Les journées d’une congressiste à Caen Synthèse d’Élisabeth Fourdinier

Vendredi 21 octobre

Nous (4 profs de math de la même famille) arrivons juste à temps au campus de Caen où se déroulent ces journées APM pour prendre notre petite mallette (avec bloc-notes, stylo, plan et...ciré !) et assister à la première conférence de Patrick Dehornoy sur les tresses !

Eh oui, les tresses sont un véritable outil mathématique, avec des algorithmes de démêlage et de nombreuses conséquences en algèbre, combinatoire, informatique et cryptographie !

Le groupe de tresses à un nombre de brins fixés est une extension du groupe symétrique ; en physique lien avec les symétries de l’équation Yang-Baxter (produit tensoriel d’espace vectoriel) et \(B_n\) étant un groupe simple (où on peut calculer) mais non commutatif, on peut utiliser la méthode de cryptage basée sur la difficulté de retrouver \(x\) à partir de \(y\) et \(xyx^{-1}\) : Alice et Bob veulent échanger une clé commune \(s\) mais un intrus pourrait la trouver ! On choisit donc \(p\) publique dans \(B_{2n}\) (clé = tresse), la clé publique \(a\), choisie par Alice, est dans \(B_{2n}\), elle envoie \(pA=apa^{-1}\) à Bob qui choisit \(b\) dans \(B_{n,2n}\) (tresse avec des brins croisés entre \(n\) et \(2n\)), il envoie \(pB=bpb^{-1}\) à Alice ; chacun peut alors calculer \(s\) en faisant \(apBa^{-1}\) pour Alice et \(bpAb^{-1}\) pour Bob.

En effet : \(apBa^{-1}=abpb^{-1}a^{-1}=bapa^{-1}b^{-1}=bpAb^{-1}\) car \(b^{-1}a^{-1}=a^{-1}b^{-1}\) : puisque Alice tresse dans \(B_n\) et Bob dans \(B_{n,2n}\) (propriétés vues au préalable).

Certains (chez les Picards aussi !) dans l’amphi se sont déjà assoupis (fatigue de la semaine et voyage) mais exposé très intéressant et personnage captivant !

Après un apéritif (frugal) offert par la mairie dans un lieu prestigieux, l’hôtel de ville qui se révèle être l’Abbaye aux Hommes construite par Guillaume le Conquérant, direction le conservatoire pour assister à un spectacle gratuit présenté par des élèves du conservatoire : du théâtre avec des extraits de « La Vie de Galilée » de Brecht et un concert commenté sur le canon, la fugue avec des jeunes musiciens et chanteurs très performants. Très intéressant !

 

Samedi 22 octobre

Dur, le réveil ! Mais, quand on aime… Bref, direction notre premier atelier. J’ai choisi « de la table de trigonométrie à la calculatrice » animé par 2 profs de l’académie de Rouen : depuis Ptolémée (2e siècle ap JC), qui à partir de cordes connues, approche la corde de 1°, en passant par Simon Stevin (né à Bruges en 1548), qui en utilisant sinus d’angle moitié, et en réitérant ses calculs d’approximation, arrive à établir une table de sinus de 0° à 45° (le problème majeur restant celui d’approcher sin 1°) ; vient ensuite JF Callet et Log Tang (18e s) dont le but est de calculer le sinus d’angles de 10’’ en 10’’ et pour finir, explication sur l’algorithme Cordic (Coordinat Rotation Digital Computer), où l’on retrouve les mêmes principes que pour les prédécesseurs : partir de valeurs connues et faire des approximations basées sur l’addition ou la soustraction, mais surtout pas de développements en série qui amènent trop de calculs. Exposé vivant, intéressant avec à la fin des références Internet pour pouvoir y revenir.

Le midi, premier détour vers les exposants et première ponction financière en voyant autant de livres (les éditeurs sont là, mais aussi des associations IREM, IUFM, nos collègues matheux belges) et de jeux mathématiques (heureusement, j’avais pensé à prendre un carnet de chèques complet pour tenir les 3 jours...)

