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Le livret personnel de compétences Les interrogations de Julie Verscheldem

Julie Verscheldem [1]

En instaurant le socle commun, le ministère souhaitait que tout élève ait acquis, à 16 ans, les notions considérées comme indispensables à sa vie de futur adulte.
L’article 9 de la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école du 23 avril 2005 prévoit en effet que « le socle commun présente ce que tout élève doit savoir à la fin de sa scolarité obligatoire  ». Il constitue en fait l’ensemble des connaissances, compétences, valeurs et attitudes nécessaires pour réussir sa scolarité,
sa vie d’individu et de futur citoyen.

Avec la mise en place de ce socle commun, le ministère suit une tendance européenne, en définissant le bagage minimum de tous les élèves pour leur vie future.
Mais, son instauration et la demande de l’institution n’ont pas suffi à faire changer les mœurs dans les établissements, ou en tout cas pas suffisamment vite aux yeux de nos décideurs. Pour permettre la mise en place du socle commun, le ministère a donc créé le Livret Personnel de Compétences (LPC), qui doit être obligatoirement renseigné pour l’obtention du DNB (Diplôme National du Brevet) depuis la session de juin 2011. Mis au pied du mur par la nécessité de cocher les cases du LPC, les professeurs ne peuvent plus ignorer la réalité de l’existence du socle commun. Mais partir de l’évaluation pour faire avancer l’idée du socle, est-ce bien prendre le problème par le bon bout ?

Le LPC est divisé en trois paliers :

  • le palier 1 validable en fin de CE1,
  • le palier 2 validable en fin de CM2,
  • le palier 3 validable en fin de troisième ou à la fin de la scolarité obligatoire.

Le palier 3 se décline en sept compétences, comportant en tout 26 domaines, eux-mêmes déclinés en une centaine d’items.
La compétence nous concernant le plus est la troisième  : « Les principaux éléments de mathématiques et la culture scientifique et technologique ». Les quatre domaines qui la constituent sont les suivants :

  • Pratiquer une démarche scientifique et technologique, résoudre des problèmes.
  • Savoir utiliser des connaissances et des compétences mathématiques.
  • Savoir utiliser des connaissances dans divers domaines scientifiques.
  • Environnement et développement durable

Voici maintenant les items du domaine « réservé » aux mathématiques :

Organisation et gestion des données : reconnaître des situations de proportionnalité, utiliser des pourcentages, des tableaux, des graphiques. Exploiter des données statistiques et aborder des situations simples de probabilité.
Nombres et calculs : connaître et utiliser les nombres entiers, décimaux et
fractionnaires. Mener à bien un calcul : mental, à la main, à la calculatrice, avec un
ordinateur.
Géométrie : connaître et représenter des figures géométriques et des objets de l’espace. Utiliser leurs propriétés.
Grandeurs et mesures : réaliser des mesures (longueurs, durées, …), calculer des valeurs (volumes, vitesses, …) en utilisant différentes unités.

Ce livret soulève beaucoup de questions, mais la validation d’une compétence reste la première interrogation, et la plus difficile.

Les compétences disciplinaires

Plus la compétence est large (c’est le cas du LPC puisque quatre items suffisent à rassembler quatre années de programme de maths…), plus elle est difficile à valider, ou non. Je m’explique. Comment, quand et à quelles conditions valider un item aussi large que « Connaitre et utiliser les nombres entiers, décimaux et fractionnaires. Mener à bien un calcul : mental, à la main, à la calculatrice, à l’aide d’un ordinateur » ? En Sixième, lorsque l’on vérifie que les opérations sur les entiers sont acquises ? En Cinquième, lorsque l’on introduit le calcul fractionnaire avec le même dénominateur ? En Troisième, lorsqu’un élève est capable de mener à bien un calcul à plusieurs opérations mélangeant nombres entiers et fractionnaires de dénominateurs différents ? Parce qu’il est possible qu’un élève passe avec succès les deux premières « évaluations  », mais pas la troisième… Que ferons-nous alors  ? Refuserons-nous de lui valider la compétence dans son ensemble ? _ D’un autre coté, plus la compétence est précise, plus elle est facile à valider, mais le problème de ces micro compétences est bien souvent leur nombre ! Par exemple, dans mon établissement, nous avions essayé en début d’année de construire une grille de micro compétences rassemblant les notions du socle commun du programme de Troisième. Et nous voilà avec une cinquantaine de micro compétences dont nous n’avons pas su quoi faire  ! Comment passer d’une cinquantaine de micro
compétences aux quatre items proposés dans le LPC ?

