488

La psychologie, l’étude des stratégies de résolution des problèmes et l’évaluation en mathématiques à l’école

Rémi Brissiaud  [1]

Les chercheurs en didactique des mathématiques ont très souvent la plus grande méfiance à l’égard de la psychologie. Ainsi, dans une suite de deux interventions récentes au séminaire national de didactique des mathématiques (2007), Guy Brousseau, que l’on peut considérer comme le « père fondateur » de cette discipline, s’est longuement exprimé sur le rôle de la psychologie en didactique. Dans le diaporama qu’il a utilisé, il remarque fort justement que « la psychologie est très précieuse, et même essentielle pour la connaissance et la pratique de l’enseignement (mais que) la considérer et l’utiliser comme “ la ” science de l’enseignement est une dérive ». Ce propos est consensuel mais il est le seul du genre dans l’ensemble de son discours et il n’est vraisemblablement pas celui qui reflète le mieux sa pensée : de toute évidence, il considère que la psychologie a bien plus souvent conduit la didactique à des dérives qu’elle ne lui a permis de progresser. Il écrit ainsi que : « les inférences tirées des concepts de psychologie sont incontrôlées en enseignement » et que : « le recours à la psychologie s’appuie sur une conception individualiste des pratiques culturelles et la développe ». Il écrit encore que : « Sous l’influence de l’approche psychologique, les résultats des évaluations sont lus comme des collections amorphes de performances individuelles, légitimement par les élèves et leurs parents mais aussi par les lettrés et par les décideurs » et que : « les décisions didactiques qui sont tirées de cette lecture sont finalement inadaptées ».

L’objet de ce texte est de montrer que non seulement il n’existe aucun déterminisme conduisant nécessairement l’approche psychologique en didactique à de telles dérives, mais que, de plus, sur des questions aussi importantes que le contrôle des inférences tirées des travaux de recherche, cette approche peut être source de progrès majeurs. Pour étayer cette idée, on commencera, comme dans un article précédent du bulletin de l’APMEP [2], par présenter un dispositif expérimental (l’étude de la réussite à deux types de problèmes arithmétiques dont l’un ne nécessite que des connaissances quotidiennes et l’autre des connaissances scolaires) ainsi qu’un cadre théorique expliquant les résultats observés : le Modèle Hiérarchique de Stratégies ou encore Situation Strategy First framework en anglais [3]. Bien des prolongements seraient ensuite possibles qui soulignent l’intérêt d’une approche psychologique en didactique : apport de ce modèle pour la théorisation du progrès des élèves en résolution de problèmes, son apport à l’étude de la mémorisation des relations numériques élémentaires (addition, soustraction, multiplication, division), etc.
Cependant, pour essayer d’être le plus probant possible, l’argumentation portera principalement ici sur ce que Guy Brousseau semble considérer comme une sorte de péché originel de l’utilisation de la psychologie en didactique : la conception individualiste qui en découlerait lorsque les enseignants ont un objectif d’évaluation.

Distinguer, à la manière de Vygotski, deux sortes de problèmes [4].

À la base du modèle qui va être présenté, il y a la distinction de deux sortes de problèmes, distinction qui s’inspire de celle que fait Vygotski entre « concepts quotidiens » et « concepts scolaires » :
 Des Q-problèmes (où Q signifie « quotidien ») qui sont assez bien résolus mentalement avant tout enseignement des opérations arithmétiques à l’école. Par exemple, le Q-problème Quel est le prix de 3 objets à 50 cruzeiros l’un ? a été résolu correctement par 75 % d’une population d’« enfants de la rue » d’une dizaine d’années qui n’avaient jamais été scolarisés et qui vivaient de petits commerces divers dans les rues de Récife, au Brésil (Schliemman et coll., 1998) [5].
 Des E-problèmes (où E signifie « École » ou « Enseignement »), qui ne sont bien résolus que lorsque les enfants ont fréquenté l’école et y ont reçu un enseignement des opérations arithmétiques. Par exemple, le E-problème Quel est le prix de 50 objets à 3 cruzeiros l’un ? a été résolu correctement par 0 % de la même population d’« enfants de la rue » !

