487
Les problèmes du BV 487 et solutions des 482-2 et 484-4
Énoncés des nouveaux problèmes
Problème 487-1 (Question de Srinivasa Ramanujan)
Pour \(x \geq 1\), simplifier
$$f(x) = \sqrt{ 1 +x\sqrt{1+(x+1)\sqrt{1+(x+2)\sqrt{1+(x+3)\sqrt{1+\ldots}}}}}$$
après avoir montré que cette expression avait un sens.
voir l’article où est publiée la solution
Problème 487-2 (Question de Michel Lafond)
On définit la suite \(u\) par \(u_0 \in [0,1]\) et pour tout \(n \in \mathbb N\), \(u_{n+1} = 2 min(u_n, 1 − u_n)\).
Démontrer que pour tout \(n \in \mathbb N\),
$$u_n=\frac{1}{\pi}\arccos{\big ( \cos{(2^n \pi u_0)} \big ) }$$
voir l’article où est publiée la solution
Problème 487-3 (Question de Michel Lafond)
On joue au jeu suivant. Il s’agit de trouver un nombre N \( \in [1]\).
On ne peut poser que des questions du type « N est-il plus grand que x ? ».
La réponse ne peut être que « oui » ou « non ». On peut poser au plus 12 questions avant de proposer une réponse. Mais on n’a droit qu’à un maximum de 3 réponses « non ». C’est-à-dire que si on a pour la troisième fois une réponse « non », on est obligé de proposer une réponse au coup suivant puis le jeu est terminé. Il est possible
de gagner à coup sûr, mais la stratégie est unique ! En particulier quelle doit être la première question ?
voir l’article où est publiée la solution
Solutions des problèmes antérieurs
François Couchot (Caen) m’envoie les solutions des problèmes 480-2, 480-3 et 481-1. Ces solutions, toutes justes, sont, pour l’essentiel, proches des solutions publiées dans les bulletins 485 et 486.
Problème 482-2
Pour \(x, y, z \in \mathbb C\) et \(n \in {\mathbb N}^*\), simplifier
$$\sum_{k=1}^n \binom {n}{k}(x-kz)^{k-1}(y+kz)^{n-k}$$
Commentaires . Le problème consistait en réalité à prouver l’identité suivante :
\(x, y, z \in \mathbb C\) et \(n \in {\mathbb N}^*\),
$$ (x+y)^n = \sum_{k=1}^n \binom {n}{k}x(x-kz)^{k-1}(y+kz)^{n-k}\ \ \ \ \ \ \ (1) $$
Dans cette somme, il est sous-entendu que le terme obtenu pour \(k = 0\) vaut \(y^n\), même si x = 0. Cette identité, que j’ai trouvée dans « Le Dictionnaire des Mathématiques » d’Alain Bouvier, Michel George et François Le Lionnais, est due à Abel (1826) et est valable dans tout anneau commutatif. Une fois l’identité d’Abel établie sur \(\mathbb C\), on a immédiatement la réponse au problème posé. Lorsque \(x\) est non nul,
$$ \sum_{k=1}^n \binom {n}{k}(x-kz)^{k-1}(y+kz)^{n-k} = \frac {(x+y)^n-y^n}{x}=\sum_{k=1}^{n-1} \binom {n}{k}x^{k-1}y^{n-k} $$
Cette dernière égalité est valable pour \(x = 0\) et donne
$$ \sum_{k=1}^n \binom {n}{k}(-kz)^{k-1}(y+kz)^{n-k} = ny^{n-1} $$
Dans les deux premières solutions ci-dessous, on se contente donc d’établir la relation \((1)\).
