des
credits faisant gagner un semestre, voire une année d’études dans le ou les domaines
concernés. Étant donné le coût des études supérieures (dans les 30 000 $ par an, vivres
et couvert compris, pour les très grandes universités privées, la moitié pour les
grandes universités publiques [11]), ce n’est pas un mince avantage.

L’originalité (voire l’exemplarité ?) de ce programme ne doit pas être sous-estimée.
Imaginons un instant qu’en France on introduise dans la plupart de nos
lycées des cours destinés aux meilleurs élèves et débordant largement le programme
du bac…

L’organisation des AP exams

Les AP sont des examens monodisciplinaires. Leur nombre actuel est de 37. Il n’y
a qu’une seule session par an, en mai. Chacun de ces examens est en deux parties.
L’une est un QCM, l’autre, plus proche des examens à l’européenne, est composée de
questions à réponse libre : essais, traductions, problèmes. La durée est de 3 h dans la
plupart des matières, un peu plus pour certaines, sans jamais dépasser 5 h. Le coût
était en 2007 de 83 $ par matière.

Pour chaque spécialité, un AP Development Committee, formé de professeurs de
ollege et de high school choisis par le College Board, définit le programme, élabore
et vérifie les sujets d’épreuves en liaison avec ETS. Les programmes évoluent
lentement et tout changement est annoncé deux ans au moins avant l’examen.

L’essor des AP a été rapide : en 1982 quelque 120 000 candidats, 390 000 en 1992,
660 000 en 2006. Le nombre d’examens est nettement supérieur, nombre d’élèves
passant deux AP ou plus. En 2006 les plus courus ont été, dans l’ordre, US History
(311 000), English Literature (281 000), English Language (251 000) et Calculus AB [12]
(197 000). Biology (132 000) vient en sixième position, derrièreUS Government
& Politics
(141 000). La lanterne rouge, hélas, est French Literature (2 000).

Ces chiffres sont à comparer au nombre annuel de diplômés de high school (3 200 000
en 2007) et à l’effectif des classes d’âge (4 200 000).

Programmes et sujets de mathématiques

En mathématiques, il y a deux programmes AP, Calculus AB et Calculus BC. Ils
portent sur l’analyse et ses applications géométriques. Le premier est assez
comparable à feu notre terminale C. Le second est plus élevé. Le College Board
estime qu’ils correspondent respectivement à un an et un an et demi de cours d’analyse
du college. Observons que s’y sont présentés en 2006 environ 3,6% et 1,5% de la
classe d’âge, ce qui est évidemment peu.

Les deux examens sont faits d’un QCM de 1h30, à 45 items, et d’une section à
réponse libre de 1h30, composée de 6 exercices indépendants pour lesquels on précise
que le candidat sera noté « aussi bien sur la correction des méthodes que sur
l’exactitude des résultats [13] ».
On trouvera les sujets de la partie à réponse libre de la
session 2007 sur les sites :

http://www.collegeboard.com/prod_downloads/student/testing/ap/calculus_ab/
ap07_calculus_ab_frq.pdf

http://www.collegeboard.com/prod_downloads/student/testing/ap/calculus_bc/
ap07_calculus_bc_frq.pdf

La correction de la partie à réponse libre

La partie à réponse libre fait l’objet d’un travail d’harmonisation poussé, qui
mérite d’être décrit en détail … et mériterait aussi, peut-être, d’inspirer les
responsables de notre baccalauréat.

Pour chaque AP Exam, il y a un Chief Reader, correcteur en chef. C’est un
professeur de college enseignant la discipline ; il coordonne la correction de la partie
à réponse libre. Il choisit les correcteurs (readers), fixe les barèmes de correction et
supervise l’ensemble du processus. Lorsque l’ensemble des copies est arrivé, un
groupe dirigé par le Chief Reader et comportant quelques spécialistes d’ETS et les
Table Leaders, correcteurs principaux, évalue un lot assez important de copies, afin de
perfectionner le barème et les critères, mais aussi afin de choisir des copies témoins
qui serviront à roder les correcteurs.