À 14h, 2e conférence : je pars donc écouter Marc Girault qui, après avoir un peu travaillé comme prof de math, a bifurqué vers France Telecom pour devenir un expert en cryptographie et, est donc chercheur chargé de sécuriser les « RFID tags » (minuscules puces fonctionnant par radio-fréquence, qui remplaceront les codes-barres optiques). Il nous parle des premiers cryptages avec Jules César avec le décalage A en D, B en E..., puis Vigenère (16e s) avec \(n\) décalages différents à renouveler autant de fois nécessaires pour les 26 lettres de l’alphabet, enfin Vernam (1917) qui utilise l’alphabet binaire 0 ou 1 et \(n\) étant infini : si le message clair est M=(\(m_1\), … , \(m_n\)), la clé de chiffrement doit être de même longueur K=(\(k_1\), … , \(k_n\)) et le message chiffré est obtenu par ci mi + ki (2) mais le système est lourd et la sécurité est inconditionnelle. Vient ensuite le 1er algorithme civil avec le DES (Data Encryptions Standard) et IBM en 1974, aujourd’hui système trop vite décrypté, puis le triple DES et en 1976 Diffie et Hellman invente la cryptographie à clé publique (çà me rappelle quelque chose !) Et hop, revoici Alice et Bob ! Enfin le système RSA ((Rivest, Shamir et Adleman) de 1978 utilisant des notions d’arithmétique (théorème de Lagrange, théorème de Bézout et th chinois). Dans la vie réelle, ces problèmes de cryptage sont courants : pour les téléphones portables, les liaisons Maison Blanche-Kremlin, les ordinateurs, les cartes à puces, les tickets de bus ou métro, les antivols sur vêtements, Navigo sur Internet, les GPS. Bref, le conférencier était ravi de pouvoir allier travail et passion pour la cryptographie !

16h, c’est l’heure des commissions qui permettent aux adhérents d’échanger sur divers sujets (pour celle lycée, on évoquera la demande continuelle de l’APM d’une option sciences en 2de qui semble en bonne voie, le nombre alarmant d’élèves en spé math en TS, les réunions inter académiques à venir pour les programmes STG et L)

Ouf ! La journée studieuse est finie, je vais pouvoir aller revider encore un peu mon porte-monnaie auprès des éditeurs avant de quitter le campus !

 

Dimanche 23 octobre

Dur, dur le réveil ! Direction le 2e atelier ! Je vais à celui animé par Didier Faradji sur le jeu mathématique collaboratif (lui aussi a eu du mal avec le réveil car nous commençons à 9h avec une demi heure de retard). Par groupe de 4, nous commençons par une phase d’observation du plateau du jeu « magix 34 » (carré magique, symétrie par rapport au centre...), puis nous jouons en binôme placé en diagonale : nous devons placer à tour de rôle chacun 2 ronds en cherchant à obtenir, par équipe une somme de 34 (ce qui n’arrive jamais d’emblée !) ; puis, quand les 4 ronds de chaque équipe (une équipe = une couleur) sont placés, on se déplace à tour de rôle, toujours dans le même but, le coéquipier en diagonale devant conseiller celui qui déplace un pion ; en fait, on s’aperçoit rapidement que d’entendre la stratégie des adversaires est bénéfique pour tous et il arrive même parfois que les adversaires aident ceux qui vont jouer ! Le jeu devient alors une résolution de problème où chacun émet des hypothèses, teste, rejette et travaille en groupe sur les nombres, la géométrie et les opérations. Autre jeu : le « Multiplay », avec 3 anneaux par équipe, on doit en placer 2 dont le produit sera le 3e puis le « décadex », avec 4 pions arriver à une somme de 4. Ces jeux sont soi-disant pour collège et SEGPA, mais j’en ai quand même fait l’acquisition dans le but de m’en servir en seconde.

10h30, direction la 3e conférence : Denis Guedj qui vient nous présenter son dernier livre « zéro », depuis l’origine des temps, en Mésopotamie jusqu’à aujourd’hui, en Irak, sur cette même terre, durant 5000 ans, se déroulent les 5 vies d’Aémer qui traverse l’histoire tout en ayant des contraintes car elle ne peut être ni mère, ni épouse. Conférencier toujours palpitant (car il était déjà venu aux journées APMEP de Rouen en octobre 1998 pour « le théorème du perroquet »), drôle, ayant un regard critique par rapport à l’invasion de l’Irak par les Américains. Son livre, d’ailleurs, est à la hauteur de la conférence, car bien sûr, je me suis dépêchée d’aller l’acheter pour le faire dédicacer !