Solution de Philippe Picard (Lyon). Cette élégante solution utilise les polynômes d’Abel [2]. Soit \( u = (u_n)_{n \in \mathbb N} \) une suite arithmétique complexe de raison \(b \in \mathbb C\). Le polynôme d’Abel de degré \(n \in \mathbb N\) relatif à la suite \(u\) est défini par
$$ A_n(x|u) = \frac{{(x-u_0)(x-u_n)^{n-1}}} {n !}$$
avec la convention \(A_0(x|u)=1\). Puisque \(u_0 = u_n - nb\),
$$ A_n(x|u) = \frac{(x-u_n)^n} {n !} + b\frac{(x-u_n)^{n-1}} {(n-1) !}\ \ (n\geq 1). \ \ \ \ \ \ \ (2) $$
En notant \(\delta_{i,j}\) le symbole de Kronecker valant 1 si \(i = j\) et 0 sinon,
$$A_n(u_0|u) = \delta_{n,0} \ \ \ \ \ \ \ (3)$$
On introduit l’opérateur « shift », noté E, défini sur \({\mathbb C}^{\mathbb N}\) par
$$Eu=(u_{k+1})_{k \in \mathbb N}$$
La relation \((2)\) donne en dérivant
$$A’_n(x|u)=A_{n-1}(x|Eu)\ \ (n\geq 1). \ \ \ \ \ \ \ (4)$$
Pour \(r \in \mathbb N\), la dérivée \(r\)-ième est donc
$$A_n^{(r)}(x|u)=A_{n-r}(x|E^{r}u)\ \ (n\geq r). \ \ \ \ \ \ \ (5)$$
\(E^r\) désignant la \(r\)-ième itérée de \(E\). D’après (3) et (5),
$$A_n^{(r)}(x|u)=\delta_{n-r,0}=\delta_{n,r}\ \ (n\geq r \geq 0). \ \ \ \ \ \ \ (6)$$
On en vient au problème. Les polynômes \(A_n(x|u)\) sont échelonnés en degré. Un polynôme \(B(x)\) de degré \(n \in \mathbb N\) s’écrit donc
$$B(x) = \sum_{k=0}^n \alpha_k A_k(x|u).$$
L’égalité \((6)\) montre que, pour \(r \in [3]\),
$$B^{(r)}(u_r) = \sum_{k=r}^n \alpha_k A_k^{(r)}(u_r|u) = \sum_{k=r}^n \alpha_k \delta_{k,r} = \alpha_r.$$
Ainsi,
$$B(x) = \sum_{k=0}^n B^{(k)}(u_k) A_k(x|u). \ \ \ \ \ \ \ (7)$$
On fixe \(n \ \mathbb {N^*}\), \(y\), \(z \in \mathbb C\) et on choisit
$$B(x) = (x+y)^n, \ \ u_0=0, \ \ b=z.$$
Pour \(k \in \mathbb N\), \(u_k = kz\). Pour \(k \in \mathbb {N^*}\),
$$A_k(x|u) = x\frac{{(x-kz)^{k-1}}} {k !}.$$
Enfin, pour \(k \in [4]\)
$$B^{(k)}(u_k) = \frac{n !}{(n-k) !}(y+kz)^{n-k}.$$
La relation \((7)\) donne, en isolant le terme d’indice k = 0 pour lequel \(A_k = 1\),
$$ (x+y)^n = x \sum_{k=1}^n \binom {n}{k}(x-kz)^{k-1}(y+kz)^{n-k} + y^n, $$
ce qui est l’identité d’Abel.
Solution de Frédéric de Ligt (Montguyon). Pour démontrer l’identité d’Abel dans \(\mathbb C\), on procède par récurrence sur \(n \in \mathbb {N^*}\). Le cas \(n = 1\) étant clair. on suppose
\((1)\) établie à un certain rang \(n \geq 1\). En multipliant par \((n + 1)\) et en intégrant par rapport à \(y\), il vient
$$ (x+y)^{n+1} = \sum_{k=0}^n (n+1)\binom {n}{k}x(x-kz)^{k-1}\frac{(y+kz)^{n-k+1}}{n-k+1}+C(x,z), $$
où \(C(x,z)\) est un polynôme en \(x\) et \(z\). La relation
$$(n+1) \binom {n}{k} = (n+1-k) \binom {n+1}{k}\ \ \ \ \ \ \ (8)$$
donne
$$ (x+y)^{n+1} = \sum_{k=0}^n \binom {n+1}{k}x(x-kz)^{k-1}(y+kz)^{n-k+1}}+C(x,z).\ \ \ \ \ \ \ (9) $$
Il reste à montrer que \(C(x,z)\) est le « terme manquant » dans l’identité d’Abel au rang \(n + 1\), à savoir
$$C(x,z)=x(x-(n+1)z)^n.$$
En testant \((9)\) en \(y = - (n + 1) z\), on trouve
$$C(x,z)=x(x-(n+1)z)^{n+1}-\sum_{k=0}^n \binom {n+1}{k}x(x-kz)^{k-1}((k-n-1)z)^{n-k+1}.\ \ \ \ \ \ \ (10)$$
Par ailleurs, l’identité d’Abel – que l’on a supposé établie au rang \(n\) – testée en \(y = - (n + 1) z\) donne
$$(x-(n+1)z)^n=\sum_{k=0}^n \binom {n}{k}x(x-kz)^{k-1}((k-n-1)z)^{n-k}.$$
En multipliant par \((n + 1) z\), on obtient
$$(n + 1) z(x-(n+1)z)^n=\sum_{k=0}^n(n+1) \binom {n}{k}x(x-kz)^{k-1}\frac{((k-n-1)z)^{n+1-k}}{k-n-1},$$
soit, encore avec la relation \((8)\),
$$(n + 1) z(x-(n+1)z)^n=- \sum_{k=0}^n \binom {n+1}{k}x(x-kz)^{k-1}((k-n-1)z)^{n+1-k}.$$
Injectée dans (9), cette dernière égalité donne
$$C(x,z)=(x-(n+1)z)^{n+1}+(n+1)z(x-(n+1)z)^n=x(x-(n+1)z)^n,$$
ce qui clôt la démonstration.