Les séances de correction sont collectives et pilotées par le Table Leader ; celui-ci
explique le barème, puis fait corriger à chacun le même lot de copies témoins, de
façon à harmoniser le travail. La partie à réponse libre est habituellement divisée en
un petit nombre d’items ; chacun est corrigé par un correcteur différent. Les copies
sont anonymées. Il n’y a pas double correction systématique, mais recorrection d’un
certain nombre de copies, par sondage.

La notation

On effectue le total pondéré de la partie QCM et de la partie à réponse libre, les
deux parties ayant sensiblement le même poids. Le total brut obtenu est transformé
en une note sur 5 : 5, très bien ; 4, bien ; 3, moyen ; 2, médiocre ; 1, insuffisant.

La transformation de la note brute en note de 1 à 5 est de la responsabilité du Chief
Reader
, qui tient compte de la distribution des notes des années précédentes, des
résultats obtenus à certaines questions à choix multiple déjà données précédemment,
de l’augmentation du nombre de candidats et d’un certain nombre d’impondérables.

À la différence du SAT et des Achievement Tests, où il y a seulement obtention
d’une note, on peut ici parler de succès ou d’échec. Les colleges en effet ne tiennent
compte pour l’admission et pour l’octroi de credits que des notes au moins égales à 3.

La proportion de candidats notés 3 ou plus était en 2006 de 61% toutes matières
confondues, de 59% à Calculus AB et de 80% à Calculus BC, dont le public est très
relevé.

Le processus d’admission à l’université

La proportion de titulaires du high school diploma qui poursuivent
(immédiatement ou non) leurs études est de l’ordre de 75%. De même qu’il n’y a pas
d’examen national de fin d’études secondaires, il n’y a pas non plus de dispositif
réglementaire gouvernant l’accès à l’enseignement supérieur. Chaque établissement
est totalement libre de la sélection qu’il opère. Cela dit, il y a des usages solidement
établis.

Les étudiants ont connaissance de ces règles et des exigences propres à chaque
université grâce aux annuaires dont nous avons déjà parlé, qui sont disponibles dans
toutes les bibliothèques de lycée.

L’enseignement du premier niveau universitaire est assuré par deux types de
colleges. En 2006-2007 étaient accrédités 1 685 colleges de deux ans, assurant une
formation courte débouchant en principe sur le monde du travail, et 2 629 colleges
de quatre ans débouchant sur des études plus poussées.

Presque tous les colleges de deux ans pratiquent dans la limite des places
existantes l’ « open admission ». En revanche la grande majorité des colleges à quatre
ans pratiquent une politique de sélection plus ou moins stricte. En 2007, les
universités les plus difficiles d’accès ont été Harvard, Yale, Princeton (la Mecque des
mathématiques américaines) et Columbia, avec environ 10% d’admis. Mais ce sont
loin d’être des cas isolés : ainsi le fameux MIT n’a pris que 16% de ses candidats,
Stanford 20%, etc. Au bas de l’échelle, on n’élimine guère que les candidats très
faibles : ainsi l’University of Central Missouri a un taux d’admission de 84%.

Les critères de sélection

Un dossier d’inscription comporte toujours le transcript, mais aussi, ce qui
surprend l’observateur français, des lettres de recommandation de professeurs et/ou
d’un conseiller d’orientation de la high school. Ces lettres ne sont pas faites à la
légère : les élèves d’un lycée qui commettrait des lettres de complaisance se verraient
les années suivantes impitoyablement refoulés.

Le SAT Reasoning Test est exigé par les universités très sélectives, les autres
acceptant aussi bien l’ACT. Les SAT Subject Tests sont appréciés et parfois exigés,
les Advanced Placement sont un atout majeur.

Le facteur personnel est pris en compte notamment grâce à un essai [14] que le
candidat doit rédiger de manière libre ou sur des sujets imposés par le service des
admissions. Un talent dans le domaine sportif ou artistique est souvent apprécié (mais
moins que par le passé). Enfin, certains colleges donnent un avantage aux candidats
dont un parent a fait ses études dans l’établissement.