On remarquera que les deux sortes de problèmes apparaissent aussi faciles l’un que l’autre à n’importe quelle personne scolarisée : elle remplace le calcul de 50 fois 3 par celui de 3 fois 50 parce qu’elle a appris la multiplication à l’école et a utilisé la commutativité de cette opération tout au long de sa scolarité.

Ce phénomène de taux de réussite différents à des problèmes qui ne semblent pas plus difficiles les uns que les autres aux adultes instruits, ne s’observe pas seulement avec des « enfants de la rue ». Ainsi, lorsqu’on propose en début de CE2, le Qproblème de groupement suivant [6] : Avec 150 gâteaux, on fait des paquets de 50 gâteaux. Combien peut-on faire de paquets ?, on observe un taux de réussite de 64%.
Pour le E-problème Avec 150 gâteaux, on fait des paquets de 3 gâteaux. Combien peut-on faire de paquets ?, le taux de réussite est de 11% alors que l’énoncé décrit la même situation, qu’il utilise les mêmes mots et que la taille du groupe y est plus petite (3 au lieu de 50). C’est donc le problème avec les plus petits nombres qui est le plus difficile.

Ce phénomène s’explique de la manière suivante. De nombreuses recherches ont étudié ce qu’on appelle les « procédures informelles » de résolution des problèmes arithmétiques élémentaires. Elles sont « informelles » au sens où elles conduisent à la solution sans recours aux opérations enseignées à l’école. Les premières procédures observées consistent en une sorte de simulation, avec des jetons par exemple, de ce qui est dit dans l’énoncé. Puis on observe une « mentalisation » de cette simulation qui se traduit par un comptage mental de 1 en 1 ou de n en n ou bien encore par l’utilisation de relations numériques simples qui sont bien connues de l’élève.
Concernant le Q-problème Avec 150 gâteaux, on fait des paquets de 50 gâteaux. Combien peut-on faire de paquets ?, par exemple, l’enfant peut simuler le groupement grâce à un comptage de 50 en 50. Il se dit « 50 » en sortant 1 doigt, « 100 » (2 doigts) et « 150 » (3 doigts). Dans ce cas, la procédure de simulation qui est activée donne immédiatement la solution numérique.

En revanche, concernant le E-problème Avec 150 gâteaux, on fait des paquets de 3 gâteaux. Combien peut-on faire de paquets ?, lorsque l’enfant tente de simuler l’action décrite dans l’énoncé, il doit dire « 3 » en sortant 1 doigt, « 6 » (2 doigts), « 9 » (3 doigts), …, mais un tel comptage est impossible à contrôler jusqu’à 150 et il l’interrompt très vite. Quelques enfants (11%) utilise la commutativité de la multiplication à trou (ils pensent à la relation 50 fois 3 égale 150) mais la grande majorité échouent. Comment un adulte ou un enfant ayant conceptualisé la division résout-il ce E-problème ? Il calcule 150 divisé par 3 mais alors que l’énoncé parle de la formation de groupes de 3, la personne scolarisée, elle, calcule la solution numérique sous la forme « 150 partagé en 3 ». Le passage d’une interprétation (groupement, celle qui résulte de la compréhension de l’énoncé) à l’autre (partage, celle qui conduit à un calcul simple) est tellement automatisé que la personne n’a plus conscience qu’elle calcule le résultat d’un partage en 3 parts égales alors que l’énoncé du problème parle lui d’un groupement en paquets de 3 !

Cette propriété : on peut remplacer un problème de quotition (en a combien de fois b ?) par un problème de partition (a partagé en b parts égales) parce que ces deux problèmes conduisent au même résultat, est tellement fondamentale que les psychologues la qualifie de « conceptuelle ». Elle a partie liée avec l’existence même du concept de division arithmétique ou encore : c’est cette propriété qui permet de distinguer le concept arithmétique de division des concepts quotidiens de partage et de groupement. Sans aller à l’école, on ne peut pas savoir que la partition et la quotition conduisent au même résultat.