Solution de Marie-Laure Chailloux (Épinay sur Orge). Cette solution calcule directement la somme demandée, à savoir
$$P_n(x,y,z)=\sum_{k=1}^n \binom {n}{k}(x-kz)^{k-1}(y+kz)^{n-k}\ \ (x,y,z \in \mathbb C, n \in \mathbb {N^*},$$
que l’on développe par deux formules du binôme en
$$\sum_{k=1}^n \sum_{m=0}^{k-1} \sum_{p=0}^{n-k} \binom {n}{k} \binom {k-1}{m} \binom {n-k}{p}(-1)^{k-1-m}x^my^pk^{n-1-m-p}z^{n-1-m-p}.$$
Dans cette somme, on pose
L’égalité \(q = 0\) équivaut à \(n - 1 = m + p\) soit à \((m,p) = (k - 1,n - k)\) puisque l’indice \((m,p)\) parcourt \( [5] \times [6]\). Par les changements d’indices \((11)\), on effectue la transformation suivante : pour \(k \geq 1\),
$$\binom {n}{k} \binom {k-1}{m} \binom {n-k}{p} = \frac {n !} {k !(n-k) !} \frac {(k-1) !} {m !i !} \frac {(n-k) !} {p !(q-i) !} \frac {n} {k} \binom {n-1}{q} \binom {m+p}{m} \binom {q}{i}$$
En isolant le cas où \(q = 0\),
$$ P_n(x,y,z)=\sum_{k=1}^n \binom {n}{k} x^{k-1}y^{n-k} + Q_n(x,y,z),$$
où \(Q_n(x,y,z)\) désigne la somme
$$\sum_{\overset{m+p+q=n-1 }{q \geq 1}} n \binom {n-1}{q} \binom {m+p}{m} \left ( \sum_{i=0}^q \binom {q}{i} (-1)^i(m+1+i)^{q-1} \right ) x^m y^p z^q.$$
Il reste à établir la nullité des sommes
$$\sum_{i=0}^q \binom {q}{i} (-1)^i(m+1+i)^{q-1} \ \ (m,q \in \mathbb N) \ \ \ \ \ \ \ (12)$$
pour conclure que
$$P_n(x,y,z)=\sum_{k=1}^n \binom {n}{k} x^{k-1}y^{n-k}$$
qui est bien égal pour \(x \neq 0\) à
$$\frac {(x+y)^n-y^n} {x}.$$
Pour établir la nullité des sommes \((12)\), Marie-Laure Chaillout introduit les expressions
$$S_{m,q,j} = \sum_{i=0}^q \binom {q}{i} (-1)^i(m+1+i)^{j}\ \ (m,q,j \in \mathbb N) \ \ \ \ \ \ \ (13)$$
On fixe \(q \geq 1\) et on montre par récurrence (finie) sur \(j \in [7]\) que \(S_{m,q,j}\) est nulle pour tout \(m \in \mathbb N\), le cas \(j = q - 1\) donnant la nullité des sommes \((12)\). L’initialisation
à \(j = 0\) résulte de la formule du binôme :
$$S_{m,q,0}=(1-1)^q=0.$$
Ensuite si toutes les sommes \(S_{m,q,j-1}\) sont nulles pour un certain \(j \in [8]\), en écrivant
$$ (m+1+i)^j = (m+1)(m+1+i)^{j-1} + j(m+1+i)^{j-1},$$
on établit la relation
$$S_{m,q,j}=-qS_{m+1,q-1,j-1} + (m+1)S_{m,q,j-1}$$
et l’on conclut par récurrence.
Michel Lafond (Dijon) propose une approche un peu différente. Le cas \(z = 0\) se résumant à la formule du binôme, il suppose \(z \neq 0\) et se ramène au cas \(z = 1\). Il s’agit ensuite de trouver les coefficients devant \(x^ky^{n-k}\), ce qui le conduit à s’intéresser à des sommes du type \((13)\).