14h, 3e atelier : « comprendre les cadrans solaires », animé par 2 intervenantes de Rouen ayant chacune son approche différente : l’une manipule les cartons, lampes et utilise la règle et le crayon, l’autre complète avec géospace J’apprends ainsi que le bâton incliné sur le cadran est un gnomon toujours orienté vers l’étoile polaire, qu’il n’est jamais positionné verticalement sauf sur certains cadrans portatifs égyptiens dans le sud du pays ; il existe 3 sortes de cadran : vertical, horizontal ou équatorial (incliné tel que la table soit parallèle à l’équateur terrestre) et on en trouve en Europe datant du 17e siècle, certains avec des devises religieuses ; celui du Mont Sainte Odile (Alsace) est remarquable par ses différents cadrans sur plusieurs murs (mais, le gnomon a toujours la même orientation). Pour le cadran équatorial, le gnomon est perpendiculaire à la table et une répartition régulière des secteurs sur le cadran (comme le soleil tourne de 15° par heure sur l’équateur et que la table est parallèle à l’équateur, l’angle entre chaque ligne horaire est aussi de 15°). Les cadrans horizontaux sont les plus faciles à faire car il n’y a pas de déclinant et sont utilisables toute l’année. Après cet exposé, on passe à comment construire un cadran : avec un boîtier de CD et une tige, çà marche ! Ayant les lignes de l’équatorial de 15° en 15°, on construit les lignes horizontales en prenant les intersections entre les 2 plans et en les joignant à la base du gnomon. Quelques calculs trigonométriques seront nécessaires pour les lignes où on n’a pas les points d’intersection ; et enfin, le principe sera le même pour passer aux cadrans verticaux. Encore un exposé intéressant qui me fera rechercher toute doc possible parmi les exposants...

16h : atelier-débat ; je choisis « mais que fait donc l’APMEP ? » où l’on aborde l’élaboration du nouveau site avec forum ; diverses demandes sont faites : que les jeunes profs soient plus aidés par les anciens, que le rôle des commissions évoluent avec plus de réflexion en amont dans les régionales.

17h30, on termine par une assemblée plénière où on aborde des questions d’actualité : nous apprenons ainsi la création de CAPES (physique, EPS par exemple) concours externe pour 2006 avec mention complémentaire (français, math ou langue suivant le CAPES), ceci d’après un décret de août 2005 ; l’APMEP ou l’inspection générale de mathématiques n’ont pas été consultées… (le doyen de nos IG, Jacques Moisan étant parmi nous). Dans certaines académies les journées nationales de l’APMEP sont au PAF, on espère que cela se généralisera par la suite. La réforme STI engagée sous Fillon pour la 1re va se poursuivre : la phase de consultation et d’information est pour cette année, le nouveau programme de Tale est pour septembre 2007. Quant aux nouveaux programmes de STG, certains regrettent le manque de dédoublement sur les 3h, M. Moisan avait réclamé un programme sur 2h30 avec 1h dédoublée par mois mais cela avait été refusé car … moyen constant ! Au final, un prof de Sens intervient pour nous parler de 2 élèves qui se cachent pour éviter la reconduite à la frontière de leur famille, exigée par le préfet et qui sont aidés scolairement par des profs qui leur dispensent des cours (dans toute illégalité). Ces jeunes sont soutenus par Éducation Sans Frontières, par les Droits de l’Homme, une lettre de soutien de l’APMEP sera envoyée au ministère.

 

Lundi 24 octobre

Dur, dur, dur le réveil ! Retour au campus du vendredi pour assister à l’assemblée générale avec un compte-rendu des différents ateliers-débats ; une demande est faite pour que le contenu de la plaquette (avec les positions de l’APMEP) soit ré-approuvé au sein des journées régionales, une autre pour que le comité national dégage par année une ou deux questions à traiter au sein des régionales pour améliorer les échanges ; les listes de diffusion (établies pendant les commissions lycée, collège, enseignement supérieur, 1e degré, formation des maîtres et lycée professionnel) devraient être un moyen d’échanger. Pour palier au manque de nouveaux adhérents, certaines régionales organisent des animations goûters dans différents lieux pour un dialogue direct ; une plus grande communication inter régionales pourraient aider les plus « petits » et… c’est comme cela que j’entre en contact avec le président de la Régionale de Rouen !

Pour finir, l’équipe de Clermont-Ferrand vient nous présenter « les mathématiques : un volcan actif ? », thème des journées 2006 du jeudi 26 au samedi 28 octobre, présentation en chanson avec distribution de pastilles Vichy !

L’après-midi, rendez-vous au Mémorial de Caen pour une visite guidée puis libre : nous y sommes restés 4h (car très intéressant) avant de reprendre le chemin du retour.

 

Conclusion

Ces journées furent très riches, l’accueil spontané, l’organisation sans faille… seul bémol : mon porte-monnaie qui a subi bien des dommages, mais pour la bonne cause ! Bref, il y a des chances qu’on y retourne l’an prochain !

 

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