De manière générale, pour obtenir un Q-problème, il suffit de choisir les valeurs numériques de sorte qu’une des procédures informelles de simulation habituellement observées chez les jeunes enfants donnent aisément le résultat, et pour obtenir un problème des valeurs numériques qui mettent en défaut ces procédures informelles tout en autorisant un calcul mental aisé pour une personne qui a appris les opérations arithmétiques à l’école et s’est approprié les propriétés de ces opérations que les psychologues appellent conceptuelles  : commutativité concernant l’addition et la multiplication, inversion et composition concernant la soustraction, remplacement de la quotition par la partition (et inversement) concernant la division.

Le Modèle Hiérarchique de Stratégies (Situation Strategy First framework)

Lorsqu’on construit des Q-problèmes et des E-problèmes comme cela vient d’être expliqué, on est sûr d’observer qu’avant tout enseignement des opérations à l’école, les Q-problèmes sont assez bien réussis alors que les E-problèmes sont massivement échoués. Mais un deuxième fait empirique s’observe, aussi bien établi que le précédent : après l’enseignement des opérations arithmétiques, les Q-problèmes restent mieux résolus ou résolus plus rapidement que les E-problèmes ! L’explication réside dans le fait que, pour résoudre les Q-problèmes, les personnes scolarisées n’utilisent pas l’opération arithmétique : elles continuent à utiliser une procédure de simulation de ce qui est dit dans l’énoncé. Donnons un exemple en considérant le Qproblème suivant : Dans sa tirelire Leila a 27 euros. Elle y ajoute d’autres euros et après elle a 31 euros. Combien a-t-elle ajouté d’euros ? Après deux ans d’apprentissage de la soustraction à l’école, les élèves réussissent très massivement ce problème, mais ils ne le résolvent pas en calculant la soustraction 31 − 27. Soit ils comptent audessus de 27 : 28 (1 doigt est levé), 29 (2), 30 (3), 31 (4), soit ils vérifient mentalement que 27 + 4 = 31 avant de fournir le résultat, 4. Le plus vraisemblable, d’ailleurs, est qu’un adulte confronté à ce problème utilise lui aussi cette dernière stratégie et ne pense d’aucune façon à la soustraction. En revanche, le E-problème suivant : Dans sa tirelire Leila a 4 euros. Elle y ajoute d’autres euros et après elle a 31 euros. Combien a-t-elle ajouté d’euros ? nécessite, lui, l’usage de la soustraction.

Il est dès lors possible de construire un modèle théorique de la façon dont les problèmes arithmétiques sont résolus mentalement en distinguant deux phases successives :

  • 1. Une phase de compréhension de l’énoncé, conduisant à simuler la situation décrite dans l’énoncé. Dans le cas des Q-problèmes, cette stratégie de simulation permet d’obtenir directement la solution numérique. Dans tous les autres cas, elle ne permet pas de conclure.
  • 2. Une seconde phase est alors nécessaire, où l’on fait appel à des connaissances arithmétiques telles que les propriétés conceptuelles des opérations ou bien encore les savoir-faire qui ont été élaborés à partir de ces propriétés conceptuelles (techniques opératoires notamment). Cette seconde phase s’impose dès qu’un problème n’est pas un Q-problème. On trouve dans la figure 1, l’architecture d’un tel modèle [7]

Le paradigme Q-problèmes vs E-problèmes et l’évaluation en mathématiques à l’école

On entend souvent les professeurs des écoles dire de tel ou tel élève qu’il échoue en résolution de problèmes parce qu’il n’en comprend pas les énoncés ou encore parce qu’il ne cherche pas à les comprendre. Ce comportement est en effet fréquent : de nombreux élèves dysfonctionnent gravement parce qu’ils fondent leur choix d’une opération sur des indices superficiels (l’opération qui vient d’être étudiée en classe, par exemple), sans simuler mentalement la situation décrite dans l’énoncé [8]. Mais comment être sûr qu’un tel jugement est pertinent, c’est-à-dire que l’élève n’échoue pas pour une autre raison, parce qu’il ne s’est pas approprié les propriétés conceptuelles des opérations arithmétiques par exemple ?