Commentaire . La nullité des sommes \((13)\) revient essentiellement à établir pour tout \(P \in {\mathbb C}_q−1[X]\),
$$\sum_{i=0}^q (-1)^i \binom {q}{ i}P(i)=0$$
L’opérateur \( \tau\) : \(P(X) \mapsto P(X + 1)\) préservant le degré et le coefficient dominant,
$$deg(\tau(P)- P) \leq deg(P)-1.$$
Donc
$$(\tau-id)^q(P) = 0,$$
soit encore
$$\sum_{i=0}^q \binom {q}{ i} (-1)^{q-i} {\tau}^i(P)=0,$$
c’est-à-dire
$$\sum_{i=0}^q \binom {q}{ i} (-1)^{q-i} P(x+i)=0.$$
On obtient le résultat souhaité en testant en 0.
Problème 484-4 ; extrait du Concours Général 2008-2009
Trouver les fonctions \(f : \mathbb R \to [-1,1]\) solutions de l’équation fonctionnelle
$$f(2x) = 2{f(x)}^2 - 1,$$
telles que \(\frac {1-f(x)}{x^2}\) admette une limite quand \(x\) tend vers 0 et vérifiant \(f (0) = 1\).
Solution. Il existe l \(\lambda\) tel que
$$f(x) \underset {x \to 0}{=} 1-\lambda x^2+o(x^2), \ \ \ \ \ \ \ (14)$$
à savoir
$$\lambda = \underset {x \to 0}{lim} \left ( \frac {1-f(x)}{x^2} \right ).$$
Ce réel \(\lambda\) est positif (\(f\) est à valeurs dans \([-1,1]\)). L’existence de ce développement limité montre que \(f\) est continue en 0 puisque \(f(x) \underset {x \to 0}{\to} 1=f(0)\).
Fixons \(x \in \mathbb R\). On peut définir, pour tout \(n \in \mathbb N\),
$$\theta_n = \arccos \left ( f \left (\frac {x} {2^n} \right ) \right ) \in [0,\pi].$$
Par continuité de \(f\) en 0, et puisque \(f (0) = 1\),
$$\underset {n \to +\infty}{lim} \theta_n = \arccos \left ( f(0)\right ) = 0.$$
Il existe donc \(n_0 \in \mathbb N\) tel que pour \(n \geq n_0\),
$$0 \leq \theta_n \leq \frac {\pi} {2}.$$
De plus, pour \(n \in \mathbb N\),
$$cos(\theta_n) = f \left (\frac {x} {2^n} \right ) = 2 {f \left (\frac {x} {2^{n+1}} \right )}^2-1=2cos^2(\theta_{n+1})-1 = cos(2\theta_{n+1}).$$
Pour \(n \geq n_0\), les réels \(\theta_n\) et \(2\theta_{n+1}\) sont dans \([0,\pi]\), donc \(\theta_n = 2\theta_{n+1}\) puis
$$\theta_n = \frac {\theta_{n_0}}{2^{n-n_0}} \ \ (n \geq n_0) \ \ \ \ \ \ \ (15)$$
Par ailleurs,
$$ f \left (\frac {x} {2^n}\right ) \underset {n \to +\infty}{=}1-\lambda} {\left (\frac {x} {2^n} \right )}^2 + o \left (\frac {1} {4^n} \right ),$$
mais on a aussi, d’après \((15)\),
$$ f \left (\frac {x} {2^n}\right )= cos(\theta_n) \underset {n \to +\infty}{=}1 - \frac {1} {2} {\theta_n}^2 + o \left (\frac {1} {4^n} \right ).$$
Ainsi
$$-\lambda {\left (\frac {x} {2^n}\right )}^2 \underset {n \to +\infty}{\sim} - \frac {1} {2} {\theta_n}^2.$$
La relation (15) donne alors
$$ \lambda x^2=\frac {1} {2} {\theta_{n_0}}^2 4^{n_0}.$$
Posons \(a=\sqrt {2\lambda}\). Notons que \(a\) est indépendant de \(x\). Par définition,
$$ \theta_{n_0}=\pm a \frac{x}{2^{n_0}}$$
et
$$ f \left (\frac {x} {2^{n_0}}\right ) = cos(\theta_{n_0})= cos \left ( a \frac{x}{2^{n_0}} \right ).$$
L’équation fonctionnelle \(f(2x) = 2{f(x)}^2 - 1\) et la trigonométrie classique donne alors
$$ f \left (\frac {x} {2^{n_0-1}}\right ) = cos \left ( a \frac{x}{2^{n_0-1}} \right ),$$
puis par récurrence finie sur \(k \in [9]\),
$$ f \left (\frac {x} {2^{n_0-k}}\right ) = cos \left ( a \frac{x}{2^{n_0-k}} \right ).$$
En prenant \(k = n_0\), on obtient
$$f(x) = cos(ax)$$
Réciproquement, pour tout \(a \in \mathbb R\), les fonctions \(x \mapsto cos(ax)\) sont solutions au problème posé.
<redacteur|auteur=103>