L’harmonisation

Autre question plus pratique. Quelle mise en œuvre adopter ? Aucun moyen, que ce soit de formation, de temps ou d’argent, n’est donné aux établissements. Alors comment les professeurs et l’administration peuvent-ils se consulter, se mettre d’accord, prendre des décisions pour réussir à avoir un projet commun disciplinaire,
voire un projet d’établissement ?
De plus, le flou qui entoure les directives ministérielles peut amener à autant d’interprétations que d’établissements, ou presque. Chaque collège fait donc ce qu’il veut, ou plutôt ce qu’il peut. Il n’y a donc aucune homogénéité dans la façon de tester, puis de valider les compétences. Comment appeler cela le socle « commun » des compétences s’il n’a rien de commun d’un établissement à l’autre dans sa mise en œuvre, que ce soit au niveau départemental ou, pire, national ?

La communication

Ce système, déjà difficile à mettre en place, ne prévoit pas non plus d’aide pour permettre une bonne communication avec les familles, ni avec la nouvelle équipe pédagogique de l’élève en cas de changement d’établissement. Puisque chaque collège met le LPC en place de façon différente et personnelle, comment transmettre les dossiers et les informations à un autre établissement ? Quel est alors l’intérêt de monter tout cela si le dossier et les démarches commencées ne suivent pas l’élève et ne peuvent pas être réutilisées par la nouvelle équipe ?
Par ailleurs, de nombreux enseignants souffrent du manque de concertation et de compréhension. Ils ont également l’impression que leur travail et leur investissement pour les élèves ne sont pas pris en compte.
Les professeurs ne cessent d’attendre des réponses officielles et précises à leurs questions.

Usine à gaz ou cercle vicieux

Par l’article 2 de l’arrêté du 9 juillet 2009, la loi prévoit que les compétences du socle commun soient obligatoirement validées pour le diplôme national du brevet (DNB). Comment se fait cette validation ? Là encore, des questions sur l’intérêt de ce travail se posent. La validation se fait en trois étapes :

  1. Les professeurs, tout au long de l’année ou à défaut lors du conseil de classe du troisième trimestre, étudient chaque item et chaque compétence pour les valider ou non.
  2. Le chef d’établissement doit à son tour entériner le LPC. Pour attester la maîtrise du socle commun, toutes les compétences doivent être validées, aucune ne peut compenser l’autre, mais le chef d’établissement peut décider d’attester les compétences non validées par l’équipe pédagogique.
  3. Le jury du DNB apprécie, pour tout élève se présentant devant lui sans avoir validé le LPC, s’il est néanmoins possible de lui délivrer le diplôme, ce qui vaut alors attestation de maitrise du socle. Cette décision est souveraine mais ne vaut pas une validation des compétences non validées jusque là.

Ce qui veut dire que, même si l’équipe pédagogique estime qu’un élève n’a pas acquis l’une ou l’autre des compétences, le chef d’établissement peut en décider autrement, et ensuite le jury, souverain rappelons-le, peut valider la maitrise du socle commun. Les professeurs ont donc l’impression de se voir imposer une surcharge de travail, qui, en plus, ne sera pas forcément prise en compte par les personnes ou instances « supérieures ».

Les compétences transversales

Les compétences du pilier 7 posent aussi un problème aux enseignants, puisqu’elles demandent d’évaluer des critères subjectifs, concernant l’élève lui-même, et pas seulement des compétences objectives liées à son travail. Peut-on vraiment juger une personne ? Est-ce le rôle des professeurs ?

Voila les questions que je me pose. Et vous, avez-vous tout ou partie des réponses ? Qu’avez-vous fait dans vos établissements ?

<redacteur|auteur=500>

Notes

[1collège Auguste Delaune à Bobigny (93). julieversch@yahoo.fr

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