On entend tout aussi souvent les professeurs des écoles dire de tel ou tel élève qu’il échoue en résolution de problèmes parce qu’il n’a pas encore acquis le « sens » des opérations arithmétiques. De même, comment être sûr qu’un élève échoue à tel ou tel type de problèmes pour cette raison et non pas, par exemple, parce qu’il n’en comprend pas l’énoncé ?

Le modèle hiérarchique de stratégies et le paradigme Q-problèmes vs E-problèmes permettent de répondre à ces questions professionnelles de première importance. En effet, la distinction entre les deux sortes de problèmes, Q et E, correspond à la distinction entre d’une part la compréhension de l’énoncé du problème et, d’autre part, la compréhension de l’opération arithmétique qui est en jeu dans le E-problème. Pour réussir un Q-problème, en effet, il suffit presque d’en comprendre l’énoncé : les connaissances numériques nécessaires à l’obtention de la solution numérique sont minimales, pouvant même reposer sur le seul comptage. En revanche, pour réussir un E-problème, l’usage des propriétés conceptuelles des opérations, celles qui fondent ces opérations arithmétiques, est indispensable [9].

C’est ainsi qu’on peut espérer pour chacun des principaux problèmes arithmétiques, créer trois groupes d’élèves : 1°) Ceux qui échouent à la fois aux versions Q et E du problème : ils n’en comprennent pas l’énoncé ; 2°) Ceux qui réussissent la version Q et échouent la version E : ils comprennent l’énoncé, mais n’ont pas encore compris l’opération arithmétique en jeu dans le problème ; 3°) Ceux qui réussissent à la fois aux version Q et E : ils comprennent l’énoncé ainsi que
l’opération arithmétique en jeu.

Un exemple d’outil d’évaluation utilisant le paradigme Q-problèmes vs E-problèmes

Cent quatre élèves de CE1 ont résolu en début et en fin d’année scolaire les versions Q et E de problèmes de soustraction, de multiplication et de division (en fait, il serait préférable de parler de problèmes dits de soustraction, dits de multiplication et dits de division parce que la réussite à la version Q ne nécessite pas l’usage de ces opérations). Chaque énoncé était dit deux fois oralement (les élèves n’en avaient pas la version écrite) et les élèves disposaient d’une minute environ pour donner la solution numérique (aucune égalité n’était demandée). En octobre comme en juin, la passation s’est faite en deux séances de 20 min environ, de sorte que chaque élève était soumis deux fois aux mêmes types de problèmes Q et E, l’ordre de passation étant inversé. Notre souci premier était l’équilibre du plan expérimental adopté en vue d’une publication scientifique, mais il est clair que, lorsqu’un enseignant a un objectif d’évaluation, il est préférable qu’il propose deux fois au moins une même tâche : un élève est en effet susceptible de la réussir en début de passation et de l’échouer en fin de passation pour des raisons de baisse de concentration, par exemple. Concernant la soustraction, par exemple, lors de la première séance, les élèves résolvaient la version Q du problème Leila (les valeurs numériques sont 27 et 31) et la version E d’un problème similaire : Bruno a 3 images dans sa collection. Il achète d’autres images et après il en a 32. Combien a-t-il acheté d’images ? Lors de la seconde séance, ils résolvaient la version E du problème Leila (27 est remplacé par 4) et la version Q du problème Bruno (3 est remplacé par 29). Au total, chaque élève a bien eu à résoudre deux versions Q et deux versions E de la recherche d’un complément (b + ? = a).