Chaque dossier est examiné individuellement par le Board of Admissions (qui peut
occuper une trentaine de personnes, voire plus) ; le Dean (doyen) of Admissions
supervise l’ensemble de la procédure, qui prend de longs mois. Si un élève pose sa
candidature à la fin d’une année scolaire ou même en mars, elle sera examinée au titre
de la rentrée de l’année qui suit !

Conclusion

De cette description, pourtant sur bien des points simpliste, le lecteur risque de ne
retirer que l’impression d’une effarante complexité. On peut cependant, à la réflexion,
dégager quelques idées directrices.

 Le système scolaire américain, les lycées américains, les élèves américains sont
sans doute les plus évalués du monde (encore que, dit-on, le Japon ne soit pas mal
non plus dans le genre) [15]

 L’évaluation aux USA est un outil, je devrais dire une arme. Au lieu d’édicter
des oukases, le Department of Education étudie les résultats des diverses évaluations,
en pilote lui-même, diffuse largement les informations recueillies et s’en sert pour
impulser des politiques, notamment en matière de soutien aux enfants des milieux
défavorisés.

 Pour sortir leur système scolaire d’un marasme qui n’était que trop évident il y
a un quart de siècle, les Américains ont choisi comme moteur de leur action ce qu’on
pourrait appeler un « élitisme démocratique ». Les programmes de labellisation des
écoles incitent les communautés locales à en améliorer le financement et à veiller sur
la qualité du personnel enseignant. Et, surtout, les AP Courses maintiennent sur le
qui-vive établissements, enseignants et élèves, et donnent à chaque adolescent un peu
doué le sentiment qu’il a sa chance pour peu qu’il veuille travailler.

 Il n’est guère discutable que les élèves américains se classent mal dans les
évaluations internationales. Mais, avant de ricaner, il est bon de réfléchir au fait
suivant : les minorités ethniques représentent actuellement aux USA 42% de la
population des écoles primaires et secondaires [16] contre quelque 10% dans la plupart
des pays développés.

Si bien que pour moi le lycée modèle n’est sans doute pas un de ces beaux
établissements d’Helsinki où, nous dit-on, de jeunes Finlandais de pure souche
s’instruisent dans la joie et la spontanéité, mais plutôt telle high school du ghetto
noir de Chicago qui réussit à donner une formation décente à des enfants de familles
défavorisées et à caser chaque année une partie de ses élèves dans les grandes
universités.

Notes

[1Rappelons que le college est le premier cycle universitaire.

[2Ces « heures » sont de l’ordre de 45 minutes.

[3Parfois remplacé par E : exceptionally poor.

[4Notons que la quasi-totalité des lycées de plus de 1200 élèves offrent ce type de cours.

[5Organismes exemptés d’impôts, l’équivalent de nos associations à but non lucratif.

[6Le PSAT (preparatory SAT), organisé par ETS, est un peu l’équivalent du brevet et n’est
pas sans intérêt, mais il joue finalement un rôle modeste.

[7À peu près : « les capacités de pensée critique qui vous permettront de réussir dans le
premier cycle universitaire ».

[8Pour une question à grille, la probabilité d’obtenir par hasard la réponse correcte est de
l’ordre de 10−4

[9Conclusion déprimante : le niveau a baissé, bien que depuis une quinzaine d’années il
se soit stabilisé. La baisse est très nette dans le test Critical Reading, modeste en
mathématiques.

[10Plainte collective

[11Mais il y a de très nombreux boursiers

[12Calculus, c’est l’analyse. Il y a deux AP de mathématiques, le second étant Calculus BC
(59 000 candidats), nettement plus difficile.

[13Depuis mai 1993, les calculatrices sont autorisées ; une liste des modèles autorisés est
donnée.

[14Ce college-application essay (application = candidature) est considéré comme
important par un nombre croissant d’université

[15Signalons que la France fait des pas de géant dans ce domaine : dans nombre d’écoles
primaires, chaque élève a depuis peu un cahier énumérant quelque deux cents compétences
que le maître doit séparément évaluer

[16Ce pourcentage était d’à peine 30% il y a vingt ans. On peut penser que, d’ici vingt ou
trente ans, ces minorités seront devenues majoritaires dans les écoles.

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