JN 2001 — Lille

Le discours d’ouverture
du président de l’APMEP

Mathématiques au carrefour de l’Europe,
au carrefour de l’avenir

 

Mathématiques au carrefour de l’Europe, ici à Lille, c’est tout un symbole parce qu’historiquement et géographiquement Lille est un lieu d’échanges, de rencontres.

Différents peuples s’y sont succédés, rencontrés, ont partagé leurs cultures, leurs technologies, leurs savoirs. Nous aussi, chers collègues adhérents de l’APMEP, sommes venus échanger nos expériences, nos savoirs, nos convictions, nos propositions, ... et nos états d’âmes.

Les mathématiques sont un carrefour, un lieu de rencontres et d’échanges. En effet, « les concepts mathématiques, par leur généralité, leur simplicité et leur puissance constituent un apport précieux pour toutes les sciences, et en forment parfois une base essentielle ». C’est en ces termes simples et fermes que les correspondants de l’Académie des sciences, mathématiciens ou non, se sont adressés au précédent Ministre de l’Éducation nationale, en mars 2000, dans les colonnes du Monde. Ils ajoutaient : « les mathématiques émergent de toutes les sciences et les alimentent... », « Développant à la fois imagination et rigueur, l’enseignement des mathématiques a un rôle important à jouer dans la culture de notre temps ». Qui, après cela, pourrait mettre en doute le rôle formateur des mathématiques et la nécessité de leur enseignement ?

Placer les mathématiques au carrefour de l’Europe est aussi très symbolique, et ce n’est pas le président que je suis de la jeune Fédération Européenne des Associations de Professeurs de Mathématiques qui prétendra le contraire. Dans cette Europe qui se crée, la fédération européenne et les associations qui en sont membres, dont l’APMEP, doivent contribuer à la construction de l’Europe de l’éducation et tout faire pour que les mathématiques y aient le rôle central qui leur incombe.

Si les mathématiques sont un carrefour, elles sont aussi à un carrefour, celui de l’histoire. Un carrefour est un lieu où l’on choisit une direction et se tromper peut avoir de lourdes conséquences sur l’avenir. Au carrefour où nous nous trouvons actuellement je redoute certains choix. On ne peut qu’adhérer à celui de la massification de l’enseignement. Vouloir donner le meilleur niveau possible au plus grand nombre est un objectif généreux et ambitieux. Mais les moyens choisis sont-ils toujours en cohérence avec l’objectif ? Comment concilier une plus grande démocratisation des enseignements scientifiques et la réduction des horaires de mathématiques au collège et au lycée ? Comment maintenir les mêmes exigences alors que les élèves disposent de moins de temps en classe, qu’ils sont de plus en plus lents et qu’ils travaillent de moins en moins à la maison ? Pourquoi mettre en place un système qui n’incite pas à l’effort, qui laisse penser aux élèves que leurs études ne sont pas la priorité ? Comment justifier la réduction du temps de présence des élèves dans les établissements scolaires tout en dénonçant les mauvaises conditions de travail à la maison pour certains d’entre eux ? Et bien d’autres questions encore...

Je suis inquiet parce que ces choix risquent d’avoir de graves conséquences pour les individus mais aussi pour le pays. Ne risque-t-il pas de manquer cruellement de scientifiques demain ?

Pourquoi de tels choix ont-ils été faits ? Sans doute a-t-on trop privilégié les aspects budgétaires et administratifs au détriment des aspects pédagogiques. Peut être ne fait-on pas assez confiance aux enseignants. Pourquoi suspecter a priori leurs avis, leurs propositions, leurs revendications ? Pourquoi juger a priori corporatistes les revendications horaires de l’APMEP alors qu’elles sont essentiellement destinées à améliorer la formation des élèves ? Pourtant, tous ceux qui sont ici aujourd’hui n’ont pas hésité à venir à leur frais et pendant leurs vacances et je les remercie très chaleureusement. Pourquoi les courriers et les demandes d’audiences de l’APMEP aux responsables ministériels restent-ils le plus souvent sans réponse ? Pourtant, toujours fidèle à sa tradition, l’APMEP s’efforce, depuis sa création en 1910, d’être constructive, de proposer, d’innover, de contribuer à l’évolution de l’enseignement des mathématiques et du système éducatif. Parmi de nombreux exemples on peut mettre à son actif : la création des IREM, les programmes par noyaux thèmes, les problématiques, EVAPM (l’observatoire de l’APMEP des contenus des programmes et des performances des élèves), des propositions pour rénover l’épreuve du bac, pour la création d’une option sciences, ... N’oublions pas non plus les véritables outils d’information et de formation que sont les bulletins nationaux et régionaux, les brochures, les universités d’été, les journées nationales, le serveur, les bases de données telles que PUBLIMATH, CLASMATH, ... et pardon à tous ceux que j’oublie. Pourquoi l’APMEP est-elle alors si peu écoutée, si peu entendue ? Le Premier ministre n’avait-il pas annoncé que sa politique serait fondée sur le dialogue ? Si le dialogue n’est plus possible faut-il avoir recours au rapport de forces pour se faire entendre ?

Être au carrefour de l’Europe est à la fois un espoir et une inquiétude. Un espoir puisqu’il s’agit de construire mais une inquiétude si l’Europe sert d’alibi aux pires choix. Ne commence-t-on pas ainsi à opposer aux horaires revendiqués par l’APMEP ceux pratiqués chez certains de nos voisins européens ? Sans vouloir les offenser, ces voisins-là ont-ils les mêmes traditions de formation mathématique, les mêmes ambitions que nous ?

Les professeurs de mathématiques sont découragés, excédés. L’appel lancé par l’Académie des sciences avait pour titre « Les mathématiques méritent considération » ; depuis cette tribune je dis solennellement à Monsieur le Ministre de l’Éducation nationale : « l’enseignement des mathématiques et donc leurs professeurs méritent considération ».

 

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