Bulletin Vert n°473
novembre — décembre 2007

La conjecture de Poincaré Comment Grigori Perelman a résolu l’une des plus grandes énigmes mathématiques

par George G. Szpiro
traduit de l’anglais par Bernard Sigaud

Éd. J.C. Lattés, Septembre 2007
416 pages, prix : 20 €, ISBN : 978-2-7096-2950-8

 

14 chapitres ; notes (15 p.) ; bibliographie (12 p.)

Le chapitre 1 relate l’attribution de la médaille Fields 2006 à G. Perelman, qui la refuse, et abandonne également le million de dollars auquel il peut prétendre au titre de premier vainqueur de l’un des sept Problèmes du Millénaire.

Le chapitre 2 donne de façon intuitive quelques notions de topologie, et prépare ainsi à la compréhension du problème tel qu’il est posé sur la quatrième de couverture : « Imaginez une fourmi marchant sur une surface. Comment cet insecte peut-il savoir, sans s’élever au dessus d’elle, si cette surface est plate ou s’il évolue sur une sphère ou sur toute autre forme ? ».

Les chapitres 3 et 4 constituent une biographie d’Henri Poincaré, mettant en relief l’immense étendue de ses travaux dans tous les domaines des mathématiques et de la physique.

Le chapitre 5 dresse un historique de la topologie, à partir de l’analysis situs de Leibniz, en insistant sur les travaux d’Euler (les ponts de Königsberg, …). On y croise une foule de personnages plus ou moins célèbres, plus ou moins pittoresques (L’Huillier, Listing, Möbius, Betti, Alexander, …) avec pour chacun une biographie brève mais vivante, émaillée d’anecdotes piquantes ; ces biographies se retrouveront pour chacun des personnages évoqués dans les chapitres suivants. Ce chapitre a de plus un authentique contenu mathématique.

Le chapitre 6 décrit les apports fondamentaux de Poincaré dans le domaine de la topologie, la contestation de certains de ses résultats par Heegaard, les contributions de Dehn.

Dans le chapitre 7 on entre véritablement dans le vif du sujet ; l’auteur s’y efforce de donner au lecteur une image mentale des objets en jeu : objets à 3 dimensions flottant dans un espace à 4 dimensions ; sphère homologique, groupe fondamental. On y trouve un nouvel énoncé intuitif de la conjecture : « Tout corps qui ne contient pas de trou et n’est pas tordu peut être transformé en sphère », puis un énoncé mathématique : « Est-il possible que le groupe fondamental d’une variété soit trivial et que cette variété ne soit malgré tout pas homéomorphe à une sphère ? »

Le chapitre 8 est consacré aux nombreuses tentatives de démonstration (ou de réfutation) de la conjecture, dont celles de Moise et Bing qui allaient se révéler des ingrédients essentiels de la démonstration de Perelman.

Le chapitre 9 présente les démonstrations de la conjecture de Poincaré pour les dimensions supérieures : Smale pour n ³ 5 (1960), en compétition avec Stallings (preuve différente, pour n ³ 7, étendue aux dimensions 5 et 6 par Zeeman et Wallace ; Freedman pour la dimension 4 (1981). Les lignes générales de ces démonstrations sont indiquées.

Dans le chapitre 10, on trouve des descriptions de recherches de contre-exemples en dimension 3, d’autres conjectures équivalentes à celle de Poincaré, de tentatives avortées de démonstrations directes.

Le chapitre 11 expose en détail la conjecture de géométrisation de Thurston, qui implique celle de Poincaré et est plus vaste qu’elle ; ainsi que la notion de flot de Ricci, due à Hamilton et Yau ; le programme de Hamilton pour démontrer la conjecture de Poincaré bute sur un obstacle : la « singularité du cigare ».

Le chapitre 12 débute par une biographie de Perelman ; il se poursuit par la description, en langage intuitif et imagé, de sa façon d’éliminer la « singularité du cigare », puis d’aller jusqu’à la conclusion finale ; il se termine par le récit de la divulgation de la preuve, sur Internet puis par conférences. Le chapitre 13 raconte les vérifications et explicitations de la démonstration de Perelman, dont les écrits étaient denses et abrupts, non dénués de sous-entendus ; ainsi que la publication d’une autre preuve par Cao et Zhu.

Le chapitre 14 traite de la question « Perelman recevra-t-il le prix d’un million de dollars ? ».

Cet ouvrage est passionnant, d’un triple point de vue :

  • historique : de l’élaboration d’une conjecture à sa démonstration, un siècle plus tard ;
  • mathématique : première approche de notions très « pointues » ;
  • sociologique : multiples exemples de rivalités, compétitions, collaborations entre chercheurs ; diversité des personnalités de ceux-ci.

Il n’est pas exempt de défauts : erreurs et coquilles (exemple : « variations » pour « variétés »…) ; le dernier chapitre me semble futile et superflu ; on peut regretter l’absence de toute illustration ou figure.

Le lecteur ayant suivi un minimum d’études scientifiques peut être frustré par l’absence délibérée de toute formule ou notation mathématique ; la conjecture est exprimée à partir du groupe fondamental, mais celui-ci n’a pas été défini rigoureusement ; les petites histoires de fourmis et d’élastiques n’auraient pas dû empêcher d’insérer, au moins en note, un énoncé simple et précis comme par exemple celui du Dictionnaire des Mathématiques de A. Bouvier, M. George et F. le Lionnais : « dans \(R^{n}\) toute surface compacte orientable et simplement connexe est homéomorphe à la sphère \(S^{n}\) » . Ces restrictions faites, il reste que cette lecture est à recommander chaudement.

 

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