À partir d’un tel dispositif, la répartition dans les trois groupes envisagés précédemment peut se faire de la manière suivante : il y a les élèves qui échouent aux deux problèmes Q et aux deux problèmes E (absence de compréhension de l’énoncé du problème), ceux qui réussissent au moins un problème Q et échouent aux deux problèmes E (compréhension de l’énoncé sans compréhension de l’opération), ceux qui réussissent au moins un problème Q et au moins un problème E (compréhension de l’énoncé et de l’opération). Mais un quatrième groupe est évidemment formé des élèves qui échouent aux deux problèmes Q et qui réussissent au moins un problème E. Il s’agit d’élèves dont le comportement n’est pas conforme au modèle théorique : leur existence en grand nombre conduirait à remettre en cause le modèle. On a procédé de même avec des problèmes de recherche du résultat d’un retrait (a − b = ?), d’itération (a fois b ?), de partition (a partagé en b parts égales ?) et de quotition (en a combien de fois b ?).

La figure 2 fournit les résultats concernant les problèmes de recherche d’un complément (b + ? = a). Elle donne la répartition en quatre groupes des mêmes élèves en octobre et en juin au CE1 et la manière dont leurs performances évoluent entre le début et la fin d’année en fonction de leur performance de départ [10].

Figure 2 : Répartition des élèves en 4 groupes selon leur réussite aux Q-problèmes et aux E-problèmes du type a + ? = b

Retour sur les critiques faites à l’approche psychologique en didactique

Peut-on dire de manière générale que «  les inférences tirées des concepts de psychologie sont incontrôlées en enseignement » ? Ce n’est assurément pas le cas ici : il faut insister sur le côté remarquable du faible nombre d’élèves dont les résultats ne se conforment pas au modèle théorique. On voit dans la fig. 2 qu’en octobre et en juin, il y en a moins de 7% pour les problèmes du type a + ? = b. Concernant les autres types de problèmes (a − b = ?, a fois b ?, a partagé en b parts égales ? et en a combien de fois b ?), ces pourcentages d’élèves sont respectivement en octobre et en juin inférieurs à 2% et 2%, 4% et 7%, 5% et 3%, 10% et 5%. Quel meilleur contrôle pourrait-on espérer ?

On ne peut guère parler d’une « collection amorphe de performances individuelles » concernant les résultats de l’épreuve précédente car l’organisation hiérarchique des résultats obtenus n’a rien à voir avec une « collection sans forme  ».
Et que dire de la critique selon laquelle ce ne serait qu’une « collection de performances individuelles » ? C’est bien plus que cela parce que ces résultats sont obtenus en utilisant des épreuves dont la pertinence sociale ne fait guère de doute.

En ce qui concerne les enseignants, on a vu combien cela les intéresse de connaître quels sont ceux de leurs élèves qui échouent du fait qu’ils ne cherchent plus à comprendre les énoncés et ceux qui ne se sont pas appropriés le ou plutôt les « sens » des opérations arithmétiques.

À l’échelle de la nation, l’intérêt des hommes politiques qui ont à gérer un système éducatif, devrait être tout aussi vif. Ils ont en effet la responsabilité d’éviter deux dérives à l’enseignement des mathématiques élémentaires :

  • Une première dérive s’observait couramment avant les changements de programmes de 1970. À cette époque, en introduisant les quatre opérations dès le CP, on faisait longtemps croire aux élèves que la soustraction est synonyme de retrait matériel, que la multiplication est synonyme d’itération matérielle, la division de partage matériel… [11] Lorsqu’on leur enseignait l’usage de la soustraction pour résoudre des problèmes de recherche d’un complément, par exemple, de nombreux élèves n’y comprenaient plus rien : dans le problème de Leila et ses euros, par exemple, on ajoute des euros dans la tirelire et il faudrait utiliser le signe « moins » !
    Ces élèves échouaient des Q-problèmes qu’ils auraient correctement résolus s’ils n’avaient pas été scolarisés.
  • Une seconde dérive est celle du constructivisme radical : dans ce cas, le programme insiste avant tout sur la prise en compte des procédures informelles des élèves (improprement qualifiées de « personnelles ») et insiste beaucoup moins sur le fait que, sans être scolarisés, les enfants seraient très peu nombreux à s’approprier les propriétés conceptuelles des opérations arithmétiques.

