Bulletin Vert n°501
novembre — décembre 2012

Les arpenteurs du monde

par Daniel Kehlmann
traduit de l’allemand par Juliette Aubert

Babel / Actes Sud 2009
titre original : Die Vermessung der Welt
300 p. en format de poche, prix : 8,50 €, ISBN 978-2-7427-8061-7

 

Carl-Friedrich Gauss, Alexander von Humboldt : deux Allemands de la première moitié du XIXe siècle, deux géants de la science. Daniel Kehlmann a choisi de les faire se rencontrer à la fin de leur vie, quand l’un et l’autre, couverts de gloire, se remémorent leurs aventures scientifiques.

Aventures surtout intellectuelles pour Gauss, qui déteste voyager mais se délecte de physique et de mathématiques. Aventures bien réelles et hautes en couleurs pour Humboldt, qui consacre cinq années à explorer l’Amérique latine.

Par exemple l’auteur met en scène avec verve le fameux épisode (réel ou supposé) où Gauss, âgé de huit ans, calcule la somme des cent premiers nombres entiers. Dans la petite école prussienne, le maître donne exprès des exercices infaisables à ses élèves, pour le plaisir de les rosser en cas d’erreur. Stupéfait que le garçon ait résolu son problème en quelques secondes, il lui prête un livre d’arithmétique supérieure, que celui-ci rapporte timidement le lendemain, après l’avoir lu et compris. Le maître est tellement troublé qu’il lui donne une dernière volée de coups de bâton, tout en décidant de l’envoyer au lycée malgré son origine modeste.

Devenu jeune homme, Gauss, éconduit par la jeune fille dont il est amoureux, envisage de se suicider, et en conséquence prépare un argumentaire pour faire reconnaître à Dieu sa désinvolture dans la Création… Heureusement, ses recherches mathématiques vont le détourner de ce projet funeste, jusqu’à ce que la même jeune fille accepte enfin sa main.

Humboldt, de son côté, part en Amérique latine pour une expédition de plusieurs années, où il observe les gens, les animaux, les plantes ; il traverse la forêt vierge, remonte les fleuves, escalade les montagnes ; il mesure tout ce qu’il peut mesurer : la salinité de la mer, l’humidité de l’atmosphère, l’intensité des décharges de l’anguille électrique, le nombre de poux dans la tête des indigènes, … Tout cela est bien entendu l’occasion d’aventures rocambolesques.

Les deux jeunes gens se sont enthousiasmés pour les Lumières et la Révolution Française, qui leur ont fait espérer une évolution du pesant régime prussien. Déçus dans ces espoirs politiques, ils ont mis l’un et l’autre leur intelligence prodigieuse au service de la science.

Avec un humour malicieux, l’auteur mêle habilement deux contrepoints. Entre Gauss et Humboldt : autant le premier est ronchon et dépressif, autant le second est optimiste et farfelu. Entre leurs grandeurs et leurs faiblesses : exceptionnels dans leurs domaines scientifiques, ils se révèlent souvent maladroits dans la vie courante.

Nul besoin d’être scientifique pour apprécier ce livre, mais à ceux qui connaissent ces deux noms de façon abstraite, il fera découvrir leur véritable épaisseur humaine, certes romancée, mais appuyée sur une documentation solide. un régal !

 

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