    On peut ainsi penser que l’outil d’évaluation présenté ici, s’il était utilisé régulièrement sur un échantillon représentatif de la population scolaire, permettrait aux responsables du système éducatif d’apprécier dans quelle mesure leur politique permet d’éviter chacune de ces deux dérives. Les organisations professionnelles des professeurs d’écoles réclament aujourd’hui une remise à plat du dossier de l’évaluation. De toute évidence, il y a là une piste à explorer.

    <redacteur|auteur=500>

Notes

[1M. C. de psychologie cognitive à l’Université de Cergy-Pontoise (IUFM de Versailles). Équipe Compréhension, Raisonnement et Acquisition de Connaissances. Laboratoire
Paragraphe (Paris 8). remi.brissiaud@orange.fr.

[2Brissiaud, R. (2007) Calcul mental, symbolisme arithmétique et résolution de problèmes. Bulletin de l’Association des Professeurs de Mathématiques de l’Enseignement Public (APMEP), n° 469.

[3Brissiaud, R. & Sander, E. (2010) « Arithmetic word problem solving : a Situation Strategy First framework », Developmental Science, 13 (1), 92-107.

[4Vygotski, L. (1934/1997), Pensée et Langage, La Dispute : Paris.

[5Schliemann, A. D., Araujo, C., Cassundé, M.A., Macedo, S. & Nicéas, L. (1998) Use of multiplicative commutativity by school children and street sellers. Journal for Research in Mathematics Education, 29, 422-435.

[6Brissiaud R. (2002) Phénomène de concordance/discordance entre la représentation initiale d’un problème et l’économie de sa résolution numérique : le cas de la division euclidienne. Communication au Colloque Cognitique : Les apprentissages et leurs dysfonctionnements. 17-18 Juin. Paris.

[7Catherine Thevenot arrive à un modèle similaire en utilisant un dispositif expérimental très différent. Voir par exemple : Thevenot, C., & Oakhill, J. (2005). The strategic use of alternative representations in arithmetic word problem solving. Quarterly Journal of Experimental Psychology-A, 58(7), 1311-1323.

[8Verschaffel, L., & De Corte, E. (1997). Word problems : A vehicle for promoting authentic mathematical understanding and problem solving in the primary school ? In T. Nunes & P. Bryant (Eds.), Learning and teaching mathematics : An international perspective (p. 69-97). Hove, UK : Psychology Press.

[9Dans quelques contextes particuliers, il est possible d’accéder à la solution de Eproblèmes sans avoir les connaissances conceptuelles, en changeant de point de vue sur la situation décrite dans l’énoncé. Les situations correspondantes sont particulièrement intéressantes en didactique. Voir : Brissiaud R. (2002) Psychologie et didactique : choisir des problèmes qui favorisent la conceptualisation des opérations arithmétiques. In J. Bideaud & H. Lehalle (Eds) : Traité des Sciences Cognitives - Le développement des activités numériques chez l’enfant, 265-291. Paris : Hermes.

[10Les données sont celles des expériences 1 et 2 de Brissiaud & Sander, 2010 (ibid).

[11Brissiaud R. (2009) L’enseignement de l’arithmétique élémentaire et l’approche historico-culturelle en éducation. In : M. Brossard, J. Fijalkow, S. Ragano & L. Pasa (Eds) : Théorie historico-culturelle et recherches en éducation et en didactiques. Bordeaux : Presses Universitaires de Bordeaux.

Les Journées Nationales
L’APMEP

Brochures & Revues
Ressources

Actualités et Informations
Base de ressources bibliographiques

 

Les Régionales de l’APMEP